25 février 2016

[Abbé P. de La Rocque, fsspx - Le Chardonnet] Exaltant Carême

SOURCE - Abbé P. de La Rocque, fsspx - Le Chardonnet - février 2016

Certains n’y prêteront guère attention. Engoncés dans une médiocrité dont ils se satisfont, ils ne voudront ni ne sauront profiter de ces quarante jours bénis. D’autres les aborderont la mine sinistre, oublieux du conseil de l’Église, pourtant clamé au premier jour de la sainte quarantaine  : «  Pour toi, lorsque tu jeûnes, ne te montre pas triste, mais parfume-toi la tête et lave-toi le visage » (Mt 6, 16).

Certes, cette période liturgique est un temps de pénitence ; mais celle-ci trouve son entière raison d’être dans l’espérance. Dès avant le Christ, l’espoir en la bonté de Dieu animait la pénitence : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : “Convertissez-vous au Seigneur votre Dieu, parce qu’Il est bon et compatissant, patient et riche en miséricorde”. Qui sait s’Il ne reviendra pas et ne pardonnera pas, qu’Il ne reviendra pas sur la calamité qui nous arrive, pour laisser après lui bénédiction ? » (Jo 2, 12-13). Avec la Rédemption, l’espoir de l’Ancien Testament devient certitude de l’Espérance : «  Dieu a prouvé sa charité pour nous en ce que, quand nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. À beaucoup plus forte raison, maintenant que nous avons été justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère. Si en effet, alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à beaucoup plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés en sa vie » (Ro 5, 5-11).

Pour l’âme chrétienne, l’entrée en carême est donc un moment solennel. Pour qui s’efforce d’en vivre, il est aube de résurrection. Les quarante jours du Christ dans le désert ont introduit la prédication de l’Évangile dans l’univers entier, ceux de Moïse comme d’Élie les firent entrer dans la divine nuée. C’est encore quarante ans de désert qui disposèrent les Hébreux à l’obtention de la terre promise.

Indéniablement, le carême revêt une dimension personnelle. Car tous, nous avons péché. Même l’âme la plus sainte n’a-t-elle pas, au cours d’une année, laissé quelque emprise à l’orgueil ou tout autre vice ? L’invitation s’adresse donc à chacun, quelle que soit la gravité de ses fautes. À tous ceux qui le demanderont avec sincérité, le pardon sera accordé ; à chacun, une transformation profonde sera proposée. Le jeûne, l’aumône et la prière nous détacheront des fausses cupidités, si bien que Dieu pourra nous octroyer les biens impérissables qui seuls comblent l’âme humaine.

Le carême revêt encore une autre dimension, par trop méconnue d’un monde où règne l’individualisme. Il est éminemment social : les quarante jours de pénitence sauvèrent la ville de Ninive de la ruine annoncée par Jonas. Ainsi en est-il, à plus forte raison, du carême. À la suite du Christ qui en son innocence même, donna sa vie pour le monde entier, l’Église fait pénitence en corps constitué pour le monde entier. Alors que nos sociétés vont si mal pour s’être éloignées de Dieu, alors que tant d’hommes d’Église se comportent hélas non plus en serviteurs du Christ, mais en ennemis de sa croix, il n’a peut-être jamais été aussi urgent de faire carême.

Alors à tous, bon et saint carême,
Abbé P. de LA ROCQUE