La levée de l'excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie-X soulève la question de leur réintégration dans l'Eglise. Décryptage.
Les évêques de la Fraternité Saint-Pie-X (FSSPX) sont-ils réintégrés ? Quels gestes leur faudra-t-il accomplir pour revenir à la communion avec Rome ? Nous avons posé ces questions à des spécialistes en droit canon pour comprendre ce qui attend les lefebvristes et l’Église catholique. En quoi consiste une excommunication ? C’est une sanction juridique par laquelle le baptisé, qui a commis sciemment un délit, est interdit de recevoir les sacrements, et, pour les prêtres, de célébrer les sacrements et d’exercer leur charge. Son but est de conduire au repentir. D’un point de vue canonique, cela n’a rien à voir
avec les divorcés remariés, qui ne peuvent pas communier, mais contre lesquels aucune peine n’est prononcée. Pourquoi le pape a-t-il levé les excommunications ? Benoît XVI a considéré que la lettre que lui a adressée Bernard Fellay, le supérieur de la FSSPX, exprimait le repentir des évêques et leur désir de réconciliation, en affirmant leur obéissance au pape et leur reconnaissance des enseignements de l’Église. Toutefois, dans une lettre à la Fraternité, Bernard Fellay assurait avoir écrit au pape : « Nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican II au sujet duquel nous émettons des réserves. » Un point capital dont Rome n’a pas fait état et qui maintient l’ambiguïté sur l’attitude des évêques. Les évêques sont-ils réintégrés dans l’Église? Non. Ils sont bien évêques et bénéficient de la succession apostolique puisqu’ils ont été consacrés par des évêques catholiques. Mais, pour l’instant, ils n’ont pas de statut juridique et ne peuvent pas exercer de responsabilités tant que ne sera pas levée la suspense a divinis qui les frappe, c’est-à-dire l’interdiction de célébrer les sacrements. Les experts divergent sur la possibilité pour eux d’accéder dès maintenant à la table eucharistique. Que devront-ils faire pour être réintégrés ? Les évêques devront prononcer la profession de foi dite par tout évêque lors de sa consécration, reconnaître l’autorité du pape, admettre Vatican II, faire acte de communion au Collège des évêques (encore un point que les lefebvristes contestent). Alors seulement, ils feraient partie de l’Église. Et recevraient une titulature, c’est-à-dire qu’ils seraient « évêques de » quelque part comme le veut la Tradition catholique, même s’ils étaient regroupés dans une prélature personnelle (non territoriale et directement sous l’autorité de Rome). Le sort de Williamson ne serait pas réglé pour autant : ses propos négationnistes qui relèvent du « scandale » (canoniquement, un acte qui trouble l’ordre, la conscience des fidèles ou incite à pécher) constituent un délit aux yeux de l’Église et sont incompatibles avec la mission d’unité de tout évêque catholique. Qu’en est-il des prêtres et des fidèles de la FSSPX ? Le décret d’excommunication de 1988 ne concerne que les évêques. Mais, d’après les textes romains, tous ceux qui adhèrent au schisme encourent l’excommunication. Concrètement, il y a adhésion dès lors que le fidèle ou le prêtre partage « librement et consciemment l’essentiel du schisme », que son option pour la Fraternité « prend le pas sur l’obéissance au pape » et qu’il participe de façon « exclusive aux fonctions ecclésiastiques » de la FSSPX. D’un point de vue canonique, prêtres et fidèles sont donc excommuniés de fait, mais sans déclaration publique, contrairement aux évêques qui avaient fait l’objet d’un décret. Les effets de l’excommunication ne sont donc pas formalisés. Les prêtres, cependant, sont, tout comme les évêques, suspendus a divinis, interdits de célébrer les sacrements, et ne peuvent pas exercer de juridiction tant qu’ils n’auront pas récité de profession de foi devant témoin pour revenir dans l’Église catholique. |