13 février 2009





La purification de la pensée
13 février 2009 - Pietro De Paoli - la-croix.com
Il est des mots et des associations de mots qui font hoqueter à la lecture, puis  froid dans le dos à la relecture. Mgr Fellay, cité dans l’article paru dans “La Croix” du 13 février  veut résoudre la crise de l’Église par « une purification de la pensée ».
Deux objections, toutes deux graves.
L’une sur le poids contemporain du mot qu’on ne peut utiliser sans savoir ce qu’il charrie. Purification : raciale, ethnique, idéologique… Combien de rafles, combien de drames, combien de larmes, combien de morts ?
L’autre, évangélique. Une parabole l’illustre clairement, celle du bon grain et de l’ivraie. Il ne nous revient pas à nous, serviteurs du maître de séparer le bon grain de l’ivraie avant le temps de la moisson, car, dit le Maître, « Vous risqueriez, en ramassant l’ivraie, d’arracher en même temps le blé. Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson ; et, au moment de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord l’ivraie et liez-la en bottes que l’on fera brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier ».  Et le temps de la moisson désigne clairement la consommation des temps.
Oui, le Christ sait le danger du désir de « purification ». Il en avait mille preuves sous les yeux, Pharisiens, Esséniens, Zélotes, et même Sadducéens. Chacun y allait de sa surenchère de « pureté », chacun dans son ordre ; pureté des moeurs, de l’obéissance à loi, de la fierté et de l’identité nationale, de la pureté du culte.
La purification est blanche comme une lame. Elle sépare, elle tranche, retranche et tue. La purification est brûlante comme le feu et pour y jeter les pensées « impures », on y jette d’abord les phrases, les livres, et ensuite, ceux qui les pensent.
Les chrétiens n’adhèrent pas à un corpus de pensée qu’il faudrait « purifier », ils donnent leur foi à un Dieu, au corps crucifié et souillé de crachat,  et à la chair glorifiée du Fils de l’Homme.
La seule purification à laquelle nous sommes appelés est celle du coeur. De notre coeur, pas de celui du voisin. De notre pensée, pas de celle du prochain. La purification est notre tentation, celle d’être comme des dieux, de juger et de séparer les bons des mauvais.
Seigneur, purifie-moi mais ne me laisse pas succomber à la tentation de purifier mon frère, en pensée, en parole, par action ou omission.
Pietro De Paoli