12 février 2017

[Abbé Xavier Beauvais, fsspx - L'Acampado] La tempête qui secoue l'Eglise

SOURCE - Abbé Xavier Beauvais, fsspx - L'Acampado - février 2017

L'Eglise, corps mystique du Christ, nous le savons, restera vivante jusqu'au dernier instant, jusqu'à ce que la figure du monde passe, jusqu'à ce que le temps ne soit plus. 
   
C'est ainsi qu'apparaît et resplendit l'unité de l'histoire. Jusqu'à Jésus-Christ, c'était la préparation à la Ré- demption ; avec Jésus-Christ, c'est son accomplissement, et depuis Jésus-Christ, c'est l'achèvement de la Rédemption, c'est-à-dire l'application à chacun des hommes, des mérites de la Rédemption. L'Eglise continue Jésus-Christ et L'achève, non pas parce qu'il manque quelque chose à Son œuvre, mais parce que Dieu a voulu que l'homme complète, par son effort l'œuvre de Jésus-Christ, complète par ses souffrances la Passion de Jésus-Christ, jusqu'à la fin des temps, comme Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix. Après des années ou des siècles, que reste-t-il des Etats, des empires et des civilisations ? Quant à l'Eglise qui naît sous les flammes de la Pentecôte, elle est là, encore vivante, même si comme aujourd'hui, elle semble éclipsée, moribonde. Mais comme l'histoire est le récit de la lutte continue et du continuel triomphe de Dieu sur Satan, l'ennemi, ne pouvant attaquer le corps physique de l'Eglise en faisant mourir les baptisés - et il l'a fait par millions -, attaque la vérité. 
    
Ce seront les premières tempêtes, les premières hé- résies visant la Trinité, la personne du Christ. C'est l'arianisme auquel répondra le Concile de Nicée, réaffirmant que Jésus-Christ est vraiment Dieu et Homme. Combien d'autres tempêtes déferleront sur l'Eglise ? L'Islam, les hérésies des orthodoxes... plus tard celles des protestants, aujourd'hui celles du modernisme à travers l'Eglise conciliaire qui arrache tant de foules à la Vérité et à la discipline de l'Eglise ; le communisme qui dressera contre l'Eglise des foules, au prix non pas de quelques centaines de milliers de victimes ou de quelques millions, mais de plus de 150 millions de victimes. Dans la tempête, dans la tourmente post-conciliaire que nous vivons en plein, que Dieu nous donne toujours d'être ici des catholiques, humbles certes, pécheurs que nous sommes et désireux de conversion, mais inébranlables, invincibles, j'allais dire même en quelque sorte insensibles dans cette tempête. Et tels étaient les premiers fidèles après la Pentecôte. N'oublions pas que dans une tempête, c'est la surface de l'océan qui est agitée. Le fond reste calme, ce fond qu'est la Vérité, la doctrine catholique immuable. Et nous, c'est par la prière qu'il faut plonger au fond, là où est la paix et l'amour de Dieu, là où est Sa lumière afin de répandre, autour de nous, le calme et la force de Dieu, ainsi qu'une foi pure de toute compromission.
   
« Ces créatures nouvelles qu'étaient les premiers fidèles après la Pentecôte, écrit Bossuet, que le Saint-Esprit a formées par la charité qu'il a répandue dans les cœurs, ne sont plus qu'un cœur et qu'une âme » comme il est écrit dans les Actes. 
    
Animés par la grâce, de quoi auraient-ils peur ?
   
Et c'est ainsi qu'ils affrontèrent toutes les discussions, et les Docteurs de la Loi avaient beau multiplier leurs subtiles objections, rien ne résistait aux solides arguments de la Vérité. Pourtant, les Docteurs de la Loi étaient habiles à manier la parole et à trouver de brillantes raisons contre leurs adversaires. On oublie trop que les ennemis de l'Eglise, si puissants soient-ils de l'extérieur comme de l'intérieur, avec leurs plans parfois si habiles, méconnaissent sa puissance spirituelle. 
     
L'évangélisation du monde - ne l'oublions pas non plus - n'a pas commencé avec des Alleluia, mais par un martyre, celui de Saint Etienne. Il a fallu qu'un témoin de Jésus-Christ attestât par son sang et par sa mort, la ré- surrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour que le monde fût livré à la prédication évangélique. Et c'est en mourant que Saint Etienne a conquis le futur Saint Paul à Jésus-Christ. Les plus lourds obstacles aux conversions des Gentils furent renversés et les conquêtes apparurent plus rapides et plus nombreuses.
     
Cela nous montre combien notre foi n'est jamais vaine, ni notre espérance, ni notre charité. Satan qui mène le bal de ce monde en transe, avait voulu, du temps des premières grandes persécutions de Néron, noyer le christianisme dans le sang, à un point tel qu'on a comparé ces persécuteurs au Déluge : le déluge du sang après celui des eaux, et la barque, invariable, flottant malgré tout, et la croix, inébranlable, dominant le monde. Certes, il y eût des périodes d'accalmie, de tolérance, certains accommodements légaux, mais on était toujours à la merci d'une variation de la politique. Le calme ne dure jamais. L'hé- résie passe d'un extrême à l'autre. Bientôt après avoir péché par défaut, on péchera par excès. On l'a vu, dans toutes les hérésies. Nestorius n'avait fait du Christ qu'un homme divinisé, Eutychès fera du Christ un Dieu qui n'est plus un homme. Certes, au cours des premiers siè- cles, la plupart des chrétiens sont morts dans leur lit, mais tous, avec le baptême, avaient accepté le risque du martyre et ce risque était alors devenu une réalité terrible et magnifique.
    
L'histoire se répète. Lorsque les apôtres menaçaient de sombrer dans leur petite barque, ils criaient "Au secours, Seigneur, nous périssons". Quand le Titanic commença à couler à pic, on chantait : "Je crois en toi, mon Dieu". Eh bien, quand on récite, quand on chante le Credo, c'est là qu'il faut penser à la réponse de Notre-Seigneur : "hommes de peu de foi". Est-ce que vraiment nous avons la foi ? Quand nous chantons le Credo, nous ne pensons pas assez qu'au cours des siècles, des chrétiens - par millions - sont morts pour attester la Vérité profonde de ces mots que nous prononçons, et nous ne pensons pas assez qu'à l'avenir, des hommes mourront jusqu'aux dernières persécutions de l'Antéchrist pour attester la vérité du Credo. Malgré les menaces, malgré les sanctions injustes, malgré les supplices, il y a toujours eu des chrétiens.
    
D'ailleurs, au plus fort de la tempête, au plus fort des persécutions, Dieu protège les siens. Jésus nous reprochera notre affolement : 
    
"Pourquoi avez-vous peur, homme de peu de foi", votre foi est bien faible ! Le chrétien n'a rien à craindre, car si apparemment le Christ dort, Il ne cesse d'être présent, pré- sent dans ce sacerdoce que Mgr Lefebvre a voulu sauver, présent dans l'Eucharistie provenant d'une vraie messe. Dieu demeure maître des événements, même quand Il se tait et n'intervient pas tout de suite. Dieu demeure maître des hommes, même quand ils semblent gouverner l'Histoire et triompher apparemment de Dieu. Il suffit de vivre au niveau de la foi au lieu de se laisser emporter par les soubresauts d'une sensibilité désordonnée, devenue rapidement victime des illusions d'une réconciliation à bon marché. Et puis, face aux révoltés, les apôtres nous donnent un autre exemple. Ils réagissent avec plus d'intelligence. Jésus dort, mais enfin Il est là ; il n'y a qu'à Le réveiller et le Christ se réveillera et Il agira avec nous comme avec les apôtres.
    
On pourrait multiplier pendant des heures, le récit des tempêtes et des accalmies qu'a supportées l'Eglise. On peut vouloir la paix, on peut prier pour la paix, on peut demander à avoir un pape de la paix, mais sans oublier encore que si l'on veut la paix, il faut préparer la guerre. Lisez l'Histoire de l'Eglise. Lisez celle des premiers siècles. Il a fallu la cimenter par les persécutions, tout comme la rédemption s'est accomplie par la croix. Sous l'empereur Commode éclata une violente persécution, puis la tempête s'apaisa pour quelques années. Elle reprit soudain avec Septime Sévère, dans une guerre où l'adversaire chrétien devait être anéanti. C'est l'époque où, en Afrique, sainte Perpétue et sainte Félicité subirent le martyre à Carthage et où, en Gaule, les témoins de Jésus-Christ seront nombreux. De nouveau, une accalmie, et la persécution reprend sous Maximin en 235, puis sous Dèce en 250, etc. Avant le triomphe des moissons, il aura toujours fallu que le soc vienne déchirer la terre chrétienne d'un sillon sanglant. Avant les décrets de Dioclétien en 303 et 305, l'Eglise avait été en paix pendant 40 ans. Quarante années de tranquillité pouvaient avoir affaibli l'ardeur combative des chrétiens, affadi leur foi, désarmé leur juste combat. Après ces 40 années, jamais persécution ne fut plus sanglante. C'est l'époque du martyre du Pape Saint Marcellin, de Saint Maurice et des chrétiens de la Légion Thébaine, de Sainte Agnès, de Sainte Lucie, de Saint Vincent, etc.
     
C'est donc dans le tumulte des massacres, dans le grand désordre du monde en désarroi que la Providence prépare les triomphes. Quand Dieu veut faire voir qu'un ouvrage est tout de Sa main, Il réduit tout à l'impuissance, puis Il agit. Au pire des tempêtes, Dieu réserve aux siens un refuge, d'où ils peuvent prier, agir, attendre et préparer la renaissance. La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X devra rester ce refuge de prière, d'action et d'attente d'une renaissance de l'Eglise dans la tempête qui continue. Elle devra aussi se souvenir tout le temps que Dieu lui donnera vie, que si les martyrs ont vaincu les tempêtes orchestrées par l'Empire romain, ils l'ont vaincu, non par des moyens humains, non par des intrigues, ni par la tactique des généraux ou l'habileté des politiciens, mais par le sacrifice de leur vie. La paix fût donnée à l'Eglise par Constantin, mais en plein triomphe de la Croix se dessinait déjà le germe des futures querelles du sacerdoce et de l'Empire. Là encore, après 50 ans d'Histoire, après que Constantin eût arboré la croix, surgit la persécution de Julien l'Apostat, une persécution qui fût une déchristianisation analogue à celle que nous vivons depuis le XIXe siècle. Ce n'était plus l'égorgement mais l'étouffement.
    
Toute l'histoire du monde, toute l'histoire de l'Eglise est une vaste tempête, mais toujours un magnifique épanouissement de la gloire de Dieu, une preuve toujours plus rayonnante de l'amour de Dieu pour nous. 
    
Toute l'histoire de la Création montre cette tempête qu'est la lutte de la malice et de la grâce. On y voit des anges rebelles chassés sans rémission ; on y voit l'homme, plus faible, qui obtient le pardon de la bonté divine à cause de cette faiblesse même. Cette lutte de la malice et de la grâce qui va de la Genèse à l'Apocalypse et du Paradis terrestre au Jugement dernier, cette lutte passera surtout dans l'âme humaine. Et nous savons bien par quelles séries de tempêtes sont passées nos âmes, avec toutes leurs faiblesses. Il est utopique de se forger de belles illusions pour asseoir une tranquillité trompeuse. Le combat ne cessera pas. Il change souvent de forme, et ce n'est pas le monde qui pourra donner la paix, il faut la demander à Jésus-Christ. 
    
Alors, confiance, confiance dans la tempête. Comme l'a si magnifiquement écrit le Père Calmel : 
   
"Nul doute que Notre-Dame n'intercède tout spécialement en notre époque où les précurseurs de l'Antéchrist ont pénétré dans le sein de l'Eglise ; nul doute surtout que sa prière ne se perde dans une supplication qui est, pour ainsi dire, infiniment plus puissante : celle de la Vierge Mère de Dieu. Elle qui écrase le Dragon par sa Conception Immaculée, elle qui règne au ciel, elle domine en souveraine tous les temps de notre Histoire et particulièrement les temps plus redoutables pour nos âmes ; le temps de la venue de l'Antéchrist ou ceux de la préparation de cette venue par ses diaboliques précurseurs. Marie se manifeste non seulement comme la Vierge puissante et consolatrice dans les heures de détresse pour la cité terrestre et la vie corporelle, elle se montre surtout comme la Vierge secourable, forte comme une armée rangée en bataille dans les périodes de dé- vastation de la Sainte Eglise et d'agonie spirituelle de ses enfants. Elle est Reine pour toute l'histoire du genre humain, non seulement pour les temps de détresse mais pour les temps d'apocalypse".
     
Alors, malgré la tempête qui secoue l'Eglise, qui secoue la barque de Pierre, qui secoue également la Fraternité Saint-Pie X, que nos âmes restent intactes, qu'elles ne soient jamais livrées à l'attaque perfide lâchement tolérée des pseudo-prophètes de la pseudo-Eglise, comme l'écrit encore le Père Calmel ! La présence de Marie, au beau milieu de la pire tempête de l'Eglise - le Calvaire -, debout au pied de la croix, nous montre son union parfaite au sacrifice rédempteur de son Fils afin de mériter, en Lui, la grâce pour affronter les tentations et les tribulations qui jalonnent les existences les plus unies, mais aussi la grâce de persévérer, de se relever, de se sanctifier dans les pires épreuves, celles de l'épuisement dans le combat, dans la résistance à l'auto-destruction. En se tenant debout au pied de la croix de son Fils, elle, dont l'âme fût déchirée par un glaive de douleur, nous fait saisir sans hésitation qu'elle sera capable de nous soutenir dans les épreuves les plus grandes. 
      
Dans l'Eglise de Jésus-Christ en proie au modernisme jusque parmi les chefs, à tous les degrés de la hiérarchie, la souffrance des âmes, la brûlure du scandale atteignent une immensité bouleversante ; ce drame est sans précédent ; tempête sans précédent, mais la grâce du Fils de Dieu est plus profonde que ce drame. Et la Très Sainte Vierge Marie, dans ce drame, obtient toute grâce.
    
Alors, à nous de suivre les conseils du Pape Léon IV. Il fortifiait alors le peuple italien face aux Sarrasins. Conseils qu'il faut adapter aujourd'hui à la nouvelle religion conciliaire.
    
"Déposez toute crainte, leur disait-il, et combattez avec courage contre les ennemis de la foi".