SOURCE - La Porte Latine - 14 mai 2016
Au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Chers pèlerins, nous voici
réunis, ici, à Chartres, pour notre pèlerinage annuel, sous le patronage de
saint Louis-Marie Grignion de Montfort, dont nous commémorons le troisième
centenaire de la mort et de l’entrée au ciel.
Durant l’été 1699, Louis
Grignion, qui était alors séminariste à Paris, fut désigné par ses Supérieurs
pour accomplir le pèlerinage à Notre-Dame de Chartres et représenter le
séminaire de Saint-Sulpice aux pieds de Notre-Dame. Après son pèlerinage ici, à
Chartres, Montfort s’en est retourné à pied à Paris. On ne rentrait pas en
train ou en autocar, à l’époque ! C’est donc en quelque sorte en compagnie
de saint Louis-Marie que nous allons faire ce pèlerinage 2016 sur son trajet du
retour.
Chers pèlerins, que nous dit le Père de Montfort du haut du
ciel ? Que nous enseigne-t-il ? Que nous
prêche-t-il ? Ecoutez donc sa prédication toujours d’actualité :
« Voilà deux partis qui se présentent tous les jours : celui de
Jésus-Christ et celui du monde. Celui de Notre-Dame, de notre aimable Sauveur,
est à droite, en montant, dans un chemin étroit et rétréci plus que jamais par
la corruption du monde. Ce bon Maître y est en tête, marchant les pieds nus, la
tête couronnée d’épines, le corps tout ensanglanté et chargé d’une lourde
croix. Et il n’y a qu’une poignée de gens, mais des plus vaillants, à le
suivre. » « A gauche
est le parti du monde ou du démon, lequel est le plus nombreux, le plus
magnifique, le plus brillant, du moins en apparence. Tout le beau monde y
court, on y fait presse, quoique que les chemins soient larges et plus élargis
que jamais par la multitude qui y passe comme des torrents ; ils sont
jonchés de fleurs, bordés de plaisir et de jeux, couverts d’or et d’argent. »
« A droite, le petit troupeau qui suit Jésus-Christ ne parle que de
larmes, de pénitences, d’oraisons et de mépris du monde ; on entend
continuellement ces paroles entrecoupées de sanglots : ”Souffrons,
pleurons, jeûnons, prions, cachons-nous, humilions-nous, appauvrissons-nous,
mortifions-nous, car celui qui n’a pas l’esprit de Jésus-Christ, qui est un
esprit de croix, n’est point à lui. Il faut être conforme à l’image de
Jésus-Christ ou être damné. Courage, s’écrient-ils, courage ! Un
moment d’une légère tribulation produit un éternel poids de gloire…” Voilà donc
une partie des paroles divines dont les Amis de la Croix -dont vous
faites partie- s’animent
mutuellement. »
« Les mondains, au contraire, pour s’animer à persévérer dans leur malice
sans scrupule, crient tous les jours : ”La vie, la vie ! La paix, la
paix ! La joie, la joie ! Mangeons, buvons, chantons, dansons,
jouons ! Dieu est bon, Dieu ne nous a pas faits pour nous damner ;
Dieu ne défend pas de se divertir ; nous ne serons pas damnés pour
cela ; point de scrupule, nous ne mourrons pas ! Etc.” »
En venant faire ce pèlerinage,
vous avez choisi le bon parti, vous avez choisi le bon camp, le bon
étendard ! Vous avez choisi de suivre Montfort, à la suite de
Jésus-Christ. Bravo, chers pèlerins, félicitations et courage.
Chers pèlerins, qu’est-ce que Montfort nous invite à faire
durant ces trois jours ? Qu’est-ce qu’il nous invite à
changer ? Ce qu’il a cherché lui-même toute sa vie : la divine
Sagesse, et cette Sagesse, c’est Jésus-Christ lui-même, la Sagesse éternelle
incarnée. Et comment ferons-nous pour chercher cette Sagesse ? Quelles
dispositions devons-nous donc avoir pour ce périple spirituel ? Et bien
Montfort nous le dit dans son livre sur Jésus-Christ, L’Amour de la Sagesse éternelle. Tout d’abord, il vous faut, il nous
faut, un grand désir, un
grand désir d’obtenir la Sagesse, c’est-à-dire l’union à Jésus-Christ, et il
faut, dit-il, que ce désir soit « sincère,
en gardant fidèlement les commandements de Dieu, car il y a une infinité de
fols et de paresseux qui ont mille désirs, ou plutôt mille velléités du bien,
mais qui ne [leur] faisant point quitter le péché ni se faire violence, sont
des désirs faux, trompeurs, et qui tuent et qui damnent. » Vous
aurez donc durant ces trois jours, à vous approcher du sacrement de confession,
pour reprendre les commandements de Dieu comme règle de vie, si par malheur
vous les aviez abandonnés. Car c’est une condition sine qua non pour obtenir
cette Sagesse.
Deuxièmement, pour avoir cette Sagesse, il nous faudra pratiquer la prière continuelle :
« La prière, dit le Père Grignion, est le canal ordinaire par lequel Dieu communique ses grâces,
particulièrement sa Sagesse. Ecoutons ce que dit la Sagesse elle-même :
”Cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira, demandez et l’on
vous donnera. Comme si elle disait : Si vous voulez me trouver, il faut me
chercher ; si vous voulez entrer dans mon palais, il faut frapper à ma
porte ; si vous voulez me recevoir, il faut me demander. Personne ne me
trouve s’il ne me cherche ; personne n’entre chez moi s’il ne frappe à ma
porte ; personne ne m’obtient s’il ne me demande, et tout se fait par la
prière. »
Et quelle prière ferons-nous,
chers fidèles, pour obtenir la Sagesse ? Et bien, nous prierons et
méditerons le très saint Rosaire pour se convertir et se sauver. Car Montfort
affirme qu’il « ne trouve rien de
plus puissant pour attirer le Règne de Dieu, la Sagesse éternelle, au-dedans de
nous, que de joindre l’oraison vocale à la mentale, en récitant le saint Rosaire
et en méditant les quinze mystères qu’il renferme. »
Troisièmement, Montfort nous demande une mortification universelle.
« La Sagesse, dit le Saint-Esprit, ne se trouve point chez ceux qui
vivent à leur aise, qui donnent à leurs passions et leurs sens tout ce qu’ils
désirent, car ceux qui marchent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu, et la
sagesse de la chair est ennemie de Dieu. Tous ceux qui sont à Jésus-Christ, la
Sagesse incarnée, ont crucifié leur chair avec ses désirs et ses
concupiscences. Ils portent actuellement et toujours la mortification de Jésus
dans leur corps. Ils se font une continuelle violence et portent leurs croix
tous les jours. Voilà les paroles du Saint-Esprit, dit le Père de
Montfort, qui sont plus claires que le
jour. Pour voir la Sagesse incarnée, Jésus-Christ, pour la voir, il faut
pratiquer la mortification, le renoncement au monde et à soi-même. » Et
il insiste : « Ne vous
imaginez pas que cette Sagesse, plus pure que les rayons du soleil, entre en
une âme et un corps souillés par les plaisirs des sens. Ne croyez pas qu’elle
donne son repos, sa paix ineffable, à ceux qui aiment les compagnies et les
vanités du monde. ” Je ne donne ma manne, dit la Sagesse, qu’à ceux qui sont
victorieux du monde et d’eux-mêmes.” »
Si vous avez quitté le monde pour
trois jours, chers pèlerins, si vous avez quitté votre confort habituel et vos
aises quotidiennes, si vous venez marcher trois jours sous le soleil ou sous la
pluie, si vous venez bivouaquer dans une tente et dormir à la dure, c’est, je
n’en doute pas, que vous êtes convaincus que le pèlerinage vous aidera à
remplir cette troisième condition pour obtenir la Sagesse, à savoir cette
mortification universelle. Alors, courage et confiance, quelles que soient les
difficultés de ces trois jours.
Quatrièmement, Montfort nous dit que « le plus grand des moyens, le plus
merveilleux de tous les secrets pour acquérir et conserver la Sagesse »,
c’est « une tendre et véritable
dévotion à la Sainte-Vierge. » Pour quelle raison ? Et bien,
il le dit :
« Il n’y a jamais eu que Marie qui ait trouvé grâce devant Dieu, pour soi
et pour tout le genre humain, et qui ait le pouvoir d’incarner et de mettre au
monde la Sagesse éternelle. Et il n’y a encore qu’elle qui, par l’opération du
Saint-Esprit, ait le pouvoir de l’incarner, pour ainsi dire, dans les
prédestinés. » Saint Louis-Marie nous dit que « Marie est l’aimant sacré qui, étant dans un
lieu, y attire si fortement la Sagesse éternelle qu’elle n’y peut résister.
C’est cet aimant qui l’a attirée sur la terre pour tous les hommes, et il
l’attire encore tous les jours dans chaque particulier où il est. Si nous avons
une fois Marie chez nous, dans notre cœur, nous avons facilement en peu de
temps, par son intercession, la divine Sagesse. Marie est, de tous les moyens
pour avoir Jésus-Christ, le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus
saint. »
Et cette dévotion à Marie est
pour nous de la plus haute importance, elle est décisive et capitale. Le Père
de Monfort l’affirme :
« Quand nous ferions les plus effroyables pénitences, quand nous
entreprendrions les voyages les plus pénibles, les travaux les plus grands,
quand même nous répandrions tout notre sang pour acquérir la divine Sagesse, et
que l’intercession et la dévotion à la Sainte Vierge ne se trouvât point dans
tous ces efforts, ils seraient inutiles et incapables de nous l’obtenir. Mais
si Marie dit un mot pour nous, si son amour se trouve chez nous, si nous sommes
marqués à la marque de ses fidèles serviteurs, qui gardent ses voies, nous
aurons bientôt et à peu de frais la divine Sagesse. »
Car c’est bien par Marie que
Montfort nous invite à trouver Jésus-Christ, la Sagesse incarnée. « Ad
Jesum per Mariam – A Jésus par Marie ! » Telle est sa devise.
C’est pourquoi vous chanterez à tue-tête et à plein poumon ce que j’appellerais
le « tube » de notre pèlerinage 2016 et qui se trouve dans le carnet
du pèlerin : « Pour aller à
Jésus, allons chrétiens, allons par Marie ; pour aller à Jésus, c’est le
divin secret des élus. »
C’est Marie elle-même,
d’ailleurs, qui mettra du baume sur vos souffrances durant ce pèlerinage, car
Montfort enseigne qu’elle est la confiture des croix !
« Je crois, dit Montfort, qu’une personne qui veut être dévote et vivre pieusement en
Jésus-Christ, et par conséquent souffrir et porter tous les jours sa croix, ne
portera jamais de grandes croix ou ne les portera pas joyeusement ni jusqu’à la
fin, sans une tendre dévotion à la Sainte-Vierge qui est la confiture des
croix. Tout de même qu’une personne ne pourra pas manger sans une grande
violence, qui ne sera pas durable, des noix vertes sans être confites dans le
sucre. »
Chers pèlerins, Montfort est
vraiment « une âme de feu pour
notre temps », comme l’indique le très beau dossier du pèlerinage
que vous avez pu lire et méditer pour vous préparer. Cette âme de feu s’est
exprimée avec flamme dans sa célèbre Prière embrasée pour demander les Apôtres des derniers
temps. C’est que Montfort a vu prophétiquement les temps que nous vivons
aujourd’hui et qu’il décrit en ces termes : « Votre divine Loi est
transgressée ; votre Evangile est abandonné, ô mon Dieu ; les
torrents d’iniquité inondent toute la terre et entraînent jusqu'à vos
serviteurs ; toute la terre est désolée ; l'impiété est sur le trône ; votre
sanctuaire est profané ; l'abomination est jusque dans le Lieu saint. Tout
deviendra-t-il, à la fin, comme Sodome et Gomorrhe ? Ah !
Permettez-moi de crier partout : Au feu ! Au feu ! Au feu !
A l’aide ! À l’aide ! Au feu dans la maison de Dieu ! Au feu
dans les âmes ! Au feu jusque dans le sanctuaire ! A l'aide de notre
frère qu'on assassine ! A l'aide de nos enfants qu'on égorge ! A
l’aide du bon père qu'on poignarde ! Seigneur, levez-Vous ! Pourquoi
semblez-vous dormir ? »
On identifie facilement, chers
pèlerins, dans ces traits de feu, tous les malheurs de notre temps : le libéralisme, dans la divine Loi qui est transgressée ; l’apostasie silencieuse, dans
l’Evangile qui est abandonné ; l’impudicité se déversant et s’étalant dans les rues, dans
les torrents d’iniquité qui inondent toute la terre ; les défections et les scandales des âmes
consacrées, dans les serviteurs de Dieu qui sont entraînés par ces mêmes
torrents ; les catastrophes
naturelles, dans la terre qui est désolée ; les gouvernements maçonniques, dans
l’impiété laïciste qui est sur le trône ; les messes sacrilèges, célébrées dans le sanctuaire qui est
profané ; le vice
contre-nature, qui est désigné par Sodome et Gomorrhe ; Bouddha posé
sur le tabernacle à Assise en
1986, dans l’abomination du Lieu saint ; l’insécurité permanente qui
règne, derrière le frère qu’on assassine ; l’avortement qui transparaît derrière les enfants qu’on
égorge ; l’euthanasie que
révèle le bon père qu’on poignarde. Rien n’est oublié, le tableau est complet,
saisissant d’une criante actualité. Montfort semble bien décrire
prophétiquement la situation dans laquelle nous sommes. Voilà donc l’homme de
la situation, voilà donc l’homme
qu’il nous faut, à nous, pèlerins du XXIème siècle, voilà donc celui qui
doit nous conduire sur les routes de Chartres à Paris durant trois jours.
Mais Grignion de Montfort -et je
termine sur ces paroles encourageantes- n’est pas un pessimiste déprimant. Il a
le moral ! Vive Jésus, vive sa Croix ! Montfort va relever notre courage, il va nous ranimer, il va nous
communiquer sa flamme. Ecoutons-le nous adresser ces paroles, à nous si
nombreux ici, mais qui ne sommes dans le monde qu’une poignée de
pèlerins :
« Ne craignez point, dit-il, petit troupeau, car votre Père a pour
agréable de vous donner le Royaume des cieux. Ne craignez point, quoique
naturellement vous ayez tout à appréhender... Et voilà les nations, les
mondains, les avares, les voluptueux, les libertins assemblés à milliers pour
vous combattre par leurs railleries, leurs calomnies, leur mépris… Mais ne
craignez point, petit troupeau. Je suis votre protection et votre défense, vous
dit le Père éternel, je vous ai gravés dans mon cœur et écrits dans mes mains,
vous dit Dieu le Fils mourant sur la croix, pour vous chérir et vous défendre,
parce que vous avez mis votre confiance en moi… Je vous délivrerai des pièges
qu'on vous tend… des assauts du démon… je vous cacherai sous mes ailes, je vous
porterai sur mes épaules… Vous marcherez avec courage… Je vous exaucerai dans
vos prières ; je vous accompagnerai dans vos souffrances ; je vous
délivrerai de tous les maux ; je vous glorifierai de toute ma gloire que
je vous montrerai dans mon royaume à découvert, après que je vous aurai comblés
de jours et de bénédictions sur la terre. Ce sont-là -chers
amis- les promesses admirables,
que Dieu vous faits par la bouche du prophète, si vous mettez, par Marie, toute
votre confiance en Lui. »
Alors, chers pèlerins, bon et
saint pèlerinage en compagnie de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et de
Notre-Dame de la Route.
Au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu.