Et si, tout doucement, la Fraternité Saint-Pie-X se préparait à claquer la porte à Rome ?
C’est ce que semble esquisser en ce moment Mgr Fellay. Interrogé lundi 16 février par le quotidien valaisan Le Nouvelliste sur le point de savoir si un accord doctrinal pouvait aboutir avec Benoît XVI, le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X a estimé que « cela semble difficile »…
En cause : toujours Vatican II, source de tous les maux de l’Église pour les intégristes. Mercredi soir dernier, à la Mutualité, Mgr Fellay estimait ainsi que « la crise de l’Église ne peut se résoudre que par une purification de la pensée ». En clair : revenir sur Vatican II…
Or, comme le souligne le supérieur général de la FSPX au Nouvelliste, si Benoît XVI semble « proche » des intégristes en matière liturgique, « il tient très profondément aux nouveautés de Vatican II ». Un concile dans lequel, lors d’une conférence le 13 juin 2005 à Bruxelles, il voyait « des erreurs, des ambiguïtés qui ouvrent sur d’autres erreurs pires encore ». « Ce qui a inspiré ce texte, ce qui le rend inassimilable, c’est un esprit qui n’est pas catholique », jugeait-il alors.
Il n’a pas changé d’avis (il est d’ailleurs intéressant de voir que, dans son entretien au Nouvelliste, Mgr Fellay emploie souvent les mêmes phrases que dans sa conférence de Bruxelles…)
Bref, le fossé théologique est si large entre Écône et Rome, qu’on ne voit pas comment un accord serait possible entre les héritiers de Mgr Lefebvre et un pape qui, quoi qu’en disent certains, demeure profondément attaché à ce concile où il fut un jeune et brillant expert. Certes, la porte ouverte par le pape n’a pas encore claqué, mais on sent comme un petit courant d’air…
Bien sûr, avec le tact et la délicatesse qui le caractérisent, Mgr Fellay ne s’attaquera pas frontalement à Benoît XVI. Dans son entretien au Nouvelliste, c’est aux « réactions dans l’ensemble de l’Église quant à nos positions sur le concile Vatican II » qu’il s’en prend.
Ainsi, plus que le pape, ce sont donc les évêques « modernistes », « progressistes », cette « Rome protestantisée », comme on se plaît à décrire depuis Écône ceux qui défendent le concile, qui seront la cause d’une éventuel échec des discussions. Ce sont des prétextes semblables qui avaient déjà été invoqués lorsque, en 1976 avec Paul VI, en 1988 et en 2001 avec Jean-Paul II, ou en 2006, déjà avec Benoît XVI, les intégristes avaient repoussé de généreuses offres de Rome.
Benoît XVI est allé cette fois plus loin qu’aucun autre pape avant lui. Un pari risqué, que nombre de catholiques n’ont pas compris, mais que ce pape, passionné d’unité, était prêt à tenter. La main tendue est là. Mgr Fellay claquera-t-il la porte ?
Nicolas Senèze