Jusqu’à la veille de l’ouverture
du synode, les pétitions et les appels en faveur de la doctrine catholique sur
le mariage et la famille, adressés au Saint-Père et aux pères synodaux, se sont
multipliés.
Aux Etats-Unis
Le 10 septembre, a été publié
dans la revue américaine First Things, un appel international,
rédigé par les professeurs David S. Crawford de Washington et Stephan
Kampowski (sur la photo) de l’Institut Jean-Paul II, signé par une
cinquantaine de moralistes et philosophes catholiques du monde entier, parmi
lesquels les professeurs Robert Spaemann, Wolfgang
Waldstein et Martin Rhonheimer, afin que les pères du
synode suppriment le paragraphe 137 de l’Instrumentum laboris, qui
s’oppose à l’enseignement de l’encyclique Humanae Vitae (25
juillet 1968), en confiant à la discrétion d’un directeur spirituel la
responsabilité de trouver un compromis entre la conscience subjective des époux
qui lui sont confiés et la norme morale objective de l’Eglise.
On peut y
lire : « Le paragraphe 137 se présente comme étant une explication de la
signification de Humanae Vitae ; mais en réalité il vide
celle-ci de son enseignement central. Ce n’est pas là un détail
secondaire : il s’agit bel et bien d’une distorsion du contenu fondamental
du document de Paul VI. Les inexactitudes et les distorsions que contient l’Instrumentum
laboris risquent d’avoir des conséquences désastreuses pour les
fidèles, qui ont le droit de connaître la vérité du depositum fidei.
En effet, le paragraphe 137, s’il est approuvé par le synode, sèmera la
confusion parmi les fidèles (…). Permettre que les formulations contenues dans
le paragraphe 137 fassent partie de l’enseignement du synode impliquerait en
effet de pouvoir appliquer la logique de ce texte aussi à d’autres domaines
dans lesquels l’enseignement de l’Eglise est en jeu à l’égard d’actes
intrinsèquement mauvais tels que, par exemple, l’avortement et l’euthanasie.
« Ce n’est pas
la première fois que cela arrive. Le fait que tant de théologiens et même tant
d’évêques et de prêtres n’aient pas exprimé leur ferme soutien à l’enseignement
de Humanae Vitae a entraîné des décennies de
désobéissance à l’enseignement de l’Eglise, et ce dans tous les domaines,
et pas seulement dans le domaine sexuel. »
Le 15 septembre, une Supplique
au Saint-Père a été adressée par Mgr Bernard Fellay,
Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X.
En Pologne
Le 21 septembre, les évêques
polonais (sur la photo) ont rendu publique leur position sur la famille, où
se trouvent les affirmations suivantes : « ‘Ce que Dieu
a uni, que l’homme ne le sépare pas’, dit le Christ (Mc 10,9). Par
conséquent, le mariage sacramentel est, par sa nature même, indissoluble. La
loi de Dieu fixe des limites que les décisions humaines ne peuvent pas
transgresser. L’homme n’a pas ‘tout pouvoir sur la loi divine, naturelle ou
positive’ (Jean-Paul II, Discours au Tribunal de la Rote romaine,
21.01.2000). Dans une situation où les époux sont en difficulté, la tâche de
l’Eglise catholique est de les aider dans l’approfondissement de leur amour et
de la responsabilité mutuelle, et dans leur conversion. Aujourd’hui, ce type de
pastorale est plus que jamais nécessaire.
« Dans
l’Eglise catholique, il n’y a pas de divorce ni de processus conduisant au
divorce. Il n’y a que le processus dans lequel on détermine,
individuellement, si le mariage était valide ou non. Tous doivent éviter la
mentalité du (recours au) divorce. Toute séparation entre des époux est une
offense contre Dieu, qui fait beaucoup de mal – laissant non seulement les deux
époux avec des blessures, mais jetant aussi une ombre douloureuse sur leurs
enfants, la famille immédiate, les amis et connaissances – et qui détruit le
fondement de toute la société. (…)
« Nous espérons
que durant le synode une reconnaissance encore plus grande sera exprimée aux
époux, qui, avec sage délibération et généreusement ont choisi d’avoir beaucoup
d’enfants, de leur donner la vie et prendre soin d’eux, et de les introduire
dans le monde de la foi et de la culture (Conseil Pontifical pour la Famille, Famille
et procréation, 18-19). Cette reconnaissance est également étendue aux
couples qui adoptent des enfants et à des personnes qui créent des maisons de
type familial pour les enfants. »
Dans la même ligne,
Mgr Stanislaw Gądecki, archevêque de Poznan et président de la
Conférence Episcopale de Pologne, et Mgr Henryk Hoser S.A.C.,
archevêque de Varsovie-Prague, ont diffusé un document rédigé par un groupe
d’intellectuels polonais qui affirment : « Nous sommes profondément
convaincus que le monde a besoin aujourd’hui de l’enseignement chrétien sur les
questions du mariage et de la famille. Il existe une grave tentation de diluer
la définition du mariage sacramentel et de la famille bâtie sur ce fondement.
(…)
« L’Eglise ne
peut pas renoncer à sa fonction d’enseignement et d’éducation même si cela
éveille des critiques à son égard. Le silence de l’Eglise sur la redéfinition
de la conception de la famille, qui a lieu aujourd’hui, est souvent perçu comme l’abandon
des brebis par le berger. C’est sur l’Eglise que repose la responsabilité
de la formation des fidèles qui vivent dans le monde contemporain, mais aussi
de la présentation d’un enseignement lisible, sans ambiguïtés, à ceux qui
vivent en dehors de l’Eglise. Dans les deux cas, une réflexion théologique,
anthropologique, morale et sociale est nécessaire – une réflexion qui aiderait
à comprendre les réponses de la Révélation aux questions que pose le monde en
évolution.
(…) Nous espérons
que le synode qui s’approche va indiquer et appeler par leur vrai nom les
idées, les institutions et les mécanismes qui mènent à ce que le pape François
appelle la « colonisation idéologique » du monde contemporain. Aux
phénomènes qui exigent une analyse compréhensible et un jugement, appartiennent
– entre autres – les programmes scolaires qui dépouillent le mariage de sa
dimension spirituelle et éthique, les mécanismes culturels et éducatifs de
sexualisation et de perversion des enfants et des jeunes. Une inquiétude toute
particulière éveille le diktat de la politique dans le domaine de
l’anthropologie et de la médecine visant à déstabiliser le sexe et à redéfinir
la famille ».
Dans le monde
Le 29 septembre, une Supplique
filiale au pape François sur l’avenir de la famille qui a recueilli
790.190 signatures, dont celles de huit cardinaux, a été remise au Secrétariat
d’Etat. Les signataires demandent au pape de donner « une parole
éclairante » afin de dissiper la « désorientation généralisée causée
par l’éventualité qu’au sein de l’Eglise se soit ouverte une brèche permettantl’acceptation
de l’adultère – moyennant l’admission à l’eucharistie de couples
divorcés civilement remariés – et jusqu’à une virtuelleacceptation des
unions homosexuelles, pratiques condamnées de façon catégorique comme
contraires à la loi divine et naturelle. (…) Seule une intervention suprême du
souverain pontife peut, en effet, être à même d’aider les fidèles désorientés à
sortir de la confusion qui s’est créée au fil des années et qui s’est aggravée
dernièrement de façon dramatique ».
La pétition a été
signée, entre autres, par : les cardinaux Raymond Leo Burke, Patronus de
l’Ordre de Malte ; Jorge Medina Estévez (sur la photo),
préfet émérite de la Congrégation pour le Culte Divin ; Geraldo
Majella Agnelo, primat du Brésil ainsi que secrétaire de la Congrégation
pour le Culte Divin à Rome ;Gaudencio Rosales, archevêque émérite
de Manille ; Ricardo J. Vidal, archevêque émérite de Cebu
(Philippines) ; Janis Pujats, archevêque émérite de Riga
(Lettonie) ; Alexandre José Maria dos Santos, O.F.M.,
archevêque émérite de Maputo (Mozambique).
A Rome
Le 28 septembre,
trois prêtres : l’abbé Claude Barthe, promoteur des pèlerinages de
soutien à la lettre apostolique Summorum Pontificum, MgrAntonio
Livi, doyen émérite de la Faculté de philosophie de l’Université
pontificale du Latran, et l’abbé Alfredo Morselli (sur la
photo), curé de paroisse et prédicateur d’exercices spirituels, ont publié sur
le site du vaticaniste Sandro MagisterChiesa, un document
dans lequel ils affirment que certains paragraphes de la Relatio finale
du synode de 2014, intégrés par la suite dans lesLineamenta et dans
l’Instrumentum laboris, – concernant l’accès des divorcés remariés à
l’eucharistie, la communion spirituelle, les homosexuels –, contredisent à
certains endroits la doctrine enseignée à tous les fidèles par le magistère de
l’Eglise, au point de « compromettre la Vérité » et donc de rendre
« inacceptable » la totalité de l’Instrumentum laboris, ainsi
que tout « autre document qui en reprendrait le contenu et qui serait
soumis à un vote à l’issue de la prochaine assemblée synodale ».
Les trois
théologiens font notamment une critique très sévère des paragraphes 122,
124-125 et 130-132 de l’Instrumentum laboris, en en soulignant les
lacunes et les silences. Ils affirment que : « La pastorale n’est
pas l’art du compromis et des concessions : elle est l’art de prendre
soin des âmes dans la vérité. C’est pourquoi tous les Pères synodaux doivent
tenir compte de l’avertissement du prophète Isaïe : ‘Malheur à ceux qui
appellent le mal bien, et le bien mal. Qui changent les ténèbres en lumière, et
la lumière en ténèbres. Qui changent l’amertume en douceur, et la douceur en
amertume’ (Isaïe 5, 20) ».
Le 30 septembre, à
Rome, lors du Congrès international Demeurer dans la vérité du Christ (Permanere
nella verità di Cristo), organisé par La Nuova Bussola Quotidiana, –
en collaboration avec L’Homme Nouveau, pour la presse française –,
a été présenté un Appel aux pères du synode qui réclame une
proposition intégrale de la tradition catholique sur les problèmes de la vie,
de la famille et de l’éducation. L’appel est signé, entre autres, par cinq
cardinaux : Carlo Caffarra, archevêque de Bologne ;
Raymond Leo Burke,Patronus de l’Ordre de Malte ; Walter
Brandmüller, président émérite du Comité pontifical des sciences
historiques ; Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le
Culte Divin ; Joachim Meisner, archevêque émérite de Cologne.
On peut y
lire : « La guerre contre la famille n’est pas seulement culturelle :
c’est aussi une guerre sociale, économique, juridique, doctrinale, qui vise
même le domaine sacramentel. Si bien que sa défense exige un magistère
spécifique, fort et clair. Un magistère qui réaffirme les préceptes de la loi
naturelle – que l’Evangile n’abolit pas, mais perfectionne – et qui conduise
les catholiques à la nécessaire défense de la famille, qui leur revient
notamment en raison de leur responsabilité concernant le bien commun de la
société et de tous ceux qui la composent.
Ce serait une grave
erreur d’accepter le statut que les forces aujourd’hui dominantes dans le monde
(l’idéologie dominante anti-chrétienne, l’agression des sectes protestantes les
plus radicales, les autres religions) voudraient imposer à l’Eglise, en la
cantonnant à des pratiques de dévotion et de bienfaisance, mais en considérant
comme intolérable qu’elle prétende délivrer une proposition globale pour
l’existence de l’homme comme tel. (…)
« C’est pourquoi,
chers pères synodaux, nous vous demandons de faire en sorte que de ce synode
émane une nouvelle proposition de l’intégralité de la tradition
catholique sur les problèmes de la vie, de la famille, de l’éducation, pour
permettre au peuple chrétien d’aujourd’hui d’approfondir son identité propre
afin de s’acquitter adéquatement de sa mission. (…) En particulier, il est
impensable que l’Eglise avalise l’équivalence de fait, et encore moins de
droit, entre une relation et un couple hétérosexuel et un rapport de nature
homosexuelle, car ce serait la subversion de la loi naturelle et du plan
d’amour du Dieu créateur ».
Devant tous ces
appels, Correspondance Européenne du 4 octobre pose, sous la
plume de Giulio Ginnetti, la question que tous se posent ces
jours-ci : « Les pères du synode et le Saint-Père en tiendront-ils
compte ? »
(Sources :
Correspondance Européenne/chiesa – DICI n°322 du 09/10/15)