3 février 2009





Les dessous de l’écran
3 février 2009 - Nicolas Senèze - la-croix.com
Sans doute la décision de Benoît XVI de lever l’excommunication des quatre évêques intégristes serait-elle passée inaperçue (du moins hors du public catholique) sans les déclarations négationnistes de Mgr Williamson.
Au point que certains s’interrogent. L’évêque, tenant d’une ligne dure au sein de la Fraternité Saint-Pie-X, aurait-il fait exprès de tenir ces propos quelques jours seulement avant la levée de l’excommunication, histoire de faire échouer le processus ? À moins, au contraire, qu’il ne s’agisse d’un « complot » pour discréditer Benoît XVI en « ressortant », au moment de la levée de l’excommunication, des propos datant de novembre dernier…
Qu’en est-il exactement ? Ayant été moi-même interviewé dans l’émission à l’origine du scandale, j’ai quelques éléments de réponse.
C’est en septembre dernier que je suis contacté par des journalistes d’« Uppdrag Granskning » (Mission Investigation), une émission de la chaîne publique suédoise SVT, un peu équivalente à « Complément d’enquête » sur France 2. Ils préparent une émission sur la Fraternité Saint-Pie-X, très active en Suède. Ayant eu vent de mon livre, ils souhaitent m’interroger : rendez-vous est pris le 2 novembre, devant Saint-Nicolas-du-Chardonnet, pour une interview.
Au cours de cet entretien, les journalistes me racontent qu’ils reviennent tout juste d’Allemagne où, la veille, ils ont interrogé Mgr Williamson (il célèbrait ce week-end là des ordinations sacerdotales au séminaire de la Fraternité à Zaitzkofen). Difficile dès lors d’imaginer l’évêque intégriste proférer ces propos en prévoyant que leur diffusion – presque trois mois plus tard – feront échouer les discussions entre Rome et la Fraternité. Trois heures avant la diffusion de l’émission, son avocat contactera d’ailleurs la chaîne pour tenter de faire déprogrammer l’émission, tandis que Mgr Fellay enverra un fax se désolidarisant totalement des propos de Mgr Williamson.
La télévision suédoise aurait-elle alors diffusé ces propos exprès pour gêner Benoît XVI ?
Là encore, l’argument tient difficilement. Au moment de l’enregistrement de mon interview, mes interlocuteurs suédois m’expliquent que le documentaire est programmé pour fin janvier (ce genre d’émission nécessite en effet un long travail de montage). Effectivement, le 16 janvier, le site Internet de la chaîne SVT met en ligne une bande-annonce de l’émission prévue pour le 21.
Ce même 21 janvier, le cardinal Re signe le décret de levée des excommunications. Très peu de gens sont au courant : les premières rumeurs n’apparaîtront sur Internet qu’en milieu de journée et notre correspondante à Rome, Isabelle de Gaulmyn, en aura confirmation dans l’après-midi par ses sources vaticanes.
Le lendemain, deux journaux italiens publient l’information tandis que les agences de presse présentes au Vatican sont mises au courant par leurs bureaux suédois des propos de Mgr Williamson diffusés la veille. Impossible pour elles de ne pas rapprocher les deux informations. La polémique était lancée.
Nicolas Senèze