25 février 2016

[Abbé Jean-Pierre Boubée, fsspx - Le Chardonnet] Au traditionnel pèlerinage, le Pape était là !

SOURCE - Abbé Jean-Pierre Boubée, fsspx - Le Chardonnet - février 2016

Les cloches sonnent à la volée. Toute la région est en liesse. Le pape vient d’arriver dans la bonne ville du Puy pour honorer la Vierge. Nous sommes en 1095, il désire lancer une grande croisade contre l’Islam qui ruine la civilisation, empêche les échanges, et rançonne ceux qui vont visiter les Lieux Saints. Il signe une lettre par laquelle il convoque le concile de Clermont cette même année : le coup d’envoi est donné ! 
Pourquoi avoir choisi le Puy ?
Par deux fois, Charlemagne s’y rendit : comme roi des Francs tout d’abord, puis comme empereur. Il  avait une grande dévotion à la Vierge de ce sanctuaire  : il savait qu’elle seule pouvait permettre aux catholiques de vaincre l’Islam.

Ce sanctuaire de la chrétienté fut bâti à la demande de la Vierge, dès les origines du christianisme. La dévotion à la Vierge en ce lieu date du fondateur du diocèse, saint Georges, qui avait été envoyé par saint Pierre lui-même. Il aurait choisi le mont Anis sur l’indication d’une veuve miraculeusement guérie en cet endroit. Incitée à se rendre sur ce mont pour trouver la guérison, une «  Dame  » lui avait parlé dans son sommeil en ces termes : « C’est l’auguste Mère du Sauveur qui, entre tous les lieux du monde, s’est choisie spécialement cet endroit, pour y être servie et honorée jusqu’à la fin du siècle. » L’église fut placée sous le titre de Notre-Dame de l’Annonciation. Par un miracle, ce furent des anges qui la consacrèrent, à la lueur de milliers de torches célestes dont plusieurs furent recueillies par les fidèles après la cérémonie. Pour cette raison, on l’appelle «  l’église angélique ».
Les premiers jubilés
À l’approche de l’an 1000, régnait une inquiétude au sujet de la fin du monde. Certains pensaient que la date la plus risquée serait la concordance de la fête de l’Annonciation et du Vendredi-Saint. En effet, l’union du mystère de l’Incarnation avec celui la Rédemption résume toute l’histoire du genre humain.

Cet événement se produisit en 970, puis en 981. Les foules se pressèrent nombreuses au sanctuaire. La conjonction des deux dates devaient à nouveau se produire en 992 : le pape accorda, alors, un grand Pardon — ce que nous appelons une indulgence —  pour ceux qui viendraient honorer la Vierge en ce sanctuaire le jour de la fête. Dès lors l’habitude se prit de continuer à sanctifier ces années-là, créant ainsi le premier jubilé connu de la chrétienté.

Cette coïncidence des deux fêtes n’est pas régulière : tous les siècles n’eurent pas la chance d’avoir le même nombre de jubilés. Si le XVIIIe siècle en eut quatre, nous savons, pour notre compte, qu’après le jubilé de 2016, le prochain ne viendra que dans 141 ans ! Inutile de dire l’importance d’y participer.
Les grâces d’un jubilé
Le jubilé trouve son origine dans l’Ancien Testament  : c’est Dieu, lui-même, qui l’institua. Tous les sept ans, toutes les dettes étaient remises, les esclaves libérés. Tous les sept jubilés, donc tous les 49 ans, on redistribuait les biens. Il s’agissait de rappeler que le peuple juif avait été racheté de l’esclavage d’Égypte, et que la Terre Promise était un don gratuit de Dieu. Cette libération de la servitude était l’annonce de celle dont nous libèrerait Notre Seigneur Jésus-Christ en nous rachetant luimême de nos péchés.

Dans le Nouveau Testament, à partir de 1300, l’église de Rome elle-même se mit à célébrer le jubilé de la Ré- demption. De par la volonté divine, tous les jubilés ont donc pour raison de rappeler un anniversaire lié à la Rédemption.

C’est évidemment le cas de celui du Puy, puisqu’il unit l’Annonciation et le Sacrifice du Christ le Vendredi-saint. « Le jubilé du Puy, écrit en 1932 Mgr Rousseau, évêque du Puy, est l’exaltation de l’Incarnation et de la Nativité du Verbe, de la Maternité divine de Marie, et par suite, l’annonce de la rédemption de beaucoup d’âmes… Il a lieu toutes les fois que le 25 mars, jour béni de l’Annonciation, coïncide avec le Vendredi-Saint : c’est la rencontre de l’Incarnation du Verbe avec la mort du Christ.»

La seule journée du 25 mars se trouva rapidement trop courte pour que tous les fidèles puissent accomplir leurs dévotions. Il fallut prolonger un peu la possibilité de gagner le grand Pardon, car les foules se bousculaient tellement qu’il y eut même des morts. Cette année 2016, la grâce des indulgences est accordée jusqu’au 15 août. Aussi le prochain pèlerinage organisé par la Fraternité Saint Pie X est-il paisiblement situé à une date commode pour tous.
Cette indulgence est-elle nécessaire ?
Mais pourquoi aller si loin quérir une indulgence  ? Nous savons tous qu’une fois nos péchés pardonnés, il reste une réparation due en justice envers Dieu et son Église immaculée. Nul n’oserait se présenter devant Dieu sans avoir de sa peine compensé en justice l’ordre divin lésé par notre volonté pécheresse. Cependant, au sein de la miséricorde divine, le trésor des mérites de Jésus-Christ, de sa Très Sainte Mère, et de tous les saints est infini. Il est du pouvoir de l’Église par son Vicaire, et ses représentants de puiser dans ce trésor afin d’alléger en tout ou en partie cette peine de nos péchés. Certaines prières, ou certaines œuvres simples ont été désignées pour offrir cette possibilité. Mais il faut reconnaître que dans de nombreux cas, ce sont les dispositions de nos âmes qui sont bien imparfaites : la détestation du péché, l’acceptation intégrale de la volonté de Dieu sont loin d’être absolues. Un pèlerinage exceptionnel, un effort important, un dépaysement avec davantage de piété favorisent amplement l’acquisition de ces indulgences.

N’est-ce pas aussi l’occasion de venir particulièrement implorer la Vierge en ce sanctuaire où bien des destins de la France se sont joués ? Nous avons évoqué Charlemagne. Plusieurs rois y vinrent pour confier les Croisades. Charles VII vint plusieurs fois y supplier pour la situation désespérée de la France aux mains des Anglais. Jeanne d’Arc qui n’avait pu s’y rendre sur le chemin de Vaucouleurs y députa sa famille. François  Ier y promit un pèlerinage s’il était délivré de prison. Louis XIII révéla de nombreuses fois sa prédilection pour Notre-Dame du Puy, et il finit par consacrer son royaume à la Vierge en 1638.

Sommes-nous insouciants à ce point des destinées de la France  ? Nous avons bien des raisons de nous plaindre et —  semble-t-il  — de désespérer. Seul celui qui ne connaît pas les vrais instruments de la Providence, qui refuse de participer à la prière et à la pénitence, seul celui-là ne connaît pas l’Espérance. Laissons-nous gagner par l’enthousiasme de Monseigneur de Morlhon qui écrivait pour le jubilé de 1856 : « De tous les sanctuaires bâtis en l’honneur de Marie sur le sol sacré de la France, il n’en est pas dont la fondation remonte à une époque plus reculée  ! Aucun n’a attiré un plus grand nombre de pèlerins de tout rang, de tout sexe et de toute condition. Enfin, dans aucun, la Reine du Ciel ne s’est plue davantage à répandre ses grâces et ses faveurs sur ceux qui l’invoquent. Encore moins en est-il un autre que les Souverains Pontifes aient doté de plus de privilèges et enrichi de plus d’indulgences ».