SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 16 juillet 2012
«Ce n'est pas nous qui romprons avec Rome», a déclaré lundi le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X sur son site Web.Entre Écône et Rome, le dialogue est difficile mais il continue. Les rumeurs colportées dimanche assurant que les lefebvristes s'apprêtaient à dire un non définitif à Rome ont été démenties, lundi, par Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X. Dans une interview accordée à son site officiel Dici, il affirme: «Ce n'est pas nous qui romprons avec Rome, la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité. Pour autant il serait irréaliste de nier l'influence moderniste et libérale qui s'exerce dans l'Église depuis le concile Vatican II et les réformes qui en sont issues. En un mot, nous gardons la foi dans la primauté du Pontife romain et dans l'Église fondée sur Pierre, mais nous refusons tout ce qui contribue à l'“autodestruction de l'Église”, reconnue par Paul VI lui-même, dès 1968.»
Il ajoute: «Nous sommes catholiques,
nous reconnaissons le pape et les évêques (…). Loin de nous l'idée de
constituer une Église parallèle, exerçant un magistère parallèle!» ou de
«nous substituer à l'Église catholique, apostolique et romaine».
Trois contradictions à concilier
Rendant
compte du chapitre général qui s'est terminé samedi à Écône, en Suisse,
et où il a été essentiellement question des relations avec Rome,
Mgr Fellay a donc précisé: «Nous ferons très prochainement parvenir à
Rome la position du Chapitre qui nous a donné l'occasion de préciser
notre feuille de route en insistant sur la conservation de notre
identité, seul moyen efficace pour aider l'Église à restaurer la
Chrétienté.» Autant dire, emprunter une voie étroite comme il le
reconnaît lui-même. Car cette ligne doit concilier trois contradictions.
Le
premier tient aux fidèles de la Fraternité. Ils sont divisés quant à
l'opportunité d'un retour à Rome. Le cas le plus emblématique est celui
de Mgr Richard Williamson et ses thèses négationnistes. Il a été exclu
du chapitre mais pas de la Fraternité. «Nous nous séparons avec force de
tous ceux qui ont voulu profiter de la situation pour semer la zizanie,
en opposant les membres de la Fraternité les uns aux autres. Cet
esprit-là ne vient pas de Dieu», a commenté, lundi, Mgr Fellay.
Dans
le même registre interne, le supérieur a assuré que ce chapitre fut
l'occasion de mettre les choses au point. «Toutes les ambiguïtés ont été
levées chez nous», estime-t-il: «Au sujet de Rome, nous sommes vraiment
allés au fond des choses, et tous les capitulants(les participants à
cette réunion, NDLR) ont pu prendre connaissance du dossier complet.
Rien n'a été mis de côté, il n'y a pas de tabou entre nous. Je me devais
d'exposer précisément l'ensemble des documents échangés avec le
Vatican, ce qui avait été rendu difficile par le climat délétère de ces
derniers mois. Cet exposé a permis une discussion franche qui a éclairé
les doutes et dissipé les incompréhensions. Cela a favorisé la paix et
l'unité des cœurs.»
Seconde difficulté, la nomination, à Rome, par Benoît XVI,
d'un nouvel interlocuteur, peu favorable à la Fraternité Saint-Pie X en
la personne de Mgr Ludwig Müller, dorénavant préfet de la Congrégation
pour la doctrine de la foi. Cet Allemand, ancien archevêque de
Ratisbonne, «ne nous apprécie pas», reconnaît Mgr Fellay. «Il nous
traitait comme des parias! C'est lui qui déclarait alors que notre
séminaire devrait être fermé», estimant que les quatre évêques de la
Fraternité Saint-Pie X devaient «tous démissionner».
Dernière
difficulté, la «vocation», pourrait-on dire, de la Fraternité Saint-Pie
X, dans l'Église catholique. S'inscrivant dans la filiation de
Mgr Lefebvre, fondateur, Mgr Fellay affirme: «Nous ne pouvons garder le
silence devant la perte de la foi généralisée, ni devant la chute
vertigineuse des vocations et de la pratique religieuse. Nous ne pouvons
nous taire devant l'“apostasie silencieuse” et ses causes. Car le
mutisme doctrinal n'est pas la réponse à cette “apostasie silencieuse”
que même Jean-Paul II constatait, en 2003.»