27 février 2007

[Jean-Marie Guenois - La Croix] L'Eglise confirme la rupture avec Saint-Nicolas-du-Chardonnet

SOURCE - Jean-Marie Guenois - La Croix - 27 février 2007

Par un communiqué publié mardi 27 février, jour du 30e anniversaire de l'occupation par la force de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, le diocèse de Paris récuse toute normalisation d'une telle situation. "La déchirure demeure", insiste le texte 
L’archevêché de Paris a haussé le ton, mardi 27 février, trente ans jour pour jour après l’occupation de force par des intégristes de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, au cœur du Quartier latin. Par un communiqué, Mgr André Vingt-Trois a voulu rappeler « la rupture » que « bien des chrétiens assistant aux offices religieux de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ignorent ». Des chrétiens qui pourraient d’ailleurs être « abusés par les propos tenus par les clercs de cette église ».
 
Le communiqué rappelle les motifs de cette rupture : « Il y a trente ans, des prêtres et des chrétiens ont occupé par force et contrairement à la loi une église de Paris, Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Ils en ont chassé le curé et les prêtres légitimes, et ils ont privé les fidèles de l’usage de leur église paroissiale. Onze ans plus tard, les prêtres occupant cette église ont adhéré à l’acte schismatique de Mgr Marcel Lefebvre du 30 juin 1988. La déchirure était consommée. Cette déchirure demeure. »
 
Le communiqué du diocèse insiste sur le fait que les prêtres officiant actuellement à Saint-Nicolas-du-Chardonnet « ne sont pas incardinés au diocèse de Paris ni dans un autre diocèse ou une communauté de l’Église catholique. Ils n’ont reçu aucune mission de l’archevêque de Paris. » Surtout, plus qu’il y a dix ans, le nouvel archevêque semble vouloir mettre en évidence que le problème vient de l’état d’esprit des occupants et non du diocèse.
L'unité, "un devoir pour tous les disciples de Jésus-Christ"
« Ils ne reconnaissent pas l’entière validité et la rectitude de l’enseignement » de Vatican II, et restent sourds à la main tendue. « Le pape Jean-Paul II a multiplié en vain les tentatives de dialogue pour le maintien et le rétablissement de l’unité, tant avant qu’après l’acte schismatique de Mgr Lefebvre. Le pape Benoît XVI poursuit cet effort pour ramener tous les fidèles catholiques dans l’unité. » Le communiqué rappelle enfin que le cardinal Jean-Marie Lustiger avait demandé aux curés de trois églises parisiennes (Sainte-Odile, Saint-Eugène et Notre-Dame-du-Lys) de célébrer « pour ces chrétiens la messe selon le missel en vigueur avant le concile Vatican II ». Il se conclut par un appel à « tous les catholiques » de Paris de prier pour l’unité, qui « demeure un devoir pour tous les disciples de Jésus-Christ ».
 
Le nouvel archevêque de Paris se situe ainsi clairement dans la ligne de son prédécesseur. En aucun cas, Mgr Vingt-Trois n’entend admettre une normalisation de ce qu’il considère comme un état de fait acquis par la force. Une normalisation, par installation dans le temps, que pouvait laisser entendre la célébration de cet anniversaire, le 18 février, par Mgr Bernard Fellay.
 
Dans son homélie, le supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (ordonné évêque illicitement par Mgr Lefebvre en 1988) a justifié « pour longtemps » l’état de « nécessité » qui a transformé cette « action héroïque » en « acte de restitution au culte catholique romain de cette église ».
« La Fraternité ne bougera pas »
Mgr Fellay a également salué le courage de ceux qui, il y a trente ans, ont accompli cette « prise d’église », en mouvement de « libération » contre ces « évêques et pasteurs qui, suite au Concile, asphyxient la vie catholique ». Et il a prévenu que si Rome publie un motu proprio libéralisant l’usage de la messe de saint Pie V, ce « premier pas nécessaire » ne changerait absolument rien : « La Fraternité ne bougera pas », a-t-il lancé dans une église comble, estimant qu’il faut changer aussi « les principes morbides, empoisonnés qui paralysent l’Église depuis quarante ans », visant « l’irénisme, l’œcuménisme, la liberté religieuse, la démolition de l’autorité personnelle et hiérarchique »…
 
Sans le nommer, Mgr Fellay a également attaqué l’attitude du grand absent de ce 30e anniversaire : l’abbé Philippe Laguérie, qui fut curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet jusqu’en 1997. Et pour cause : ce dernier, encensé pour sa pugnacité au moment du 20e anniversaire, a été ensuite exclu de la Fraternité. Nommé par Rome il y a six mois supérieur de l’Institut du Bon-Pasteur créé à Bordeaux, il a été autorisé à célébrer selon l’ancien rite et à former des prêtres.
 
Derrière lui, une partie des fidèles de Mgr Lefebvre qui se trouvent fort divisés, dont des anciens paroissiens de Saint-Nicolas réunis dans l’association Sensus Fidei et animés par une volonté de retour au sein de l’Église catholique. Le 18 février, Mgr Fellay, en chaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, fustigeait ce genre d’accord conclu avec le Vatican : « C’est perdu d’avance, c’est un suicide qui remet en cause tout ce combat. »
 
Jean-Marie GUENOIS