24 février 2007

[Michèle Reboule - Monde et Vie] Recension sur "Benoît XVI et les traditionalistes"

Michèle Reboule - Monde et Vie (n°775) - 24 février 2007

Michèle Reboule dans Monde et Vie n°775 - 24 février 2007 Ce livre comporte trois parties, présent, passé et futur. Le présent permet de connaître la biographie des deux auteurs, le passé et l’histoire de la Fraternité Saint-Pie X qui ne s’explique que par la crise de l’Eglise dûe en particulier au Concile, à la nouvelle théologie et à la nouvelle liturgie et le futur concerne la possibilité et les conditions d’un accord de la Fraternité avec Rome. De plus, c’est la première fois que grâce à une édition grand public (Entrelacs, filiale d’Albin Michel) les lecteurs, même non catholiques, pourront avoir accès aux causes de la crise de l’Eglise et à ses éventuels remèdes. Ce livre s’inscrit dans une collection qui s’appelle “Connivences”.
 
Comme le dit dans l’ouverture son directeur, Jean-Luc Maxence : « il m’a semblé utile, surtout à l’heure où le pape Benoît XVI veut courageusement recoudre la tunique déchirée de l’Eglise, de proposer… un dialogue sans langue de bois, avec une absolue liberté, sur la question d’un rapprochement entre la Fraternité Saint Pie X et Rome. »
 
Avant l’entretien sur ce sujet, on découvre le parcours du prêtre et du journaliste jusqu’en 2007. L’abbé Célier, né en 1958, est « un pur fils de l’école laïque », à l’école Emile Zola de St-Ouen fondée par Jules Ferry puis au lycée Honoré de Balzac près de la porte de Clichy. Au lycée, il croisa sans leur parler Michel Field « gauchiste enragé, leader de la campagne contre la loi Debré en 1973 » et Joëlle Aubron, « l’un des cinq dirigeants historiques d’Action directe ». Après un bac scientifique et 2 ans à l’université, il obtint un diplôme universitaire de technologie en Hygiène et Sécurité du travail. Il travailla alors pendant un an dans une entreprise d’usinage d’uranium qui fournissait l’industrie nucléaire et l’aéronautique. Il n’y persévéra pas puisqu’il entra en octobre 1979 à Ecône. Ses parents avaient accepté l’évolution de l’Eglise et lui-même servait chaque dimanche la messe de Paul VI célébrée en latin, chantée en grégorien, dans le respect des rubriques.
 
Le déclic vint de son assistance à la messe à l’église Saint-Nicolas du Chardonnet Le futur abbé Célier ressentit là profondément « le mystère de Dieu. Et par comparaison, la pauvreté, l’indigence même de la messe de Paul VI, y compris pieusement célébrée ». Il y a un parallèle et une complémentarité entre l’abbé Célier qui admire la doctrine catholique « cathédrale dogmatique qui enserre le mystère du Christ Rédempteur » et Olivier Pichon fasciné par la connaissance, la découverte et la compréhension du monde dont la base est l’étude du grec et du latin. « J’appartiens, dit-il, à la dernière génération des humanités dites classiques… moyen de découvrir les formidables secrets du savoir ». « La perte contemporaine de la culture chrétienne est une perte pour l’intelligence, et la renaissance catholique devra être accompagnée d’une renaissance parallèle du savoir et de la culture » constate cet agrégé d’histoire. O. Pichon est également docteur en sociologie politique. Son professeur de thèse était Annie Kriegel et le sujet de cette thèse était « La Pologne de 1940 jusqu’à Solidarnosc-Un modèle de résistance nationale et catholique ». C’est « cette universelle curiosité intellectuelle » qui le fait interroger l’abbé Célier. Afin d’étudier l’historique de la FSSPX comme réaction et remède à la crise de l’Eglise, l’abbé Célier commence dans la seconde partie intitulée “Passé”, par rappeler le coup de force du cardinal Liénart au concile. Alors qu’une commission (où était Mgr Lefebvre) avait préparé pendant trois ans vingt schémas qui devaient être étudiés et éventuellement adoptés à Vatican II, le cardinal Liénart deux jours après l’ouverture du concile, le 11 octobre 1962, demanda le report des élections et la possibilité pour les conférences épiscopales de présenter des listes. Cela lui fut accordé avec l’approbation de Jean XXIII et l’Alliance européenne, avec Mgrs Liénart, Garrone et Frings, prit la direction du concile. Dans la dernière partie “Futur”, l’abbé Célier répond aux sévères objections d’Olivier Pichon. La question centrale posée par ce dernier est celle-ci : Benoît XVI offre une occasion historique qui ne se représentera pas. Il faut saisir le kairos, le temps opportun d’un accord. En réponse, l’abbé Célier explique pourquoi la Fraternité Saint-Pie X n’a pas donné suite aux propositions de Rome en 1997, 2 000 et 2004 pour la régulariser et indique ce qui permettrait de signer un accord. L’abbé Célier rappelle que la Fraternité s’est toujours voulue une part de l’Eglise. C’est pourquoi un accord purement canonique et pratique n’est pas envisageable. O. Pichon le souhaite comme ouverture du processus de réconciliation mais l’abbé Célier pense qu’il doit être le terme d’un processus. Un jour, moins éloigné qu’il ne paraît, proclame l’abbé Célier, « cette réconciliation se fera, et nous serons tous réunis visiblement dans une Eglise qui aura pleinement retrouvé sa splendeur apostolique et missionnaire enracinée dans sa tradition ».