SOURCE- Emmanuel Pic - 12 février 2007
L’affaire fait grand bruit: le pape accorde à des intégristes bordelais, qui occupent indûment une église de la ville, l’autorisation de se regrouper en congrégation et de célébrer la messe selon le rite en vigueur avant la réforme liturgique. Est-ce le grand retour de la messe en latin?
Lorsqu’elle a été rendue publique à l’automne, la décision de Benoît XVI a provoqué l’inquiétude des évêques, particulièrement du cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la conférence épiscopale, qui avait semblé la découvrir en même temps que ses diocésains... C’est maintenant chose faite : la communauté intégriste de l’abbé Laguérie se nomme désormais l’Institut du Bon Pasteur, et regroupe ses fidèles dans la nouvelle paroisse Saint-Eloi.
La paix est-elle ramenée pour autant ? Le cardinal n’en fait pas mystère : "Des réticences se sont exprimées", écrit-il sur son site Internet. C’est peu dire, la décision du Vatican ayant provoqué protestations et pétitions de prêtres et de laïcs qui avaient vu un retour en arrière dans cette nouvelle autorisation de célébrer la messe en latin.
Mais le problème n’est pas seulement celui de la langue utilisée dans la liturgie, latin ou français. Il s’agit, plus profondément, de l’adhésion aux grandes options prises par l’Eglise catholique dans les années soixante : œcuménisme, ouverture aux autres religions, attitude positive vis-à-vis du monde moderne. Les prêtres du nouvel institut ont déclaré clairement que ces points "paraissent difficilement conciliables avec la tradition", même s’ils acceptent d’entrer dans "une attitude positive d’étude et de communication". Si la communion fraternelle est établie, comme l’écrit encore Mgr Ricard, les divergences doctrinales restent présentes.
La décision vaticane, finalement entérinée par le cardinal de Bordeaux, va donc plus loin que ce qui en a été diffusé dans le grand public. L’Eglise admet en son sein la présence de personnes qui n’adhèrent pas à la réforme conciliaire et leur confie une mission dans un diocèse. Toute la question est maintenant de savoir quelles vont être les conséquences de l’accord : est-il signé dans l’espoir de ramener à la raison les membres, très peu nombreux du reste, de l’Institut ? Ou bien une telle situation est-elle appelée à perdurer, voire à créer un précédent ? Le premier cas ferait de l’Institut du Bon Pasteur une sorte de piège dans lequel les intégristes se garderont sans doute de tomber ; la seconde hypothèse signifierait une évolution importante des structures de l’Eglise catholique dans laquelle, jusqu’à présent, le souci de l’unité était subordonné à un accord sur les questions dogmatiques.