SOURCE - Laurence Monnot - Le Monde - 20 février 2009
Le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne l'a lui même admis : l'Eglise catholique autrichienne traverse une crise et les évêques doivent "une explication" aux catholiques. "Nous voulons aussi exprimer l'espoir que toute crise peut être aussi une chance" a écrit le président de la conférence épiscopale autrichienne dans une lettre pastorale publiée le 16 février à l'issue d'une réunion de crise, rassemblant tous les évêques.
Mgr Schönborn tire les leçons du malaise suscité par deux épisodes particulièrement mal vécus par les catholiques, et qui viennent s'ajouter à un trouble plus ancien. L'annonce le 24 janvier par le Vatican de lever l'excommunication de quatre évêques lefebvristes, dont l'un négationniste, a choqué les catholiques autrichiens et suscité l'incompréhension au plus haut niveau de la hiérarchie.
Le 31 janvier, une nouvelle décision de Benoît XVI a accentué le trouble ressenti face aux décisions de la hiérarchie catholique. Rome annonçait la nomination de Gerhard Maria Wagner comme évêque auxiliaire de Linz, en dépit des recommandations contraires de l'Eglise autrichienne.
L'ecclésiastique ultraconservateur est connu pour ses prises de position sulfureuses : de Harry Potter le "satanique", aux catastrophes naturelles de la Nouvelle-Orléans ou du tsunami déclenchées par la "pollution spirituelle", en passant par ses opinions sur l'homosexualité "maladie curable"... Il a, face au tollé suscité par sa nomination, demandé au pape de revenir sur sa décision. Le Vatican n'a pas officiellement accédé à cette demande.
L'Eglise autrichienne, qui depuis les années 1990 peine à se relever de plusieurs scandales liés à des affaires de pédophilie et de pornographie au sein d'un séminaire, n'avait pas besoin de cette nouvelle recrue controversée. Pour Thomas Prügl, directeur de l'Institut d'histoire religieuse de la faculté catholique de Vienne, ces affaires sont le point d'orgue d'un malaise plus général. L'Eglise autrichienne, dont plus de 35 000 fidèles se détournent chaque année et qui a perdu plus de 1,3 million de fidèles depuis 1976, souffre, selon lui, d'une double fracture : entre traditionalistes et progressistes - dont il estime le poids respectif à 10 et 15 % des fidèles -, entre les prêtres de paroisses et leur hiérarchie.
La "base" progressiste incarnée par des mouvements comme Nous sommes l'église ou Initiative paroissiale appellent à des réformes structurelles. L'abolition de l'obligation de célibat pour les prêtres, la participation des femmes dans la liturgie, solutions défendues pour faire face à la pénurie de prêtres, recueillent d'après les sondages un large soutien parmi la communauté catholique. "Le défi posé à l'Eglise autrichienne et reconnu par les évêques dans leur récente lettre pastorale, est de prendre plus au sérieux les besoins de l'église locale" estime M. Prügl.
Effet du récent désarroi causé par la politique de Rome, l'Eglise évangélique autrichienne, qui ne rassemble que 5 % de la population contre 68 % de catholiques, enregistre depuis janvier un nombre croissant de demandes d'information. Un appel au boycott de l'impôt de l'Eglise a été lancé - en Autriche les Eglises reconnues sont habilitées à prélever un impôt sur le revenu de leurs fidèles. S'il était entendu, cet appel pourrait s'avérer un moyen de pression efficace : plus de 85 % des revenus de l'Eglise proviennent de cet impôt.
Laurence Monnot
Article paru dans l'édition du 21.02.09