SOURCE - Abbé Jean-Pierre Boubée, fsspx - Le Chardonnet - février 2016
Les cloches sonnent à la volée. Toute la région est en liesse. Le pape vient d’arriver dans la bonne ville du Puy pour honorer la Vierge. Nous sommes en 1095, il désire lancer une grande croisade contre l’Islam qui ruine la civilisation, empêche les échanges, et rançonne ceux qui vont visiter les Lieux Saints. Il signe une lettre par laquelle il convoque le concile de Clermont cette même année : le coup d’envoi est donné !
Pourquoi avoir choisi le Puy ?
Par deux fois, Charlemagne s’y rendit :
comme roi des Francs tout d’abord,
puis comme empereur. Il avait une
grande dévotion à la Vierge de ce
sanctuaire : il savait qu’elle seule
pouvait permettre aux catholiques de
vaincre l’Islam.
Ce sanctuaire de la chrétienté fut
bâti à la demande de la Vierge, dès
les origines du christianisme. La dévotion à la Vierge en ce lieu date du
fondateur du diocèse, saint Georges,
qui avait été envoyé par saint Pierre
lui-même. Il aurait choisi le mont
Anis sur l’indication d’une veuve miraculeusement
guérie en cet endroit.
Incitée à se rendre sur ce mont pour
trouver la guérison, une « Dame »
lui avait parlé dans son sommeil en
ces termes : « C’est l’auguste Mère du
Sauveur qui, entre tous les lieux du
monde, s’est choisie spécialement cet
endroit, pour y être servie et honorée
jusqu’à la fin du siècle. » L’église fut
placée sous le titre de Notre-Dame
de l’Annonciation. Par un miracle, ce
furent des anges qui la consacrèrent, à
la lueur de milliers de torches célestes
dont plusieurs furent recueillies par
les fidèles après la cérémonie. Pour
cette raison, on l’appelle « l’église
angélique ».
Les premiers jubilés
À l’approche de l’an 1000, régnait
une inquiétude au sujet de la fin du
monde. Certains pensaient que la
date la plus risquée serait la concordance
de la fête de l’Annonciation et
du Vendredi-Saint. En effet, l’union
du mystère de l’Incarnation avec celui
la Rédemption résume toute l’histoire
du genre humain.
Cet événement se produisit en 970,
puis en 981. Les foules se pressèrent
nombreuses au sanctuaire. La
conjonction des deux dates devaient à
nouveau se produire en 992 : le pape
accorda, alors, un grand Pardon — ce
que nous appelons une indulgence —
pour ceux qui viendraient honorer
la Vierge en ce sanctuaire le jour de
la fête. Dès lors l’habitude se prit de
continuer à sanctifier ces années-là,
créant ainsi le premier jubilé connu
de la chrétienté.
Cette coïncidence des deux fêtes n’est
pas régulière : tous les siècles n’eurent
pas la chance d’avoir le même nombre
de jubilés. Si le XVIIIe
siècle en eut
quatre, nous savons, pour notre
compte, qu’après le jubilé de 2016,
le prochain ne viendra que dans
141 ans ! Inutile de dire l’importance
d’y participer.
Les grâces d’un jubilé
Le jubilé trouve son origine dans
l’Ancien Testament : c’est Dieu,
lui-même, qui l’institua. Tous les
sept ans, toutes les dettes étaient
remises, les esclaves libérés. Tous les
sept jubilés, donc tous les 49 ans, on
redistribuait les biens. Il s’agissait de
rappeler que le peuple juif avait été
racheté de l’esclavage d’Égypte, et
que la Terre Promise était un don
gratuit de Dieu. Cette libération de
la servitude était l’annonce de celle
dont nous libèrerait Notre Seigneur
Jésus-Christ en nous rachetant luimême
de nos péchés.
Dans le Nouveau Testament, à partir
de 1300, l’église de Rome elle-même
se mit à célébrer le jubilé de la Ré-
demption. De par la volonté divine,
tous les jubilés ont donc pour raison
de rappeler un anniversaire lié à la
Rédemption.
C’est évidemment le cas de celui du
Puy, puisqu’il unit l’Annonciation
et le Sacrifice du Christ le Vendredi-saint.
« Le jubilé du Puy, écrit en
1932 Mgr Rousseau, évêque du Puy,
est l’exaltation de l’Incarnation et de
la Nativité du Verbe, de la Maternité
divine de Marie, et par suite, l’annonce
de la rédemption de beaucoup d’âmes… Il a lieu toutes les fois que le
25 mars, jour béni de l’Annonciation,
coïncide avec le Vendredi-Saint : c’est
la rencontre de l’Incarnation du Verbe
avec la mort du Christ.»
La seule journée du 25 mars se trouva
rapidement trop courte pour que
tous les fidèles puissent accomplir
leurs dévotions. Il fallut prolonger un
peu la possibilité de gagner le grand
Pardon, car les foules se bousculaient
tellement qu’il y eut même des morts.
Cette année 2016, la grâce des indulgences
est accordée jusqu’au 15 août.
Aussi le prochain pèlerinage organisé
par la Fraternité Saint Pie X est-il paisiblement
situé à une date commode
pour tous.
Cette indulgence est-elle nécessaire ?
Mais pourquoi aller si loin quérir
une indulgence ? Nous savons tous
qu’une fois nos péchés pardonnés, il
reste une réparation due en justice
envers Dieu et son Église immaculée.
Nul n’oserait se présenter devant
Dieu sans avoir de sa peine compensé
en justice l’ordre divin lésé par notre
volonté pécheresse. Cependant, au
sein de la miséricorde divine, le trésor
des mérites de Jésus-Christ, de sa Très
Sainte Mère, et de tous les saints est
infini. Il est du pouvoir de l’Église
par son Vicaire, et ses représentants
de puiser dans ce trésor afin d’alléger
en tout ou en partie cette peine de
nos péchés. Certaines prières, ou
certaines œuvres simples ont été désignées
pour offrir cette possibilité.
Mais il faut reconnaître que dans
de nombreux cas, ce sont les dispositions
de nos âmes qui sont bien
imparfaites : la détestation du péché,
l’acceptation intégrale de la volonté
de Dieu sont loin d’être absolues.
Un pèlerinage exceptionnel, un effort
important, un dépaysement avec
davantage de piété favorisent amplement
l’acquisition de ces indulgences.
N’est-ce pas aussi l’occasion de venir
particulièrement implorer la Vierge
en ce sanctuaire où bien des destins de
la France se sont joués ? Nous avons
évoqué Charlemagne. Plusieurs rois
y vinrent pour confier les Croisades.
Charles VII vint plusieurs fois y supplier
pour la situation désespérée de la
France aux mains des Anglais. Jeanne
d’Arc qui n’avait pu s’y rendre sur
le chemin de Vaucouleurs y députa
sa famille. François Ier y promit un
pèlerinage s’il était délivré de prison.
Louis XIII révéla de nombreuses fois
sa prédilection pour Notre-Dame
du Puy, et il finit par consacrer son
royaume à la Vierge en 1638.
Sommes-nous insouciants à ce point
des destinées de la France ? Nous
avons bien des raisons de nous
plaindre et — semble-t-il — de désespérer. Seul celui qui ne connaît pas
les vrais instruments de la Providence,
qui refuse de participer à la prière et à
la pénitence, seul celui-là ne connaît
pas l’Espérance. Laissons-nous gagner
par l’enthousiasme de Monseigneur
de Morlhon qui écrivait pour le
jubilé de 1856 : « De tous les sanctuaires
bâtis en l’honneur de Marie
sur le sol sacré de la France, il n’en
est pas dont la fondation remonte
à une époque plus reculée ! Aucun
n’a attiré un plus grand nombre de
pèlerins de tout rang, de tout sexe
et de toute condition. Enfin, dans
aucun, la Reine du Ciel ne s’est plue
davantage à répandre ses grâces et
ses faveurs sur ceux qui l’invoquent.
Encore moins en est-il un autre que
les Souverains Pontifes aient doté de
plus de privilèges et enrichi de plus
d’indulgences ».