| L’expression, fort audacieuse, est empruntée à l’abbé       Laguérie, le nouveau prieur de l’institut du Bon Pasteur, regroupant       des intégristes désormais reconnus par Rome. Elle sent la récupération       à plein nez. C’est pourquoi nous tenons à lui ajouter un sincère       point d’interrogation. En fait, elle contient une part de vérité, mais       qu’il faut préciser. Benoît XVI partage avec le courant traditionaliste une       vision intransigeantiste et intégraliste du catholicisme. Comme ses amis de l’autre rive, il souhaite oeuvrer à       une véritable restauration, à tous les plans, d’une Église puissante       et maîtresse de vérité. Son regard sur l’après Concile frappe par sa       sévérité. En substance, Joseph Ratzinger déplore la réforme       liturgique. Pour autant, il est loin de partager toutes les obsessions       des traditionalistes français (par exemple au niveau politique) et il se       refuse à envisager le " vrai " Concile en       terme de rupture. Ce qui l’oppose à Mgr Lefebvre. Nous préférons parler d’ultra-conservatisme       restaurateur . Il semble à présent clair pour tout un chacun que ce       pontificat sera un pontificat non de compromis, mais de transition...au       sens fort du terme. Non pas celui d’un changement différé mais plutôt       du véritable passage d’un catholicisme encore marqué par les audaces       conciliaires à une nouvelle variante du catholicisme intransigeant. De fait, les épiscopats locaux et nombre de catholiques       ne semblent plus opposer de résistance à un tel tournant radical. La       complaisance manifestée par Mgr Ricard à l’endroit des intégristes,       qui tranche avec les réticences de ses prédécesseurs, constitue un       véritable scandale pour les chrétiens de progrès. Elle traduit bien aussi l’effondrement de l’utopie des       conciliaires réformiste, visant à une évolution progressive de l’Église,       sans s’affranchir pourtant radicalement de certaines manières de penser       et de réagir. Cette posture de compromis, cherchant un équilibre       variable entre soumission institutionnelle et liberté personnelle, a       été mise en difficulté croissante par l’émancipation plus radicale       de la société et des moeurs. Le numéro d’équilibriste devenant alors       presque impossible, le nombre des candidats s’amenuise forcément. Ce       vieillissement des troupes conciliaires donne l’illusion numérique d’une       puissance continue des intégristes. D’où l’oreille de plus en plus favorable qui leur est       accordée. Benoît XVI, d’une certaine façon, accompagne cette       évolution. En même temps, il la surveille, la contrôle et l’implante       durablement. Il lui donne une assise doctrinale et une charpente bien       construite ; alors que Karol Wojtyla se présentait surtout comme un       séducteur et un conquérant des coeurs. Très habile au demeurant, Joseph Ratzinger sait, si       nécessaire, laisser du temps au temps. Désormais pourtant le masque est       tombé. Les discours prononcés lors du voyage en Bavière       , des appels à la croisade, ne peuvent que dissiper tous les doutes       à cet égard. Si tant est qu’il en subsistait encore chez certains. Benoît XVI ne se laisse pas facilement enfermer dans une       étiquette. D’ailleurs les étiquettes sont toujours un peu       inadéquates. Pour autant, nous n’hésitons pas à affirmer que ce       Pape, si habile, entend d’évidence être d’abord l’artisan d’une       restauration dont nous n’avons pas encore mesuré à ce jour ni l’étendue       ni le caractère réactionnaire |