24 mars 2012

[Dom Aidan - Le Baptistère] Une nouvelle fondation bénédictine dans le Var

SOURCE - Dom Aidan - Le Baptistère (n°63) - 24 mars 2012

En décembre 2011, Monseigneur Dominique Rey, Evêque de Fréjus-Toulon, a érigé le Monastère Saint-Benoît, une nouvelle communauté monastique selon la règle de Saint Benoît qui célèbre la liturgie sacrée selon les formes classiques et anciennes du rite monastique romain. Le supérieur, Dom Aidan, a donné cet entretien au site New Liturgical Movement et à notre demande d’interview nous en a donné une traduction française.
Révérend Père Prieur, pouvez-vous nous raconter les origines de ce monastère?
Les origines de notre monastère trouvent leurs racines dans notre désir de vivre une vie monastique selon la Règle de Saint Benoît. Certains d’entre nous ont été formés et professés moines bénédictins par le passé mais nous nous sentions frustrés de devoir vivre notre vocation dans des circonstances dont nous n’avions pas le contrôle. D’autres ont également rencontré cette difficulté mais souhaitaient tout de même être moines. Il en a résulté une vie menée loin de la vie monastique qui, bien que pénible, a renforcé notre désir de vivre la vie monastique traditionnelle et, chaque jour, son harmonie naturelle dans le rite liturgique classique et l’office. Dans des circonstances qui se sont avérées tout à fait providentielles, nous avons pu exprimer notre désir à Monseigneur Rey.
  
Monseigneur Rey nous a reçus comme l’aurait fait un vrai père. Notre demande a été suivie d’une période de discernement et de préparation pratique impliquant l’entourage de l’évêque, nous-mêmes, et mon propre évêque (qui lui aussi a démontré bienveillante sollicitude, gentillesse et générosité infinies) ainsi que le soutien et la générosité de beaucoup d’amis, sans oublier l’accueil chaleureux des habitants de La Garde-Freinet. A notre grande et très agréable surprise, il a été possible de commencer l’horarium monastique complet dès le premier dimanche de l’Avent et de célébrer notre érection canonique aux premières vêpres solennelles de l’Immaculée Conception au mois de décembre dernier.
Quel soutien avez-vous reçu du Diocèse de Fréjus-Toulon et de son évêque ?
Le soutien de l’évêque et du diocèse a été, et demeure encore, des plus solides. L’approche de Monseigneur Rey est de toujours se demander comment il peut, en tant qu’évêque, encourager et faire progresser le développement de l’Eglise. Il est prêt à mettre lui-même et son diocèse au service d’initiatives qui selon lui permettront de développer le royaume de Dieu sur terre. Il cherche des solutions, non des problèmes. Comme le fait également son entourage – du vicaire général à ses secrétaires et canonistes, son conseiller financier, etc. tous collaborent dans le but d’asseoir l’Eglise sur des fondations sures, tant financièrement que canoniquement.
  
Un très grand presbytère à côté de l’église paroissiale nous a été confié (on se demande déjà avec joie s’il ne va pas être trop petit !). L’église, elle, a été mise à notre disposition pour tous nos offices liturgiques. Le curé, qui nous a accueillis chaleureusement, vit dans un autre village dont il est aussi le désservant, et célèbre ici trois messes toutes les semaines pour la petite paroisse locale très impliquée. Ce « partage » de l’église fonctionne bien et propose la messe et l’office quotidien en plus des messes de paroisses déjà en place.
  
Monseigneur l’évêque a également été très généreux, en nous aidant financièrement pour notre installation –les coûts de la Sécurité Sociale française étant à eux seuls astronomiques – mais nous travaillons pour devenir très rapidement financièrement autonomes.
  
Un soutien pratique et fraternel est venu de tout le diocèse et bien sûr du clergé et des habitants locaux, qui en plus de leurs encouragements, nous ont fourni bon nombre d’effets matériels indispensables pour cette grande maison. Un monastère est quelque chose de différent et de nouveau, mais sa création a été accueillie avec l’hospitalité et l’ouverture d’esprit dont les habitants et le clergé de ce diocèse savent faire preuve.
Faîtes-vous partie de la confédération bénédictine mondiale ?
Bien que deux d’entre nous aient validé le noviciat bénédictin et aient été professés moines dans la confédération, notre communauté est établie par l’évêque et fait partie du diocèse. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes isolés : beaucoup de moines de la confédération sont de bons amis et nous nous sommes réjouis de leur aide et encouragement fraternels. Un de nos amis, un père abbé, a accepté l’invitation de l’évêque de l’assister ainsi que nous-mêmes au cours de notre croissance. Nous avons demandé notamment au père abbé de nous aider à former les novices. Donc, tout en étant indépendants de la confédération nous entretenons des liens étroits avec ses membres, et nous apprécions particulièrement leurs visites, leur soutien, la sagesse et l’expérience qu’ils partagent avec nous. 
Parlez nous de l’horarium et de la vie liturgique du monastère.
Notre horarium est simple, commence avec les matines à 04h00 et se termine avec les complies à 20h. Il inclut tous les offices chantés selon le Brevarium monasticum(1963) ainsi que la messe conventuelle selon l’usus antiquior. L’horarium n’est pas une accroche publicitaire ou une fantaisie, il est réel et il faut admettre que malgré les exigences qu’il impose, c’est une joie de le vivre.
  
Dans notre vie liturgique nous « osons faire autant que nous pouvons » comme St Thomas d’Aquin encouragerait de le faire (« quantum potes, tantum aude » seq. Lauda Sion). Vu notre taille, c’est parfois forcément modeste. Chanter fidèlement tous les offices monastiques chaque jour n’est pas une mince entreprise. En nous développant, plus de choses deviendront possibles et chaque nouvelle vocation est un don de la Providence de Dieu permettant à toute la famille monastique de louer Dieu de manière plus approfondie dans la liturgie sacrée.
  
Bien sûr la vie liturgique est par essence la vie du monastère. C’est notre raison d’être. Nous sommes ici avant tout pour servir Dieu, pour « ne rien placer avant l’œuvre de Dieu » comme Saint Benoît le prêche. Ceci nous façonne une identité claire et rythme notre journée, et encore une fois c’est une joie. C’est une grande joie de savoir que, grâce à la vision et la législation de notre très cher Saint-Père (qui est tout à fait partagée, soutenue et promue par Monseigneur Rey), l’usage des rites liturgiques plus anciens n’est pas un problème. Il n’y a aucune controverse autour du fait que nous passions nos journées et nos nuits à chanter les louanges de Dieu ou à offrir le saint sacrifice de la messe comme les moines l’ont fait pendant des siècles, et en effet il ne devrait jamais y en avoir. 
Comment envisagez-vous la façon dont le monastère peut participer et encourager le nouveau mouvement liturgique souhaité par le Pape Benoît XVI ?
Nous sommes une petite communauté monastique vivant la vie liturgique aussi intensément et fidèlement que possible. Nous cherchons à servir Dieu Tout Puissant comme il se doit et ce faisant nous cherchons à développer la propre conversion de notre vire en conformité avec Ses voies. Donc, comme on peut le voir, avec le « nouveau mouvement liturgique » il s’agit tout d’abord de devenir liturgique soi-même, de s’imprégner de la liturgie sacrée, de la laisser définir qui l’on est et la façon dont on vit, de lui permettre de faire place à cette conversion de la vie qui est au cœur de la règle de Saint Benoît.
  
Nous n’avons absolument pas la prétention d’apporter de contributions, quelles qu’elles soient, à grande échelle. Mais si chaque jour, nous pouvons fidèlement et généreusement vivre la vie liturgique, cela-même fera sa propre petite marque sur l’Eglise et sur le monde. Dans la Providence de Dieu, nous jouerons notre petit rôle dans le développement du nouveau mouvement liturgique.
  
Nous donnons le témoignage d’une vie liturgique et monastique dont l’effet n’est pas négligeable. Notre inauguration a été célébrée aux premières vêpres de l’Immaculée Conception – chantées entièrement en grégorien selon le rite monastique. Amis, clergé local, paroissiens et certains qui n’étaient pas entrés dans une église depuis longtemps se sont joint à nous dans la prière des vêpres –beaucoup pour la première fois- et ils ont très bien chanté ! La liturgie de l’Eglise, resplendissante dans toute sa tradition monastique, a touché bien des cœurs ce soir-là. Si nous pouvons continuer ainsi –et nous le pouvons- cela apportera sa contribution aussi.
A quoi pourrait s’attendre un homme qui envisagerait de faire partie de votre communauté ?
Nous serions prêts à l’accueillir pour une courte visite afin qu’il découvre un peu notre vie : en parler est une chose, mais en faire l’expérience personnellement est ce qui est indispensable. Après ça, une visite plus longue pour plus de discernement serait appropriée – normalement au moins un mois. S’il souhaitait alors être candidat pour entrer au monastère, le processus habituel de candidature aurait lieu, suivi en temps voulu par le postulat (qui est normalement au moins de trois mois, mais reste flexible, puis le noviciat d’une année, voire même un an et demi).
Et quelle formation ensuite ?
Durant le postulat et le noviciat, la formation se concentre sur la vie monastique et la prière : la règle, l’histoire monastique, la liturgie sacrée et les psaumes, etc., le latin, et, étant donné notre situation géographique, le français seront aussi étudiés. Après la profession temporaire, la formation répondrait aux talents de l’individu et aux besoins du monastère. Certains poursuivront les études d’ordination tandis que d’autres développeront leurs compétences dans d’autres secteurs –notre famille monastique peut accueillir tous ceux que Dieu Tout Puissant nous envoie, qu’ils soient ce qu’on appelait autrefois « moines du chœur » ou « frères convers ». Les études supérieures seraient encouragées pour les individus qui en ont la capacité, si celles-ci sont utiles au monastère ou à l’Eglise.
  
Mais la plus grande formation pour tout postulant ou novice est l’effort d’être fidèle aux nombreuses demandes de notre vie quotidienne avec ses défis et parfois ses réelles difficultés. Persévérer à travers elles permet à ceux appelés par la vocation monastique de commencer cette conversion de vie qui est notre vocation et de goûter un peu à ces joies parmi leurs frères dans une fraternité ordonnée, une « école du service du Seigneur ». C’est difficile à expliquer, mais pour ceux qui sont appelés, il s’agit de quelque chose de réel, nourrissant, d’une véritable grâce et d’un privilège. Comme nous le chantons à l’office de prime au dimanche, « Viam mandatorum tuorum cucurri, cum dilastasti cor meum » (Je veux courir dans la vois de vos commandements, car vous élargissez mon cœur). 
Avez-vous des novices actuellement ?
Pour le moment, l’existence du monastère a été plus courte que la durée d’un postulat ! Nous avons deux sérieux candidats pour le noviciat et, si Dieu le veut, ils pourraient revêtir l’habit de novice plus tard cette année. Il y a d’autres candidats qui envisagent de faire des visites prolongées. Il est important de ne pas précipiter le discernement et de donner à chaque candidat le temps, l’espace et la liberté nécessaires pour prendre la bonne décision au bon moment. Nous préférons ne pas trop évoquer qui ou quand, dans le but de protéger cette liberté : comme les moines, chacun a droit à sa vie privée. 
Le monastère est-il exclusivement anglophone ?
Non pas exclusivement. Nous parlons bien sûr anglais, mais nous devons tous apprendre le français. Nous sommes ouverts à tous ceux que Dieu nous envoie. En effet, notre évêque nous a récemment confié la formation finale d’un séminariste qui n’est pas anglophone, donc notre français s’améliore à tout instant ! Quand nous prêchons, nous utilisons à la fois l’anglais et le français : beaucoup d’habitants ici sont des anglophones natifs. 
Quel travail pratiquent les membres de la communauté ?
Notre première tâche est la prière et notre propre conversion de vie. Puis, il y a le travail obligatoire de discernement et de formation des candidats. Ensuite, suivent toutes les tâches administratives et ménagères habituelles, de la cuisine au nettoyage en passant par les réponses au courrier et le payement des factures.
 
Nous gérons aussi une petite boutique et produisons nous-mêmes certaines des choses qui y sont vendues, nous imprimons entre autres des cartes. Nous espérons pouvoir publier un peu. Nous avons à notre disposition un petit terrain pour y faire pousser nos aliments. Parfois, nous donnons des cours dans les domaines liturgiques ou académiques ou autres tâches intellectuelles. Nous accueillons les visiteurs et retraitants et rendons un service de pastorale pour les gens attaché à l’ancien rite. Nous assistons aussi l’évêque de temps en temps dans divers projets.
  
A part les activités ordinaires, notre travail consistera en une réponse aux opportunités, talents et besoins que la Providence de Dieu nous envoie, à partir du moment où ceux-ci n’éclipsent pas l’œuvre de Dieu.
Où êtes-vous situés ? Est-il possible de recevoir des visiteurs ?
Nous sommes situés dans un village sur les hauteurs brumeuses de la chaîne des Maures, entre Fréjus et Toulon en Provence. Nous sommes à un peu plus de 10 kms de la Méditerranée et à 20 kms au nord de Saint-Tropez. C’est une région exceptionnellement belle et notre village a la chance d’être petit et calme. On y trouve des vues splendides, offrant de longues randonnées en montagnes – idéal pour les gens en retraite. Nous avons mis quelques photos sur notre site internet.
  
Oui, les visiteurs sont les bienvenus que ce soit pour assister à l’office ou à la messe qui tous sont publics, ou pour passer quelques jours de repos ou de retraite. Les visiteurs hommes qui souhaitent séjourner dans le monastère doivent bien sûr toujours nous contacter à l’avance, mais l’hospitalité est une part importante de notre vocation.
  
En ce qui concerne l’accès, il y a des bus qui passent par le village – plus nombreux le week-end et l’été - et il y a une grande gare (Les Arcs) assez près d’ici. Cependant, la voiture est le moyen de transport le plus pratique, il y a une bonne route de la côte jusqu’ici, et une autre depuis l’autoroute de Provence (A8). Nous sommes à moins d’une demi-heure de route des deux. 
Comment peut-on soutenir le monastère ?
Tout d’abord, je dois noter ici notre gratitude envers les nombreuses donations, petites et grandes, que nous avons reçues jusqu’à présent. Nous avons été continuellement touchés par la bonté de la Providence de Dieu œuvrant parmi tant de cœurs généreux. Le fait que nous ayons pu bien commencer notre vie ici est en grande partie dû à la charité des individus – dont les actes sont connus de Dieu Tout Puissant - et pour qui nous prions tous les jours et nous offrons une messe une fois par mois.
  
Cela dit, comme je l’ai mentionné précédemment, nous devons en effet devenir rapidement indépendants financièrement. Avec l’arrivée de nouvelles vocations, ce besoin est d’autant plus grand. Le soutien et les donations sont toujours les bienvenus et sont une véritable bénédiction. Notre site internet mentionne diverses façons de nous soutenir : en utilisant nos propres lien pour tout acheter sur Amazon, en nous offrant un titre sur notre liste de souhaits Amazon (nous avons particulièrement besoin de développer notre bibliothèque), en achetant dans notre boutique, par des dons, offrandes de quêtes etc. Nous sommes aussi conscients que nous devons travailler dur et développer à la fois notre industrie et un revenu nous-mêmes. Ce qui requiert à la fois du personnel et du capital – mais la Providence de Dieu ne nous fera pas défaut tant que nous resterons fidèles à notre vocation monastique.
Avez-vous un programme d’oblats ?
Oui et nous eu avons la joie de voir notre premier oblat-novice, un prêtre du diocèse et un grand ami du monastère, revêtir l’habit peu de temps après notre inauguration. Les oblats font partie de notre famille élargie, pour ainsi dire, et partagent les fruits spirituels de nos prières de même que nous bénéficions de leur fraternité et soutien. Les hommes et femmes catholiques intéressés par notre oblature peuvent consulter notre site internet.
Dom Aidan, que réserve l’avenir pour le Monastère Saint-Benoît?
Ce que l’avenir nous réserve c’est l’office monastique qui va suivre, la prochaine opportunité d’exercer notre charité monastique parmi nos frères, la prochaine occasion d’endurer la souffrance dans la foi et l’espoir, la prochaine opportunité d’accueillir comme le Christ la personne qui vient au monastère et qui n’a peut-être même pas conscience du besoin de chercher Dieu. Et si je dois être fidèle à ce que la règle demande de moi dans chacune de ces circonstances, ce que l’avenir nous réserve, non, ce qu’il nous promet c’est que Dieu sera loué et trouvé et que ce faisant je me conformerais plus à Dieu.
  
Nous avons bien sûr des espoirs et des projets, mais la Providence changera la donne et redistribuera les cartes en vue d’un plus vaste dessein. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve. Mais si cette communauté peut être fidèle à la règle et suivre la voix de Dieu, l’avenir, quoiqu’il apporte, sera fait de Dieu.
 
Que Dieu vous bénisse vous et tous vos lecteurs.

Monastère Saint-Benoît
2, rue de la Croix
83680 La Garde-Freinet
France
 www.msb-lgf.org