SOURCE - Abbé Patrick de La Rocque, curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, fsspx - Le Chardonnet - mai 2016
C’est donc fait. Mgr Fellay a rencontré le pape François, entretien dont il a dévoilé les grands traits tant dans un communiqué qu’à l’occasion du sermon prononcé au Puy. Au lendemain de ce rendez-vous, la partie continuait avec Mgr Pozzo, véritable maître d’œuvre des relations que Rome entretient avec la Fraternité Saint-Pie X. Puis, dans le journal La Croix du 7 avril, ce même Mgr Pozzo synthétisait les conditions romaines à une régularisation canonique. Ses affirmations sont trop importantes pour ne pas s’y arrêter.
C’est donc fait. Mgr Fellay a rencontré le pape François, entretien dont il a dévoilé les grands traits tant dans un communiqué qu’à l’occasion du sermon prononcé au Puy. Au lendemain de ce rendez-vous, la partie continuait avec Mgr Pozzo, véritable maître d’œuvre des relations que Rome entretient avec la Fraternité Saint-Pie X. Puis, dans le journal La Croix du 7 avril, ce même Mgr Pozzo synthétisait les conditions romaines à une régularisation canonique. Ses affirmations sont trop importantes pour ne pas s’y arrêter.
Car à vrai dire, le propos est à première vue surprenant. Jusqu’à présent, l’acceptation pleine et entière de Vatican II était posée comme un critère indispensable de catholicité. Et jusqu’à présent, la Fraternité Saint-Pie X criait à l’injustice : jamais un texte reconnu comme non infaillible ne peut être normatif pour la foi. Or c’est précisément cette divergence que semble résoudre Mgr Pozzo, admettant apparemment la justesse de l’objection.
Reprenant à sa manière les critères traditionnels de catholicité – « l’adhésion à la profession de foi, le lien des sacrements et la communion hiérarchique avec le pape » – Mgr Pozzo affirme qu’eux seuls seront constitutifs de la déclaration doctrinale réclamée à tous les membres de la Fraternité. En toute logique, il en déduit que « les difficultés soulevées par la FSSPX au sujet des questions de la relation Église-État et de la liberté religieuse, de la pratique de l’œcuménisme et du dialogue avec les religions non chrétiennes, de certains aspects de la réforme liturgique […] ne constituent pas un obstacle pour la reconnaissance canonique ». Apparemment, voici donc désacralisé le concile Vatican II, qui redeviendrait sujet à discussion plutôt qu’objet d’indispensable adhésion. Voilà qui paraît bien nouveau.
Hélas, ce n’est là qu’apparence. Car ce que Mgr Pozzo concède quant à la profession de foi, il le reprend aussitôt, lorsqu’il expose sa conception de la communion hiérarchique : la Fraternité Saint-Pie X devra « accepter que le magistère de l’Église soit le seul à qui est confié le dépôt de la foi pour être gardé, défendu et interprété ». Interprété : en ce dernier mot réside tout le problème, in cauda venenum.
Si Mgr Pozzo avait concédé que « Vatican II ne peut être compris de façon adéquate que dans le contexte de la Tradition entière de l’Église et de son magistère constant », voici qu’il ajoute maintenant, de façon implicite mais bien réelle, que la Tradition ne peut à son tour être comprise (interprétée) qu’à la lumière de Vatican II et des enseignements postérieurs. C’est là toute la fameuse – et fumeuse – herméneutique de la continuité, en laquelle l’inacceptable déclaration doctrinale de 2012 avait voulu nous enfermer. Admettre une telle critériologie interdit l’indispensable remise en cause des affirmations délétères de Vatican II. La discussion – remise à plus tard – se limiterait alors, de l’aveu même de Mgr Pozzo, à une simple « clarification » en vue d’une plus grande précision.
Rien n’a donc véritablement changé des exigences romaines. Seule l’habileté s’est affinée. Fuyant l’indispensable confrontation doctrinale qui confondrait l’erreur au profit de la vérité salvatrice, on cantonne le débat à « l’herméneutique ». Il ne s’agit plus de nous faire admettre directement les erreurs destructrices de Vatican II, mais seulement de nous imposer le port de lunettes déformantes : accepter que les erreurs répandues par les tenants actuels de la fonction magistérielle – erreurs souvent blasphématoires une fois menées à terme – que ces erreurs, donc, servent de fourches caudines sous lesquelles devrait se plier l’enseignement constant et souvent infaillible de l’Eglise. C’est évidemment impossible, ainsi que le signalait Mgr de Galarreta en janvier lors de sa conférence à Bailly.
Certains rétorqueront peut-être que nous ne pouvons rester insensible à tant de bienveillance romaine. Sans empiéter nullement sur les intentions, on se doit néanmoins de constater qu’une telle « bienveillance » est pour le moins intéressée : Mgr Pozzo aura ainsi réussi à cantonner le débat à de simples précisions ou clarifications, là où il ne peut y avoir que rejet de l’erreur. Pour ne prendre que les derniers exemples en date, que seraient de simples « précisions », face à la radicale remise en cause du mystère de la Rédemption par Benoît XVI (Intervention rendue publique le 16 mars)? Ou encore, comment de simples « clarifications » suffiraient à contrer l’introduction officielle du relativisme moral de la récente instruction post-synodale Amoris lætitia ? Empêcher la dénonciation de tels textes reviendrait simplement à faciliter la prolifération de l’erreur, au plus grand détriment de l’Eglise, de sa foi et de sa morale, au plus grand détriment des âmes.
On comprend le réalisme de Mgr Fellay affirmant voici peu qu’il y faudrait sans doute des années. Car, si tant de temps n’a pas suffi à modifier substantiellement les conditions de Mgr Pozzo, combien en faudra-t-il non seulement pour y parvenir, mais encore pour reconnaître à la Fraternité Saint-Pie X son droit et devoir de dénoncer tant les erreurs que les fauteurs d’erreur, condition sine qua non posée par le chapitre de 2012 ?
Bref, sur le fond, rien de bien neuf sous le soleil romain quant aux rapports avec la Fraternité Saint-Pie X.
Abbé Patrick de La Rocque, curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet