SOURCE - DICI - 30 mars 2012
Dans la matinée du vendredi 16 mars, le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, – assisté de Mgr Luis Francisco Ladaria, secrétaire de ce dicastère, et de Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei –, a reçu Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, accompagné de l’abbé Alain-Marc Nély, second assistant général. A l’issue de cette rencontre qui a duré deux heures, la Salle de presse du Vatican a publié le communiqué suivant :
Dans la matinée du vendredi 16 mars, le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, – assisté de Mgr Luis Francisco Ladaria, secrétaire de ce dicastère, et de Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei –, a reçu Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, accompagné de l’abbé Alain-Marc Nély, second assistant général. A l’issue de cette rencontre qui a duré deux heures, la Salle de presse du Vatican a publié le communiqué suivant :
« Au cours de la rencontre du 14 septembre 2011 entre Son Eminence le Cardinal William Levada, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, et Son Excellence Monseigneur Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, un Préambule doctrinal, accompagné d’une Note préliminaire, a été communiqué à ce dernier, comme base fondamentale pour parvenir à la pleine réconciliation avec le Siège Apostolique. Dans ce Préambule étaient énoncés certains principes doctrinaux et critères d’interprétation de la doctrine catholique, nécessaires pour garantir la fidélité au Magistère de l’Eglise et le sentire cum Ecclesia.
« La réponse de la Fraternité sacerdotale saint Pie X à ce Préambule doctrinal, parvenue en janvier 2012, a été soumise à l’examen de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, puis au jugement du Saint-Père. Conformément à la décision du Pape Benoît XVI, l’évaluation de la réponse de S.E. Mgr Fellay lui a été communiquée par lettre remise en ce jour. Cette évaluation fait remarquer que la position qu’il a exprimée n’est pas suffisante pour surmonter les problèmes doctrinaux qui sont à la base de la fracture entre le Saint-Siège et ladite Fraternité.
« Au terme de la rencontre de ce jour, dans le souci d’éviter une rupture ecclésiale aux conséquences douloureuses et incalculables, le Supérieur général de la Fraternité sacerdotale saint Pie X a été invité à bien vouloir clarifier sa position, afin de parvenir à la réduction de la fracture existante, comme l’a souhaité le Pape Benoît XVI. »
Les commentaires de la presse
Ce communiqué a fait l’objet de commentaires divers, assez révélateurs des qualités professionnelles de leurs auteurs. Passons sur le fait que le correspondant romain de La Croix, Frédéric Mounier, transforme l’abbé Nély en abbé Benelli. L’urgence ne permet pas toujours de vérifier.
Plus sérieusement, lorsqu’il remet ce communiqué à la presse, le P. Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège déclare : « La réponse de Mgr Fellay est attendue d’ici à environ un mois ». Il n’en faut pas plus pour que La Vie (ex-catholique) puisse titrer immédiatement : « Le Vatican lance un ultimatum aux intégristes qui voudraient se rallier à Rome ». Le « temps ultime » du P. Lombardi devient un « ultimatum », ce qui n’est pas tout à fait la même chose, comme le remarque sur son Religioblog, Jean-Marie Guénois du Figaro :
« Bizarre cette déformation de l’information… Alors que Rome révèle aujourd’hui qu’une nouvelle rencontre a eu lieu ce matin entre Mgr Fellay, leader des Lefebvristes, et le cardinal Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, en vue de trouver un accord certes très difficile, beaucoup de confrères parlent d’un ‘ultimatum’ lancé par le Vatican pour trouver une solution avant ‘un mois’. J’ai lu et relu le communiqué officiel et je ne trouve ni le mot ‘ultimatum’ et surtout aucune trace d’un esprit d’ultimatum. C’est-à-dire, d’une pression exercée sur le calendrier pour aboutir à un résultat en forçant le levier du rapport de force.
« Pire, affirmer cela déforme profondément l’information publiée aujourd’hui par le Vatican. D’autant que ce thème de l’ultimatum est venu de l’interprétation des propos du Père Lombardi, porte-parole du Vatican, qui a répondu à une question de journaliste sur les ‘délais’. Il a estimé que le Vatican attendait une réponse d’ici ‘environ un mois’. Il n’a pas parlé, à ma connaissance, d’ultimatum. Ce qui serait d’ailleurs ridicule pour une crise ouverte depuis… cinquante ans, dès l’ouverture du concile Vatican II ! »
Pas assez rassuré par l’« ultimatum » de son titre, Jean Mercier de La Vie considère dans l’article qu’il est simplement inutile : « Cette nouvelle demande d’éclaircissements intervient alors que Mgr Fellay a déjà, à deux reprises, envoyé un texte au sujet du préambule doctrinal et qu’il a affirmé publiquement que le protocole romain n’est pas signable par la FSSPX. On se demande donc quels éclaircissements sont réellement nécessaires. » A moins de trouver à cet « ultimatum », devenu « officieux », une explication politique : « Cet ultimatum officieux lancé par Rome a peut-être comme objectif de susciter des ralliements chez des prêtres intégristes de tendance modérée. »
Pourquoi ces supputations et imputations ? On notera que le 22 décembre 2011, dans son édition en ligne, sous la plume de Natalia Trouiller, La Vie faisait l’éloge du sérieux des « révélations » que l’on pouvait obtenir sur la Fraternité Saint-Pie X grâce aux sites sédévacantistes, lesquels se sont réjouis, le 31 décembre, d’être enfin reconnus officiellement, oubliant les divergences doctrinales qui doivent pourtant exister entre conciliaires et sédévacantistes, pour sceller une alliance objective contre l’ennemi commun. Dans son numéro du 19 janvier 2012, consacré à la « guerre secrète des intégristes », La Vie empruntait à nouveau aux sites sédévacantistes leurs « analyses » et même, sans s’en rendre compte, une partie de leur terminologie.
La lettre ouverte de Mgr Bux
Le 19 mars 2012, trois jours après la rencontre de Mgr Fellay avec le cardinal Levada, Mgr Nicola Bux, consulteur à la Congrégation pour la doctrine de la foi et au Bureau des célébrations liturgiques du pape, adresse une lettre ouverte à Mgr Fellay et aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X les invitant à accepter un accord. Le 21, interrogé par l’agence romaine IMedia, ce prélat romain refuse de voir « une sorte d´ultimatum » dans la demande par le Saint-Siège d´une nouvelle clarification de la position de la Fraternité Saint-Pie X. Il estime seulement « qu´une fois arrivé à un certain point, il faut se décider ».
Malgré cela, le lendemain, 21 mars, Natalia Trouiller persiste et signe : « Mgr Nicola Bux, un proche du pape, adresse une lettre à Mgr Fellay et à ceux qui le suivent. Une preuve que la Fraternité est bien devant un ultimatum. » Et de développer : « Lu dans son intégralité, son message (de Mgr Bux) est clair : les lefebvristes n’ont aucune autre concession à espérer de Rome, soit ils reviennent maintenant, soit ils poursuivent leur chemin seuls. La lettre est certes écrite d’une main de fer, mais dans un gant de velours : il y a fort à parier que certaines phrases comme « Il est indéniable que de nombreux faits du Concile Vatican II et de la période qui l’a suivi, liés à la dimension humaine de cet événement, ont représenté de vraies calamités et causé de vives douleurs à de grands hommes d’Eglise », vont faire beaucoup parler. »
Cette critique du Concile qui chagrine la journaliste de La Vie est reprise, deux jours après, 23 mars, par François Vercelletto sur le site de Ouest France : « La tonalité générale du texte (de Mgr Bux) est largement ouverte aux demandes et aux critiques des intégristes, en particulier sur le Concile Vatican II. En particulier lorsqu’il écrit : « Il est indéniable que de nombreux faits du Concile Vatican II et de la période qui l’a suivi, liés à la dimension humaine de cet événement, ont représenté de vraies calamités et causé de vives douleurs à de grands hommes d’Eglise. » (…) Il sera très intéressant de suivre l’évolution de cette question.
J’ignore si l’esprit général de cette lettre est représentatif ou non de ce que pensent les plus hautes autorités de l’Eglise.
Personnellement, si tel était le cas, je ne m’en réjouirais pas. »
Il n’empêche que sur le fond on ignore si les clarifications qu’apportera Mgr Fellay suffiront ou non « pour surmonter les problèmes doctrinaux ». Le 21 mars, Mgr Bux a répondu à IMedia que le pape recherchait « l´union et la recomposition après les séparations, mais pas à n´importe quel prix ». Le 22 mars, dans un courrier électronique, Mgr Richard Williamson, fait observer à Mgr Bux : « Votre lettre commence par un appel à ‘tout sacrifier au nom de l’unité’. Mais il ne peut y avoir de véritable unité catholique qui ne soit fondée sur la vraie Foi catholique. (…) la Foi sacrifiée à l’unité fera une unité sans Foi. »
Jean-Marie Guénois affirme dans l’article déjà cité de son Religioblog : « Rome, me semble-t-il, ne cherche pas un compromis au rabais. Les Lefebvristes, de toute façon, ne l’accepteraient pas. Cela serait source de problèmes difficiles à moyen terme. Rome cherche un accord, fondé sur une vision large du catholicisme. Une vision capable d’intégrer plusieurs familles dont certaines sont très éloignées les unes des autres. Un esprit capable d’admettre un débat interne, cette disputatio qui appartient pourtant à la grande tradition intellectuelle – et actuellement perdue – de l’Eglise catholique. » On se demande vraiment si c’est cette disputatio théologique que Mgr Bux suggère dans sa lettre ouverte à la Fraternité Saint-Pie X lorsqu’il écrit avec une prudente modération : « Il demeure certainement des perplexités, des points à approfondir ou à préciser, comme celui de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux (qui a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une importante clarification apportée par la déclaration Dominus Jesus de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 6 août 2000) ou celui de la manière dont est comprise la liberté religieuse. Sur ces thèmes aussi, votre présence canoniquement garantie dans l’Eglise aidera à plus de lumière. Comment ne pas songer à la contribution que vous pourrez apporter, grâce à vos ressources pastorales et doctrinales, à votre capacité et votre sensibilité, au bien de toute l’Eglise ? ».
Nul ne sait ce que réserve l’avenir. Mais il est certain que l’avenir appartient à Dieu, et pas aux journalistes. C’est pourquoi le Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X invite tous les fidèles à la prière et au sacrifice en ces Jours Saints et dans les semaines suivantes. – Lire le Communiqué de la Maison Générale.
(Sources : vatican.va/IMedia/Apic/Religioblog/La Vie/ecclesia-mater/Ouest France – DICI n°252 du 30/03/12)