| L’abbé Laguérie en " Bon Pasteur " ! On croit rêver... | 
| 23 septembre 2006 - Philippe Villeneuve - Golias - golias.ouvaton.org | 
| L’arrangement semble surréaliste entre l’Eglise et un quarteron       de boute-feu intégristes emmenés par le chef de guerre Laguérie, "       Bon pasteur " d’un tout nouveau genre, lui qui est connu comme       violent, indiscipliné, incontrôlable (et exclu en 2004 de la Fraternité       St Pie X). Dans tout compromis, chacun       fait des concessions. Si l’on voit bien l’ampleur de celles,       unilatérales, de l’Eglise, où sont donc celles de cette poignée d’intégristes,       qui se sont aussitôt félicités de n’avoir fait "aucune       concession sur le fond ", ni en rien renié leur "parenté avec Mgr       Lefèbvre " ? L’Eglise, qui s’était réjouie en 2002 de la       réintégration réussie du groupe schismatique de Campos (Brésil), avait       espéré réintégrer progressivement en son sein la Fraternité St Pie       X : elle a dû renoncer en 2005, face au refus intransigeant d’une       Fraternité arc-boutée sur ses positions et ses haines. En obtenant       seulement l’abbé Laguérie et son clan, l’Eglise       vient de négocier pour un bien piètre lot de consolation. Se confirme ainsi, depuis l’infléchissement donné par       le nouveau pape et les courants traditionalistes qui le soutiennent, une       sorte de connivence objective entre l’Eglise et ces courants       intégristes : la volonté d’une Restauration de l’identité       catholique ; la prééminence d’une Eglise dite " experte en       humanité " et imprégnant davantage la société (ce qui va dans le       sens du rêve théocratique des intégristes) ; la critique d’un prétendu excès d’ouverture au monde       d’un concile Vatican II dont on souhaiterait une lecture minimaliste, et la critique du relativisme des croyances qu’il aurait       favorisé ; l’accent mis sur la crise de l’Eglise ; l’attachement       à la liturgie ancienne et à son ‘intériorité’, etc...Les points de       convergence sont nombreux, même si c’est à des degrés - et dans des       esprits - bien différents. L’affaire Laguérie       révèle d’abord, ou confirme, ce tournant de l’Eglise. Le pari semble bien risqué : Benoit       XVI pourrait espérer que la nouvelle structure mise en place       réussisse - beaucoup mieux que la Fraternité St Pierre lancée dans le       contexte explosif des excommunications de 1988 - à récupérer les       fidèles de Mgr Lefèbvre vivant mal leur       situation de schisme : le contexte est en effet différent, les       intégristes acceptant favorablement les signes de cette Restauration de l’Eglise,       qu’ils vivent comme une confirmation de leurs positions, et seraient       davantage attirés par une légitimation déculpabilisante. Le calcul est       risqué, car l’ampleur de ces éventuels mouvements de retour au bercail       est imprévisible. Surtout, pour tenter ce pari, l’Eglise semble avoir       cédé beaucoup : le présent compromis naît dans la confusion et le       mensonge : il n’est, pour en juger, que de lire le texte du décret       instituant, le 8 septembre, l’Institut du Bon Pasteur : affligeant tissu de contre-vérités, d’hypocrisie       cache-misère, de ‘jésuitisme’ : il prétend d’abord faire de       l’abbé Laguérie et de ses acolytes des       serviteurs de Mgr Ricard, répondant à un       besoin pastoral (" les fidèles attachés aux précédentes formes       liturgiques du rite romain manquent de pasteurs disponibles pour apporter       aux évêques une aide efficace... ") - alors qu’il n’y a aucun       manque - ; le texte présente ensuite ces " pasteurs "       comme apparus providentiellement pour aider l’archevêque ( !)       (" Récemment, dans l’archidiocèse de Bordeaux, est apparu un       groupe de quelques prêtres sous le patronage du Bon Pasteur...       ") ; le décret prétend aussi que Mgr       Ricard serait tout heureux de cette aide inattendue (" L’archevêque       lui-même, convaincu de la grande utilité de tels coopérateurs, reçoit       dans son diocèse cette communauté, en lui confiant l’église Saint       Eloi... ") : et voilà même, pour cette église St Eloi, Mgr       Ricard amené à donner ce qu’il a renoncé à reprendre,       malgré la réussite de l’action en Justice ! Qui espère-t-on       convaincre avec ces mensonges bien-pensants ? Un tel démarrage dans       l’ambiguïté - pour le moins - augure mal de la vérité des relations       et de la " pleine communion " recherchée par l’Eglise. Notons, au passage, cette sorte d’ironie de l’Histoire,       avec l’appellation de "Bon Pasteur " : l’abbé       Laguérie et ses acolytes sont connus pour leur prétention       auto-référente et sectaire à la Vérité, leur critique haineuse de l’Eglise,       leur mépris de tout autre hormis leur groupe, leur morgue suffisante et       prétentieuse, leur violence, verbale et en acte ; en acte       aussi : faut-il rappeler que c’est l’abbé       Laguérie qui, en 1993, alors curé de St Nicolas du Chardonnet,       prend l’initiative d’emmener un commando investir l’église St       Germain l’Auxerrois ; et qui doit s’en retirer, à son grand       regret, parce que désavoué par sa propre hiérarchie intégriste (qui le       suspend d’ailleurs momentanément) ? Faut-il rappeler que c’est l’abbé       Aulagnier (un autre " Bon Pasteur " du groupe des       cinq !) qui, en 1997, emmène un commando investir, plusieurs       dimanches, l’église de Chamblac dans l’Eure (effraction, messes       interrompues, violences envers les paroissiens, vol de registres       paroissiaux, etc...) ? Quant à parler de violence verbale à propos de ces       baroudeurs fiers de l’être, c’est comme faire un pléonasme :       elle leur est consubstantielle, l’intégrisme s’étant constitué sur       un ensemble de refus et de haines (des Lumières, de la démocratie depuis       la fin de l‘Ancien Régime, des droits de l’homme, de la laïcité, du       libéralisme, etc..., et donc, aussi, de l’Eglise de Vatican II) ;       Et Mgr Ricard lui-même évoque la "       violence " dont ont fait preuve ces ralliés, envers les diocèses,       " jusqu’à ces derniers mois " : " Bon Pasteur       " ? Qui çà ? Où ça ? Veut-on croire qu’ils ont       pu changer en profondeur ? Qu’ils le pourront ? Leurs       récentes déclarations ne permettent à quiconque de rêver longtemps... Pour faire la paix, il faut être deux à la vouloir       vraiment, sans arrière-pensées ; ne s’agit-il pas d’un accueil       à sens unique ? et de la ‘méthode Coué’ quand Mgr       Ricard, en son communiqué, affirme que ces ralliés ont "       souhaité " vivre "en pleine communion avec le siège de Rome       " ? L’abbé Laguérie gagne en       effet sur tous les tableaux : 1/ Il se venge de la Fraternité St Pie X qui l’a exclu,       et il n’aura de cesse de s’efforcer de la vider de sa substance, par       des débauchages, jusqu’à créer ‘sa’ Fraternité. 2/ Sans qu’il lui soit demandé de concession (pas de       reconnaissance de Vatican II, par exemple), il obtient un statut sur       mesure pour sa communauté bordelaise (3 des 5 prêtres sont à Bordeaux)       et ses amis. 3/ Il conserve, maintenant par décision papale, une       église St Eloi jusque là occupée illégalement. 4/ Il est autorisé, et c’est une première, à       célébrer " exclusivement " selon la liturgie traditionnelle de       St Pie V. 5/ Il acquiert le droit de continuer à être un aiguillon       de l’Eglise, un gardien du temple véhément - mais de l’intérieur       maintenant - pour la pousser vers ses conceptions de la Tradition :       affirmant sans rire que l’Eglise " a réalisé combien il était       nécessaire pour elle d’avoir affaire à nous ", il déclare ainsi       être autorisé à mettre en œuvre " une critique sérieuse et       constructive du Concile de Vatican II " ou encore : " Rome       nous a donné l’obligation statutaire de travailler à rendre l’authenticité       de la doctrine ", rien de moins... Son Institut est déclaré de droit pontifical, dépendant       directement de Rome : bénéficiant de la reconnaissance d’un pape       dont il tire sa légitimité nouvelle, l’abbé       Laguérie peut passer au-dessus des structures de l’Eglise       (refusant par exemple toute concertation, et bien sûr toute       concélébration), pour en poursuivre la critique constante : il       affirme ainsi, avec son aplomb et sa prétention ordinaires, vouloir       " soutenir Benoît XVI       et être missionnaire avec lui dans un monde et une Eglise       qui ont perdu le Nord " (sic) : l’abbé       Laguérie ou le nouveau Sauveur apportant la boussole ! La       critique se présente comme maintenant autorisée (aux deux sens du       terme : possible, et faisant autorité) : " il       nous est possible désormais de poser la question de la responsabilité       propre de l’Eglise dans la crise qu’elle traverse aujourd’hui       " (La Croix, 11/09) ; on peut lui faire confiance, avec cette       nouvelle autonomie, et restant incontrôlable, pour continuer à exercer       sa virulence, jugeant de tout et de tous, dans son rôle favori de       procureur intentant un procès permanent ; ayant toujours fait la       leçon aux papes, il continue de distribuer les bons points : ainsi,       après la page Jean-Paul II heureusement       tournée, voici enfin, en Benoît XVI,       " un nouveau pape qui a compris la tradition... ", mais qui peut       encore faire mieux... On peut se demander pourquoi une telle imprudence d’imposer       cette fausse réconciliation ; comme si Mgr       Ricard, qui participe pourtant à la Commission Ecclesia Dei, en       charge du dossier intégriste, avait laissé faire (ou pas pu s’opposer ?)       à cette création, et redoutait une telle décision : son       communiqué fait état d’une " convention " à venir entre le       diocèse et cet Institut, qui devra " préciser les modalités de       (sa) présence et de (sa) mission (...) et les conditions qui y seront       mises " ; il reconnaît la nécessité de " tout un travail       de pacification, de réconciliation et de communion (...) encore à faire       ", et évoque la " violence " encore récente des       comportements de ces intégristes envers l’Eglise diocésaine (il       affirmera plus tard que ces nouveaux ralliés " ne sont pas en pays       conquis " : comment mieux dire la méfiance envers ceux dont on       cherchera à se protéger ?) : curieux blanc-seing donné d’emblée,       avant que les conditions soient réunies, et alors même que tout ou       presque, aux dires de Mgr Ricard, "       reste à faire " ! ! Certes, si la " pleine communion " peut être       seulement espérée, et donnée comme un objectif à atteindre à terme,       encore faut-il des conditions suffisantes, une sincérité, un engagement       en vérité des deux partenaires. Comment avoir ainsi parié, sans ces conditions, sur les       intentions réelles des intégristes, la vérité de leur       "réconciliation " ? Charité chrétienne ?       Naïveté ? Volonté d’y croire malgré l’évidence ? On       constate qu’à peine " autorisé ", l’abbé       Laguérie, toujours conquérant et ‘roulant pour lui’,       annonce la poursuite de son action, les prochaines formations et       ordinations, en France et à l’Etranger : la logique est celle d’une       Eglise parallèle et concurrente qui visera son propre et exclusif       développement ; il répète son intention d’acheter des églises       désaffectées pour y créer des paroisses parallèles. Il prend appui et       prétexte sur le fait qu’une mission lui a été reconnue par le       décret : " ce nouvel Institut veut offrir aussi aux autres       évêques qui le désirent son service pastoral " ; on remarque       la même formulation mensongère, inversant la réalité : les       évêques n’ont rien demandé (on les comprend), l’abbé       Laguérie a juste obtenu la bénédiction officielle pour       développer ses activités. On souhaite ‘bien du plaisir’ aux archevêques de       Bordeaux, présents et futurs... Il aurait pourtant été facile d’éviter       cette situation : Mgr Ricard, qui s’était       très justement placé sur le terrain du Droit, avait porté l’affaire       en Justice, et, par des décisions judiciaires successives, avait eu, tout       naturellement, gain de cause. L’abbé Laguérie refusant       de partir, et se mettant désormais clairement hors la loi, l’Eglise       avait le pouvoir de faire exécuter ces décisions judiciaires par les       autorités de l’Etat ; mais, comme à St Nicolas du Chardonnet, son       renoncement, par un souci pastoral curieusement unilatéral, a pu       apparaître comme une faiblesse, et un encouragement donné au parti       adverse (d’ailleurs pour de possibles futures avancées) ; le       désordre que pouvait craindre Mgr Ricard à       cette occasion n’aurait pas été durable, ni à craindre ; les       intégristes auraient réintégré leur chapelle de " Notre Dame du       Bon Conseil ", rue de Lisleferme, chapelle jusque là fort       suffisante, parmi leurs autres lieux de culte en Gironde ; et la       mairie aurait dû prendre en charge, au moins pour partie, les travaux qu’elle       avait laissé entreprendre par l’association culturelle servant d’écran       aux intégristes. Au lieu de cela,       voilà une situation de tensions, de conflit potentiel, de malaise, de       découragement pour nombre de prêtres et de fidèles. Signe des       temps ? Tristes temps... | 
