15 septembre 2006

Intervention du Père Jean Rouet, vicaire général de l'archidiocèse de Bordeaux
15 septembre 2006 - mis en ligne par catholique-bordeaux.cef.fr
Quelques éléments de réflexions et de réactions sur la reconnaissance de l'Institut du Bon Pasteur et sa venue dans le diocèse de Bordeaux. Quelques rappels de l'histoire :
Au cours du Concile Vatican II, un certain nombre de cardinaux et d'évêques ont fait part de leurs difficultés à entrer dans les propositions votées par la grande majorité des membres du Concile. Mgr Lefebvre a cristallisé ce positionnement et a été suivi par un certain nombre de prêtres et de fidèles. Malgré tous les efforts menés par Paul VI et Jean-Paul II, les négociations de 1988 conduites par le Cardinal Ratzinger et Mgr Bertone n'ont pu aboutir : Mgr Lefebvre a ordonné quatre évêques sans l'autorisation du Saint Siège. Fondée depuis 1970, la fraternité Saint Pie X développera ses activités pour faire reconnaître ses positions. De manière plus particulière, en France en 1977, Mgr Ducaud-Bourget prenait de force l'église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris. M. l'abbé Laguerrie lui succédait quelques temps après. Plus tard, n'ayant pas l'autorisation de ses supérieurs de mener d'autres actions de ce genre en région parisienne, il décida de continuer à mener son "combat" dans la région de Bordeaux où la fraternité avait trois implantations : Vérac – rue Lisleferme à Bordeaux – Bruges.
En 2001, dès le décès du Cardinal Eyt, sous le couvert de l'association des "Amis de Saint Eloi", l'abbé Laguérie se fait attribuer l'église de manière illégale par le Maire de Bordeaux (L’illégalité ayant été reconnue à deux reprises par les tribunaux français). Ce lieu a servi de tribune à M. l'abbé Laguérie pour dire tout le mal qu'il pensait de l'Eglise Catholique et du Diocèse de Bordeaux. Dernièrement encore, lors de l'homélie du 10 septembre 2006, en termes méprisants il dénonçait la pastorale des trente dernières années.
Le décret n° 118-2006 de la Commission Pontificale Ecclésia Dei, reconnaissant l'Institut du Bon Pasteur comme une société de vie apostolique, contient un certain nombre d'affirmations sur l'accord présumé du Cardinal Jean-Pierre Ricard. Ces affirmations relèvent de la désinformation.
Sur quoi portent les difficultés ?
Dès le début , elles touchent aux questions liturgiques, à la manière dont l'Eglise se comprend dans la foi (Lumen Gentium et Gaudium et spes). Les relations avec les autres chrétiens, les relations avec les hommes d'autres religions, le rapport au monde soulèvent des débats passionnés. Les questions liées à la liberté de conscience vont être un des grands lieux où le débat se cristallisera.
Il est à noter, qu'un certain nombre d'expressions, que de nombreuses pratiques, laissent entrevoir que les enjeux sont autant politiques que théologiques. L'expression "messe de toujours" pour un missel en vigueur jusqu’en 1962 est une supercherie historique. La manière dont M. l'abbé Laguérie instrumentalise ou se laisse instrumentaliser par les partis et les hommes politiques montre à l'évidence qu'il va puiser sa réflexion dans les penseurs de l'Action Française condamnés avec vigueur par le Pape Pie XI.
Comment accueillir cet acte voulu par le Pape Benoît XVI ?
Dans la foi et la vérité.
C'est être fidèle à la réflexion proposée par le Pape Jean-Paul II et le Pape Benoît XVI depuis l'encyclique" La Splendeur de la Vérité", que de rechercher des relations fraternelles entre disciples du Christ. La fraternité en Christ suppose la bienveillance à priori de part et d'autre et la vérité dans ce qui est dit et échangé. Toute réconciliation qui se ferait en dehors de cette exigence fondamentale de l'Evangile ("Celui qui fait la vérité vient dans la lumière") ne ferait que reporter à plus tard de nouvelles difficultés qui déchirerait à nouveau le tissu ecclésial. Il s'agit donc, ici, d'un enjeu missionnaire majeur : nos divisions sont un scandale, le Christ nous rappelle sans cesse que nous devons être "un pour que le monde croie". Cela exige une conversion de toutes les parties : le mot de "non-concession" abondamment employé par les membres de l'Institut du Bon Pasteur, méconnaît totalement cette réalité commune à tous les disciples du Christ :. "Si ton frère te demande 1000 pas, fais-en 2000".
Il n'y a aucune difficulté à reconnaître la beauté de ce que la liturgie a pu produire jusqu'en 1962, il n'y a pas plus de difficulté à reconnaître le travail de l'Esprit dans un Concile depuis 1962 et les fruits qu'il a apportés dans la vie liturgique, la vie et l'action missionnaire de l'Eglise.
Si, comme certains l'affirment, faculté est accordée à cet Institut d'une critique des documents conciliaires, faculté est donc donnée à tous les membres du peuple de Dieu de critiquer les documents du Magistère et en particulier ceux des congrégations romaines pour aider " l'Eglise Catholique" à bien penser. Si cela est vrai, nous assistons à une véritable révolution qui ne s'inscrit d'aucune manière dans la tradition de l'Eglise.
Entrer dans l'obéissance de la foi des textes du Magistère est une attitude bien plus traditionnelle que de s'ériger en dénonciateur de ses frères. Cette obéissance n'est pas servile, elle est libre selon l'Esprit mais elle suppose qu'en dernier ressort c'est celui ou celle qui a reçu l'autorité légitime qui emporte l'adhésion. La règle de la recherche du consensus est la pratique séculaire des chrétiens.
Les membres de l'Institut du Bon Pasteur sont mes frères en Christ. Comme tous mes frères, je ne les ai pas choisis, ils me sont donnés par Dieu. Il s'agit de les aimer en vérité, et de permettre que cet Institut comme tous les Instituts présents dans notre Eglise diocésaine, soit, en dehors de leurs œuvres propres, au service de la mission conduite par le Cardinal Jean-Pierre Ricard.
Pourquoi souffrent de nombreux catholiques à cause de ces évènements ?
L'accueil nécessaire de ces prêtres se fait sans que, à aucun moment ces derniers mois, le Saint Siège n'ait relevé dans les écrits et les paroles de ces hommes ce qui est en distorsion avec une juste appréciation, affirmée par les papes et les évêques du monde entier sur les orientations voulues par le Concile Vatican II. On a l'impression que des paroles de bienveillance sont immédiatement instrumentalisées, sans que des accords précis, des conventions nécessaires, des actes légaux auxquels l'Eglise oblige habituellement, ne soient élaborés.
C'est le soupçon sur l'engagement de la majorité des catholiques de notre diocèse, prêtres, diacres, religieux, religieuses et laïcs qui domine puisque d'aucune façon les violences n'ont été reconnues d'une quelconque façon.
Je souhaite que dans les semaines qui viennent notre Archevêque auquel je renouvelle ma totale confiance et le service de ma liberté de conseil soit reçu personnellement par le Saint Père lui-même afin de lui faire part de ce que l’Eglise catholique de Bordeaux vit à l’occasion de ces événements.
L'engagement pour le Christ, indissociable de l'Amour de l'Eglise, requiert de chacun de nous humilité dans les relations, audace pour la mission et courage de la vérité.
Intervention du Père Jean ROUET
Vicaire général
15 septembre 2006