SOURCE - Abbé P. de La Rocque, fsspx - Le Chardonnet - février 2016
Certains n’y prêteront guère attention.
Engoncés dans une médiocrité dont ils se satisfont, ils ne
voudront ni ne sauront profiter de
ces quarante jours bénis. D’autres
les aborderont la mine sinistre,
oublieux du conseil de l’Église,
pourtant clamé au premier jour
de la sainte quarantaine : « Pour
toi, lorsque tu jeûnes, ne te montre
pas triste, mais parfume-toi la tête
et lave-toi le visage » (Mt 6, 16).
Certes, cette période liturgique
est un temps de pénitence ; mais
celle-ci trouve son entière raison
d’être dans l’espérance. Dès avant
le Christ, l’espoir en la bonté de
Dieu animait la pénitence : « Ainsi
parle le Seigneur Dieu : “Convertissez-vous
au Seigneur votre Dieu,
parce qu’Il est bon et compatissant,
patient et riche en miséricorde”.
Qui sait s’Il ne reviendra pas et ne
pardonnera pas, qu’Il ne reviendra
pas sur la calamité qui nous arrive,
pour laisser après lui bénédiction ? »
(Jo 2, 12-13). Avec la Rédemption,
l’espoir de l’Ancien Testament
devient certitude de l’Espérance :
« Dieu a prouvé sa charité pour
nous en ce que, quand nous étions
encore pécheurs, le Christ est mort
pour nous. À beaucoup plus forte
raison, maintenant que nous avons
été justifiés par son sang, serons-nous
sauvés par lui de la colère. Si en
effet, alors que nous étions ennemis,
nous avons été réconciliés avec Dieu
par la mort de son Fils, à beaucoup
plus forte raison, maintenant que
nous sommes réconciliés, serons-nous
sauvés en sa vie » (Ro 5, 5-11).
Pour l’âme chrétienne, l’entrée
en carême est donc un moment
solennel. Pour qui s’efforce d’en
vivre, il est aube de résurrection.
Les quarante jours du Christ dans
le désert ont introduit la prédication
de l’Évangile dans l’univers
entier, ceux de Moïse comme
d’Élie les firent entrer dans la divine
nuée. C’est encore quarante
ans de désert qui disposèrent les
Hébreux à l’obtention de la terre
promise.
Indéniablement, le carême revêt
une dimension personnelle. Car
tous, nous avons péché. Même
l’âme la plus sainte n’a-t-elle
pas, au cours d’une année, laissé
quelque emprise à l’orgueil ou tout
autre vice ? L’invitation s’adresse
donc à chacun, quelle que soit la
gravité de ses fautes. À tous ceux
qui le demanderont avec sincérité,
le pardon sera accordé ; à chacun,
une transformation profonde sera
proposée. Le jeûne, l’aumône et
la prière nous détacheront des
fausses cupidités, si bien que Dieu
pourra nous octroyer les biens
impérissables qui seuls comblent
l’âme humaine.
Le carême revêt encore une autre
dimension, par trop méconnue
d’un monde où règne l’individualisme.
Il est éminemment social :
les quarante jours de pénitence
sauvèrent la ville de Ninive de la
ruine annoncée par Jonas. Ainsi
en est-il, à plus forte raison, du
carême. À la suite du Christ qui
en son innocence même, donna sa
vie pour le monde entier, l’Église
fait pénitence en corps constitué
pour le monde entier. Alors que
nos sociétés vont si mal pour s’être
éloignées de Dieu, alors que tant
d’hommes d’Église se comportent
hélas non plus en serviteurs du
Christ, mais en ennemis de sa
croix, il n’a peut-être jamais été
aussi urgent de faire carême.
Alors à tous, bon et saint carême,
Abbé P. de LA ROCQUE