Dans les travées des églises, l’agacement « Oui, parlons de la visite de l’évêque Mgr Ulrich dans notre quartier, cela évitera de parler du pape et des intégristes. » Cette remarque d’un prêtre à un journaliste, il y a quelques jours, résume pour une part le sentiment qui domine dans les trois diocèses. Chez les catholiques « romains », la main tendue par le pape provoque soit l’indifférence la plus complète, soit sarcasmes et agacement.
Car, comme le souligne Henri Tincq – auteur d’un livre passionnant intitulé Les Catholiques –, « l’importance numérique » des lefebvristes est « inversement proportionnelle (...) aux passions » qu’ils soulèvent. La Fraternité compterait 150 000 fidèles, pour un milliard de catholiques.
L’incompréhension aussi
Aussi, sans même tenir compte de l’affaire Williamson, qui n’a suscité que rejet, critiques et condamnations nettes, la décision de Benoît XVI de lever l’excommunication n’est pas toujours bien comprise dans les communautés paroissiales : « Les prêtres vivent ça douloureusement, explique-t-on dans une paroisse du Nord, mais un bon nombre dit « wait and see ». Les lefebvristes vont être obligés de dire qu’ils acceptent le Concile. » Dans son dernier éditorial d’Église d’Arras, Mgr Jaeger justifie la position du pape (« une attitude miséricordieuse et paternelle »), mais attend des lefebvristes qu’ils fassent « amende honorable » : « Non, quatre évêques relevés de l’excommunication ne seront jamais les redresseurs de torts dans une Église prétendument fourvoyée » par Vatican II. « L’Église est vivante et n’a pas de leçon à recevoir de ceux qui prétendent la sauver par leurs visées réductrices », lance pour sa part le prêtre lillois Bernard Podvin dans la dernière e-letter diocésaine. Des mots qui portent car ils émanent de celui qui est, depuis le 1er janvier, porte-parole des évêques de France.
Car plus qu’une affaire de latin, c’est un certain regard sur la société qui différencie aujourd’hui les « romains » des lefebvristes.
B. D. |