La main tendue aux intégristes inquiète |
13 septembre 2006 - La Croix - la-croix.com |
La main tendue aux intégristes inquiète La réaction se fait vive au sein du presbytérium du diocèse de Bordeaux après la reconnaissance officielle d’une communauté intégriste L’annonce soudaine de la création d’un institut appelé « du Bon-Pasteur », dont le supérieur n’est autre qu’un ancien disciple du schismatique Mgr Lefebvre, l’abbé Philippe Laguérie, figure marquante du courant intégriste, a suscité une émotion mal contenue parmi les prêtres de Bordeaux. De fait, cet institut – dont les statuts sont à l’essai pour cinq ans – est reconnu de droit pontifical. Aussi, les prêtres qui n’ont cessé, eux, de mettre en pratique les orientations de Vatican II apparaissent-ils désappointés. Sur une terrasse de café de la place des Quinconces où s’échangent les informations qui font la trame de la vie bordelaise, l’un d’eux, le P. Francis Aylies, 44 ans, a décidé de dire ce qu’il a sur le cœur. Il est d’autant plus sensible à la nouvelle qu’il avoue être un ancien traditionaliste, mais depuis longtemps « converti » au bien-fondé du Concile : « Bien sûr qu’on a envie de la réconciliation ! Mais, enfin, je me suis inscrit dans une dynamique qui prend en compte le rapport au monde et la coresponsabilité des laïcs. Aujourd’hui, c’est ma vie, je ne peux voir cela être mis à mal ! » ![]() "Il faudrait, au moins, leur donner un autre lieu de culte" ![]() C’est bien là que le bât blesse : au nom de l’unité, une main vient d’être tendue à une fraction de lefebvristes qui, certes, se trouvaient de leur côté en rupture de ban avec leur instance intégriste. Mais ce geste qui vient de Rome – car c’est un souci de Benoît XVI que de recréer les conditions d’un rapprochement – crée ici une ambiguïté et de l’inquiétude. Au point que le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque du lieu et président de la Conférence épiscopale, a convoqué une réunion exceptionnelle du conseil presbytéral diocésain vendredi pour discuter librement de l’affaire. ![]() Des bruits étranges circulent parmi le clergé ![]() Au-delà de ces remous de circonstance, se posent des questions de fond sur lesquelles le P. Jacques Faucher, 53 ans, délégué diocésain pour la santé et lui-même médecin, s’interroge : « À se montrer trop sensible vis-à-vis de ces courants qui expriment une certaine peur du monde dans lequel on vit, on risque de ne pas l’être assez à l’égard des autres. » Et de souligner l’intérêt qu’il trouve à participer aux multiples groupes de réflexion, notamment dans le cadre de l’« Espace bioéthique aquitain », lequel favorise des rencontres avec, par exemple, l’islam et le judaïsme : « Un passionnant lieu de débats, tout à fait contraire au repli et au risque de ghettoïsation de l’Église à laquelle j’appartiens. » ![]() "Ces personnes sont allées loin dans l’auto-exclusion" ![]() Autant de questions brûlantes ô combien éloignées des sujets de préoccupation soulevés par l’institut de l’abbé Laguérie. À propos de cette nouvelle communauté, le P. Bruno Delmas, 35 ans, prêtre coopérateur en centre-ville, rappelle que « ces personnes sont allées loin dans l’auto-exclusion et la désobéissance ». Se montrant prudent dans l’appréciation de l’événement, il estime cependant qu’« il est beau que l’Église montre cette soif de communion et de réconciliation ». Mais quand ils entendent l’abbé Laguérie annoncer : « Rome nous a donné l’obligation statutaire de travailler à rendre l’authenticité de la doctrine », les prêtres bordelais doutent qu’il veuille, lui, se rapprocher de l’Église qui l’accueille. Louis de COURCY, à Bordeaux « Saint-Éloi, un prototype de ce que nous allons faire en France » ![]() |