SOURCE - Abbé Xavier Beauvais, fsspx - DICI - 16 octobre 2015
Le Synode sur la famille devrait être le rappel clair et net de la doctrine de l’Eglise sur le mariage catholique, malheureusement il est l’occasion pour des évêques progressistes de présenter une doctrine hétérodoxe, en phase avec les idées du monde post-moderne individualiste et hédoniste.
Le Synode sur la famille devrait être le rappel clair et net de la doctrine de l’Eglise sur le mariage catholique, malheureusement il est l’occasion pour des évêques progressistes de présenter une doctrine hétérodoxe, en phase avec les idées du monde post-moderne individualiste et hédoniste.
Ce sermon de l’abbé Xavier Beauvais, en l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris), pour le IIe dimanche après l’Epiphanie, a été publié dans Nouvelles de Chrétienté n° 103 (p. 13-16). Il expose ce que l’on aimerait entendre de la bouche de certains pères synodaux sur le rôle propre de l’homme et de la femme dans un foyer chrétien.
Homme et femme Il les créa
L’évangile des noces de Cana est l’évangile du mariage, qui est la base de la famille comme la famille est la base de la société. Comme nous le savons, nos âmes ont été créées par Dieu pour atteindre la fin ultime qui est Dieu lui-même. Et si Dieu a créé des hommes et des femmes, c’est parce qu’Il a donné aux hommes une mission propre et aux femmes une mission propre. La femme a été créée et unie par Dieu, au moyen du sacrement de mariage, à un homme pour qu’il s’attache à elle, qu’ils soient deux en une seule chair, et qu’elle soit sa compagne dans la procréation et l’éducation des enfants, comme aussi dans la vie domestique pour tenir sa maison et régner comme reine sur son foyer. Telle est la mission propre de l’épouse auprès de l’époux. La psychologie propre de l’un et de l’autre ne sera donc pas la même.
La psychologie de l’homme le prédispose à être l’autorité, à être chef de famille : époux et père. La psychologie de la femme l’induit immédiatement à être la reine de la famille : épouse et mère. Ce n’est pas une invention humaine, car le rapport fondamental entre ces deux psychologies se trouve dans la Genèse. La femme est tirée de l’homme, et non pas de n’importe quelle partie de l’homme, elle est tirée du cœur de l’homme. Eve vient d’Adam comme son principe, de même l’Eglise vient du Christ. Et quel est le point précis d’où jaillit la source ? Du côté entrouvert, du cœur lui-même.
L’égalitarisme à la mode
Ainsi la femme n’est pas tirée de la tête de l’homme, et c’est pourquoi elle ne domine pas, comme la tête domine le corps. La femme n’est pas non plus tirée des pieds de l’homme, elle n’est donc pas son esclave. La femme est tirée du cœur de l’homme, elle est donc son amour. Le mari est la tête, la femme est le cœur. L’homme est donc la tête de la femme. Il est prince de la famille, et elle est tirée de lui comme de son principe. Mais elle est tirée de son cœur. Elle est donc par rapport à lui comme le cœur par rapport à la tête.
Quand on comprend cela, on sort de cette atmosphère d’égalitarisme tant à la mode aujourd’hui. La femme n’est pas l’égale de l’homme, pas plus d’ailleurs qu’elle n’est inégale à l’homme. Dites-moi, les poumons sont-ils égaux aux mains ? Les yeux sont-ils égaux aux oreilles ou inégaux ? A la vérité, ces questions n’ont pas de sens. La femme est à l’homme ce que le cœur est à la tête. Le cœur et la tête doivent donc vivre dans l’unité. C’est le pape Pie XI qui l’écrivait dans son encyclique sur le mariage, Casti Connubii (31 décembre 1930) : « Si, en effet, le mari est la tête, la femme est le cœur, et, comme le premier possède la primauté du gouvernement, celle-ci peut et doit revendiquer comme sienne cette primauté de l’amour ». Ainsi dans le mariage, il est essentiel que chacun des époux s’applique de son mieux à tenir la place qui lui est assignée dans le plan de la création.
Il importe donc que le mari obtienne – Dieu aidant – d’être la tête attentive et dévouée au bien commun, car l’autorité est toujours en vue du bien commun de tout le corps. Il convient aussi que la femme obtienne – Dieu aidant – d’être en toute vérité le cœur, source d’amour pour tout le corps, mais tout associée à la volonté de la tête, toute soumise par affection au chef de famille. Tout désordre risque fort d’ébranler de fond en comble l’organisme familial, car il est aussi mauvais de « n’avoir pas de tête » que « de manquer de cœur ».
Ainsi, il doit y avoir une complémentarité dans le mariage. En premier lieu, l’homme se défie de ses propres impressions, mais il se défie beaucoup moins des impressions de son épouse. L’époux sait qu’il a des moyens de juger plus précis et plus sûrs que son épouse. Mais ces moyens sont moins rapides. La littérature, l’histoire, l’Histoire Sainte sont jalonnées des songes, des pressentiments ou des impressions des femmes. Parfois elles se trompent, parfois aussi elles sentent juste. Voyez comment saint Matthieu rapporte l’avertissement que Pilate reçoit de son épouse : « Pendant qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui envoya dire : ‘N’aie pas d’histoire avec ce juste, car j’ai beaucoup souffert en songe aujourd’hui à son sujet’ » (Mt 27, 19). Si l’intuition féminine n’est pas nécessairement juste, il n’est pas non plus fondé d’affirmer que tous ceux qui ont une raison, ont par là même un jugement sûr. Ce qu’on veut dire ici c’est que le mode de connaissance de la femme n’est pas le mode de connaissance de l’homme. Il y a entre eux une différence fondamentale qui les constitue chacun ce qu’ils sont. Si l’homme est raisonnable et la femme intuitive, il convient à la tête d’être raisonnable et au cœur d’être intuitif.
La femme est donc généralement moins raisonnable que l’homme, et l’homme est généralement moins intuitif que la femme. Mais l’homme peut se servir mal de sa raison : son intérêt, son orgueil, sa passion peuvent compromettre son jugement et parfois même obscurcir son intelligence. La femme, elle, peut être victime de son intuition par une imagination débridée, par trop de complaisance pour sa sensibilité, par coquetterie ou vanité. Tout cela peut compromettre en effet la stabilité de ses sentiments et parfois même la rendre écervelée. L’homme ne se fie pas à ses impressions, il étudie, examine, cherche vraiment à ne pas se laisser dominer par une idée préconçue ou un sentiment affectif. La femme, elle, est assaillie en permanence par ses impressions. Elle est l’écho merveilleusement fidèle de tout ce qui se passe à côté d’elle, autour d’elle. Elle remarquera des milliers de choses sans importance. Elle n’est indifférente à rien, ce qui la rend alors moins rationnelle que l’homme dans ses jugements.
Enrichissement mutuel
A propos de la charité entre époux, tout est agencé pour que le mari et la femme s’enrichissent mutuellement ou pour qu’ils se disputent sans arrêt… Oui, car si le mari se met à regretter que sa femme juge trop vite et sans véritable motif, il n’est pas au bout de ses peines. Et si l’épouse se met à penser que son mari est lent d’esprit, défiant de caractère, elle va probablement souffrir. Au contraire, si l’époux accepte les impressions de sa femme comme les avertissements de son cœur qui parfois se serre sans raison – et parfois avec tant de raisons ! –, et si l’épouse sait faire confiance au jugement que porte son mari en dernier ressort, s’y soumet en cherchant à comprendre les motifs qui le fondent, en respectant en lui la tête ; alors, d’un côté comme de l’autre, la charité sera de beaucoup facilitée entre époux. Lui va s’enrichir du cœur de sa femme, et elle va s’enrichir de la raison de son mari, et, avec l’âge, s’imprègnera de plus en plus de son jugement. Et ils finiront par ne plus avoir qu’un seul cœur et qu’une seule âme.
Ainsi, il y aura deux formes de fécondité qui dérivent du fait que la femme connaît de façon intuitive et l’homme de façon rationnelle. Il ne faut donc pas s’étonner si la création des grandes œuvres de l’esprit apparaît à travers toute l’histoire comme le fait de l’homme. Car, à la femme, Dieu a réservé d’être féconde non pas en vue des paternités de l’intelligence, mais en vue des maternités du cœur, de l’âme et de la vie. Ce rôle, elle ne peut le remplir qu’en l’acceptant en plénitude et en restant humblement à la place – une place immense – qu’Il lui assigne. Car seule l’humilité nous attache aux grandes œuvres.
Le rôle de la femme
Dans une revue de l’Université d’Ottawa, Marie-Paule Vinay écrivait en 1949 un article intitulé Le rôle de la femme. Dans cet article un passage m’a frappé :
« Ce rôle est par excellence un rôle caché dont l’enfouissement marque en quelque sorte l’efficacité. En effet, plus le renoncement féminin est pur, silencieux, plus l’homme peut avancer loin, dans les conquêtes de l’esprit et du cœur sans aucun danger pour l’équilibre du corps social tout entier. L ’épouse, dans la famille, est d’autant plus utile qu’elle est effacée. Cette loi semble inéluctable. La femme qui ne s’efface pas, en efface d’autres. Une femme qui n’est pas toile de fond devient écran. Ceci se vérifie partout. Suivant l’importance personnelle qu’elle reprend, différents secteurs de la vie familiale sont perturbés. La femme inconnue, âme des silences de sa maison, donne au monde une leçon d’ordre.
« Comme une pierre anonyme dans un édifice, elle soutient ce qui est en haut en s’appuyant sur ce qui est en bas. Elle légitime et unit l’un et l’autre de tout son être. Elle est pour l’édifice totale bénédiction. L ’inconnue par excellence, n’est-elle pas cette femme qui se cache au sein de la Lumière, la bienheureuse Immaculée dont une seule caractéristique intime nous fut livrée : Elle gardait toutes ces choses en son cœur. »
Voilà le plan de Dieu. Oh, il n’interdit pas, c’est évident, toutes les activités extrafamiliales de l’épouse, activités privées ou même publiques, où sa vocation de maternité peut s’épanouir de façon spirituelle, mais non moins réelle. Cependant par sa nature, et au sein de la famille, l’épouse est appelée à vivre non pas pour elle, pas même par rapport à elle. Elle est appelée à vivre non seulement pour ceux qu’elle aime, – l’homme y est aussi appelé -, mais à vivre par rapport à ceux qu’elle aime. Voyez, j’ai dit tout cela pour bien montrer tout simplement que dans un mariage chrétien l’époux et l’épouse sont appelés à se compléter. Il y a un ordre à suivre dans l’amour, comme d’ailleurs en toute chose. Or, que voit-on aujourd’hui ? Certains époux qui se font autoritaires, d’autres qui se croient bons parce qu’ils cèdent toujours et sur tout…, des épouses qui mènent leur mari par le bout du nez, d’autres qui affirment leur indépendance. Il y a même des époux et des épouses qui croient s’aimer mieux parce qu’ils ont décidé d’avoir chacun ses goûts, si ce n’est chacun ses amis, chacun ses sorties, et qui s’étonnent un jour d’une rupture. Un jour vient où tous les désordres se paient.
Autorité et sacrifice de soi
On ne s’est pas rendu compte à temps que pendant des années on a méprisé l’ordre naturel, celui qui contient le véritable sens de l’autorité et de la soumission. Il y a des mots qui ont perdu leur sens véritable. Il y a des idées qui ne peuvent plus circuler parce que les mots à travers lesquels ces idées devraient circuler ont perdu leur sens. C’est le cas du mot ‘autorité’, du mot ‘soumission’. On ne sait plus ce qu’ils veulent dire. Pour beaucoup, aujourd’hui, autorité signifiera ‘despotisme’, ‘tyrannie’, ‘fascisme’. Pour beaucoup aujourd’hui l’idée d’obéissance est désagréable, surannée, elle suscite une véritable répulsion, on la remplacera par la spontanéité, l’autodétermination. Tout cela fait qu’on ne trouve presque plus de chefs. Il y a bien des gens qui prétendent commander, mais pour la plupart ce ne sont pas des chefs, mais des hommes qui ont désiré le pouvoir pour assouvir leur propre orgueil, leur soif de gloire personnelle, capables alors de n’importe quelle lâcheté ou abandon plutôt que de renoncer à la démagogie et au désir de plaire. « Celui qui n’est pas capable de coiffer la couronne d’épines pour rester fidèle à son autorité n’est pas un chef, mais un démagogue ».
Quel bonheur que celui d’un jeune homme et d’une jeune fille qui viennent échanger le plus doux des consentements devant l’autel de Dieu avec ces convictions dont nous venons de parler. Lui, le jeune homme, résolu de ne jamais rien décider pour lui seul par égoïsme, par intérêt, sensualité ou orgueil. Résolu de toujours décider par amour pour son épouse, pour le bien des enfants qu’elle lui donnera, pour l’Eglise. Résolu à ce sacrifice de soi, à cette vie de véritable amour, parce qu’il sait qu’il a reçu son épouse de Dieu, pour la conduire à Dieu, elle et ses enfants. Résolu de ne jamais abdiquer son rôle de chef à travers n’importe quelle difficulté ou séduction étrangère, résolu de toujours vivre pour le troupeau qui lui est confié, quelque renoncement que cela exige de lui.
Et elle, l’épouse qui a la certitude qu’elle peut s’appuyer sur son mari, s’en remettre à lui, se confier à lui pour qu’il la conduise à Jésus-Christ. Elle qui sait que Dieu lui a donné un époux qui saura écouter les conseils, s’enrichir des inspirations de sa femme, prendre en considération toutes ses remarques, si perspicaces qu’il en sera bien souvent étonné. Elle qui sait exactement ce que Notre Seigneur lui demande lorsqu’il lui fait dire par saint Paul d’être soumise à son mari. Cela ne signifie pas qu’elle doit être soumise à ses caprices, à un égoïsme qui compromettrait la vie du foyer, à une attitude manifestement mauvaise ou déraisonnable. Non, il est clair que cet ordre qui soumet l’homme à Dieu et l’épouse au mari, ne peut briller dans sa perfection que si l’époux reste chrétien et digne du nom d’homme. S’il est vraiment cet homme et ce chrétien, reconstitué déjà par la grâce, alors, avec quel bonheur sa femme se reposera sur lui. Elle veillera à le bien conseiller. Il l’unira à ses réflexions, à ses délibérations. Elle fera valoir ce que seule une femme sait voir. Il en usera raisonnablement pour enrichir les motifs qui inclineront la décision. Mais elle saura que dans la vie conjugale normale, c’est à lui de poser l’acte capital du jugement, la décision. De son côté, il saura que même s’il a suivi un avis, un conseil, une idée de sa femme et que l’expérience vienne démentir son espoir, jamais il n’aura le droit de se retourner contre elle, de le lui reprocher. C’est lui qui en porte la responsabilité.
Toutes ces choses sont telles et elles méritaient, je crois, d’être dites. Ainsi soit-il.
Abbé Xavier Beauvais
Bibliographie : Marcel Clément, La joie d’aimer, Nouvelles Editions Latines
(DICI du 16/10/2015)