7 juillet 2007





Les évêques français se disent rassurés, mais craignent des "réactions revanchardes"
7 juillet 2007 - Stéphanie Le Bars - lemonde.fr
Officiellement, le motu proprio de Benoît XVI, qui libéralise la messe en latin, semble compris et accepté par l'épiscopat français. Après les "craintes" exprimées lors de l'assemblée des évêques, à Lourdes, en novembre 2006, face à un texte qui risquait de donner des gages à l'aile traditionaliste, les commentaires mettent aujourd'hui en avant la volonté du pape de promouvoir "l'unité de l'Eglise". "Nos craintes sur la division des paroisses et la remise en cause de l'autorité du concile Vatican II ont été entendues et prises en compte dans la lettre qui accompagne le motu proprio", analyse Mgr Jean- Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, président de la conférence des évêques, avant d'ajouter : "La préoccupation première du pape est bien la réconciliation entre les catholiques qui restent attachés aux textes d'avant Vatican II et ceux qui pensaient que l'on avait tourné la page du rite ancien." Le cardinal Ricard prévient : " Il y aura des résistances des deux côtés, mais chacun doit parcourir une partie du chemin. "
L'insistance de Benoît XVI à rappeler que la forme liturgique issue de Vatican II demeure "la norme" rassure aussi les évêques de France. "Le pape insiste sur le fait que l'on ne peut pas accepter de voir déconsidéré le missel actuel", constate Mgr Michel Dubost, évêque d'Evry : "Les célébrations selon le texte ancien ne doivent pas se faire en opposition avec l'autre rite." Dépossédés, au profit des curés, de la responsabilité d'autoriser ou pas la célébration d'une messe en latin dans leur diocèse, les évêques demeurent pragmatiques. "Le centre de gravité de la décision a changé, mais la gestion des demandes reviendra de fait à l'évêque, car les prêtres ne seront pas en mesure d'y répondre. Faute de disponibilités et faute de formation", indique Mgr Ricard.
"VIEUX DÉMONS"
Comme la plupart de ses collègues, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, estime que les besoins des fidèles traditionalistes sont déjà couverts dans son diocèse. "C'est une réalité en baisse qui ne concerne que quelques centaines de personnes", assure de son côté Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille.
Aujourd'hui, plus de 120 messes, autorisées par les évêques, sont célébrées en France chaque semaine selon le rite ancien, auxquelles s'ajoutent les quelque 170 messes dominicales assurées par les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, les schismatiques du courant de Mgr Lefebvre.
Mais cette réalité statistique et les garanties rappelées par le pape n'empêchent pas les inquiétudes. "Ce texte risque de réveiller des vieux démons et certains catholiques vont se demander s'il ne constitue pas un abandon de Vatican II", s'inquiète- t-on dans un évêché "acquis au concile". "Il va aggraver les divisions", craint-on ailleurs. "Je comprends les exigences d'unité, mais il faut y joindre des exigences de vérité, sans instrumentaliser la liturgie", confie Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême. "Le risque de tension entre fidèles est réel", souligne par ailleurs Mgr Barbarin. La charge symbolique portée par les rites liturgiques dans le monde catholique fait en effet craindre des demandes "revanchardes" de la part de traditionalistes militants. "Pour certains, demander lamesse en latin apparaîtra comme un étendard destiné à tester la fidélité du curé au pape", prévoit Mgr Ricard.
Selon un sondage publié par l'hebdomadaire Pèlerin du 5 juillet, 65 % des catholiques pratiquants sont opposés à la célébration de la messe en latin.
Stéphanie Le Bars