23 février 2007

[Golias] Marché de dupes à l’institut Bon Pasteur, ou quand l’abbé Laguérie refuse une « lettre de regrets »

SOURCE - Golias - 23 février 2007

"Il faut du temps au dialogue pour qu’il s’instaure véritablement, il y a eu trop de blessures, d’invectives, de mots durs.
 
Il faut du temps pour que la raison, la foi et le pardon l’emportent sur la passion.
 
Le Père Ricard a demandé à l’abbé Laguerie, en préalable, à toute recherche commune, une lettre de regret et de communion à l’Eglise qui l’accueille pour ouvrir de nouvelles relations.
 
Nous avons réaffirmé notre détermination à rester ouverts sur les défis de la mission, lucides sur les enjeux de l’annonce de l’évangile aujourd’hui et la nécessité de faire Église ensemble. - mais pas à n’importe quelles conditions – dans la diversité des vocations, de ministères et des sensibilités, "dans la charité et la vérité".
 
C’est en ces termes que l’Aquitaine, le bulletin du diocèse de Bordeaux, rapportait cette partie des débats du Conseil pastoral qui traitait de "l’érection" de la paroisse du Bon Pasteur sur instructions formelles – faudrait-il parler d’oukases- du Vatican.

Cette demande du cardinal Ricard, trente ans après l’occupation de Saint Nicolas du Chardonnet par… l’abbé Laguérie, n’était pas dénuée de bon sens, car s’il a obéi "en bon soldat" il ne doit se faire aucune illusion sur la sincérité et la loyauté des manœuvres qui ont abouti à l’installation de ce cheval de Troie sur le territoire de l’église de France.
 
C’est en réalité une tête de pont qui a été établi par les milieux conservateurs de Rome. C’est à partir de cette tête de pont que le "quarteron" de nostalgiques d’une église où le rite l’emporte sur le sens va se lancer à l’assaut des bastions faibles de cette église.
 
On ne doit, en effet, nourrir aucune illusion sur la capacité de résistance de certains diocèses dont l’évêque est proche de la sensibilité du commando de Bordeaux. D’autant que l’abbé Laguérie ne désespère pas d’essaimer dans plusieurs diocèses. Il annonce fièrement à plusieurs reprises que plusieurs évêques sont prêts à collaborer avec lui !
 
La convention entre le diocèse de Bordeaux et l’ancien dictateur lefebvriste a été finalement signée. On ne saurait dire qu’elle a été accueillie avec une joie débordante dans le camp des "ralliés". Et les échos qui filtrent des troupes demeurées fidèles aux héritiers purs et durs de Mgr Lefebvre sont encore plus pessimistes.
 
Pensez-donc ! L’archevêque de Bordeaux aux termes de la convention qu’il a finalement passée avec "l’abbé" Laguerie, récupère en quelque sorte la paroisse Saint-Eloi où il se réserve le droit de pouvoir célébrer l’office divin. Horesco referens ! L’office de Vatican II dans la paroisse concédée aux tenants de la liturgie traditionnelle.
 
Il était donc normal que l’archevêque de Bordeaux demande à l’abbé Laguerie de revenir sur un certain nombre de propos ( le vicaire de Mgr Ricard a été notamment traité de trotskiste) marqués au coin de la charité la plus fraternelle. Il était normal – et sain – qu’il n’accueille sur ordre cette équipe dont il n’a pas grand chose à attendre qu’après une reconnaissance sans équivoque de l’injustice flagrante des propos tenus par celui qui demandait à être accueilli dans cette "Église qui est à Bordeaux ".
 
Peut-être nous objectera-t-on qu’il ne "demandait" pas mais qu’il entendait, assuré de son bon droit, entrer botté et casqué dans le lit de la belle dans la vieille tradition des soudards de tous les temps. Or, Mgr Ricard dut se résoudre à « conventionné » avec l’abbé Laguérie, sans « lettre de regret ».
Petit rappel croustillant : un abbé toujours au dessus des lois
A la fin du siècle dernier, en 1999, mais ce n’est pas si loin, un certain abbé Laguérie se faisait chronométrer sur l’autoroute 10 à 190 km/heure. Ce jour-là, pour aggraver encore son cas, il circulait sans permis ce qui lui valut dans la lettre ouverte d’un journaliste de l’Humanité de s’entendre rappeler qu’il est des gens qui prenne l’habitude de "s’asseoir sur la législation comme d’autres sur leur missel". Devant le tribunal de Saintes où il comparaissait il trouvait pour seule explication que sa voiture "s’était emballée". Sûrement un coup du Malin !
 
Mais il est des accommodements avec la Justice comme avec le ciel. Avec une amende de principe de 2.800 francs (427 euros) notre saint homme devait écoper d’une suspension de permis de deux mois. Toutefois, dans le cadre de ces "accommodements" il lui fut signifié qu’il devait se séparer de son permis du dimanche soir 24 heures au lundi matin 10 heures. Qu’il bénéficie d’une telle mansuétude est incompréhensible … à moins qu’il ne trouve sa source dans des préjugés d’un autre temps.
 
Ce qui est plus révoltant, cependant, c’est de voir un Savonarole au petit pied, donneur de leçons et thuriféraire de grands principes qui refuse de s’appliquer à lui-même les règles élémentaires de morale publique.
 
Faire le coup de poing pour protester contre l’exposition d’une photographie de Bettina Rheims représentant une femme aux seins nus sur une croix, peut encore passer aux yeux de certains comme la réaction d’un homme indigné qui se fait justice à lui-même.
 
Mais mettre en danger la vie d’autrui quand on prône les grands principe c’est tout simplement ignoble. Ou c’est le signe d’un incommensurable orgueil.
 
Mais c’est plus certainement les deux à la fois.