SOURCE - Abbé Étienne de Blois, fsspx - Le Petit Eudiste - juin 2017
L’Église est une société surnaturelle. Comme toutes les sociétés, l’Église est visible par sa hiérarchie. Donc ceux qui ne se soumettent pas à cette hiérarchie, tels les fidèles de la Tradition, sont en dehors de l’Église. »
L’Église est une société surnaturelle. Comme toutes les sociétés, l’Église est visible par sa hiérarchie. Donc ceux qui ne se soumettent pas à cette hiérarchie, tels les fidèles de la Tradition, sont en dehors de l’Église. »
M. l’abbé Gleize, dans le Courrier de Rome de mai 2017, qualifie ce raisonnement de simpliste et fournit les distinctions nécessaires pour y répondre. Cet article du professeur d’Écône est très précis. Sans doute un peu trop pour un fidèle qui ne possède pas tout le vocabulaire théologique. Nous voudrions monnayer ces considérations si lumineuses, pour en faire profiter tout un chacun.
Le nœud du problème
Le nœud de la question réside dans la compréhension de la visibilité de l’Église (§ 5.).
« On peut entendre l’Église en trois sens différents…» (Attention, ce sont trois aspects d’une même chose.)
1. En tant qu’elle est une société comme une autre, elle est visible par sa hiérarchie. C’est l’Église officielle.
2. En tant qu’elle est l’unique société d’ordre surnaturel, elle est un mystère surnaturel, objet de foi et invisible.
3. En tant qu’elle est pourvue de ses quatre notes (une, sainte, catholique et apostolique), motif de crédibilité parce que miracle moral, elle est visible.
Le troisième sens, l'Eglise visible par ses notes
Les quatre notes sont visibles : la continuité de l’Église, sa continuité hiérarchique, sa continuité doctrinale, la sainteté de sa doctrine, illustrée par tant de saints, etc. sont des faits concrets, tangibles, visibles.
Elles se résument d’ailleurs en un mot : Tradition. L’unité de l’Église est d’abord sa continuité temporelle, c’est-à-dire très précisément la Tradition, qui prend sa source dans l’apostolicité. L’universalité de la doctrine de l’Église, sa catholicité, vient de ce qu’elle est la transmission d’une doctrine divine. La sainteté de l’Église est d’abord la sainteté de sa doctrine, sainte parce que reçue de Notre-Seigneur et transmise fidèlement.
Ces quatre notes sont des motifs de crédibilité : elles sont visibles et garantissent l’invisible. Prenons l’exemple d’un professeur. L’élève n’a pas vu son professeur être reçu à un concours, mais l’élève voit des signes qui manifestent cet invisible : le professeur a été présenté par l’école, il donne des cours brillants, il peut présenter un papier qui authentifie son diplôme…
Les notes de l’Église ne sont pas seulement des preuves extérieures, mais des manifestations visibles de la nature surnaturelle invisible de l’Église, c’est-à-dire du deuxième sens du mot Église. Elles rendent visible le fait que l’Église est surnaturelle, c’est-à-dire ce qui fait que l’Église n’est pas une société comme les autres, ce qui la distingue, ce qui lui donne sa nature et sa dé- finition complète, ce qu’on appelle le formel. L’Église (2ème sens) est formellement visible par ses notes (3ème sens), qui sont donc formellement l’Église visible.
Le premier sens, l'Eglise visible par sa hiérarchie
La hiérarchie de l’Église (1er sens) rend visible le fait que l’Église… est une société, comme un état ou une famille.
Mais que l’Église soit une société ne rend pas visible qu’elle soit surnaturelle.
Qu’elle soit une société ne fait pas qu’elle nous sauve. Qu’elle soit une société n’est que le sujet du surnaturel.
On dit que c’est l’aspect matériel. L’Église officielle est visible, mais dans un sens purement matériel.
Matière et forme
Expliquons ici le sens des mots matériel et formel.
Si je prends une statue de saint Thomas en marbre, je remarque que ce qui lui donne sa nature finale, son sens, son rôle aussi, c’est-à-dire ce qui donne à cette statue de représenter saint Thomas, c’est sa forme. Le marbre pourrait être du plâtre, ça resterait une statue de saint Thomas. La matière qui la compose, le marbre, n’en fait pas une statue de saint Thomas. Le formel d’une chose, est donc ce qui la constitue dans sa nature et dans sa finalité, tandis que la matière n’a pour rôle que de recevoir cette forme. Un autre exemple, utile par la suite, c’est celui de l’homme. L’homme, comme l’animal, a un corps. C’est sa matière. Mais ce qui distingue l’homme de l’animal en lui donnant d’être rationnel et de pouvoir remplir son rôle rationnel, c’est son âme spirituelle, qui est sa forme.
Si nous avons compris que le formel détermine la nature et la finalité d’une chose, il est bien évident que le formel est plus important que le matériel.
Ainsi, lorsqu’on dit « l’Église est une société surnaturelle », « société » est comme une matière, et « surnaturelle » comme une forme. L’Église nous sauve non parce qu’elle est une société, même si cela y participe, mais parce qu’elle est surnaturelle.
Tandis que la hiérarchie de l’Église, l’Église officielle, n’est que la visibilité matérielle de l’Église, rendant visible uniquement l’aspect matériel, le fait qu’elle soit une société comme les autres. Les membres de l’Église officielle, s’ils sont toujours visibles matériellement, n’exercent pas nécessairement leur autorité selon les quatre notes. Dans la mesure où ils abandonnent la Tradition, ils ne rendent pas visible l’Église catholique, et ils ne sont pas l’Église visible au sens formel et vrai. Il est alors nécessaire de se détacher d’eux, de quitter la visibilité matérielle, pour rester attaché aux notes et à la Tradition, pour rester membre de l’Église visible au sens formel.
Normalement les deux visibilités sont réunies. À notre époque, et c’est un mystère, l’Église officielle, en promouvant le concile Vatican II, se détache par là- même des quatre notes. Que choisir? Mgr Lefebvre nous répond : « Je vous demande où sont les véritables marques de l’Église? Sont-elles davantage dans l’Église officielle ou chez nous, en ce que nous représentons, ce que nous sommes ? Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui a disparu de l’Église officielle. »
Par sa mort sur la croix, l’âme du Seigneur Jésus s’est séparée de son corps, alors que son corps comme son âme restaient divins par l’union à la personne du Verbe.
Quel mystère douloureux pour Marie et pour les apôtres ! Comment le Seigneur Jésus, maître du ciel et de la terre, pouvait-il subir la mort ? Comment croire que cette âme et ce corps si piteusement maltraités et vaincus en apparence, puissent être l’âme et le corps de Dieu ? Devant ce scandale les apôtres ont chancelé, ils ont fui, ils ont douté dans leur foi. Marie, seule, resta fidèlement debout au pied de la Croix. Quel mystère pour nous, fidèles du XXe siècle, que la séparation de la hiérarchie et de la Tradition ! Le corps (principe matériel) de la visibilité de l’Église se séparant de l’âme (principe formel) de cette visibilité ! Comment la hiérarchie peut-elle encore être l’Église catholique et divine alors qu’elle s’est arrachée du principe vital qu’est la Tradition ? Ou comment des catholiques peuvent-ils prétendre être fidèles à Dieu en s’accrochant à une Tradition qui condamne la hiérarchie ? Comme Marie, nous devons garder la foi et tenir que les deux sont l’Église. Mais garder la foi nous oblige à un choix, le choix crucifiant de s’éloigner de la hiérarchie, de la visibilité corporelle de l’Église, afin de rester attachés au principe vital de la foi, la Tradition.
Si je prends une statue de saint Thomas en marbre, je remarque que ce qui lui donne sa nature finale, son sens, son rôle aussi, c’est-à-dire ce qui donne à cette statue de représenter saint Thomas, c’est sa forme. Le marbre pourrait être du plâtre, ça resterait une statue de saint Thomas. La matière qui la compose, le marbre, n’en fait pas une statue de saint Thomas. Le formel d’une chose, est donc ce qui la constitue dans sa nature et dans sa finalité, tandis que la matière n’a pour rôle que de recevoir cette forme. Un autre exemple, utile par la suite, c’est celui de l’homme. L’homme, comme l’animal, a un corps. C’est sa matière. Mais ce qui distingue l’homme de l’animal en lui donnant d’être rationnel et de pouvoir remplir son rôle rationnel, c’est son âme spirituelle, qui est sa forme.
Si nous avons compris que le formel détermine la nature et la finalité d’une chose, il est bien évident que le formel est plus important que le matériel.
Ainsi, lorsqu’on dit « l’Église est une société surnaturelle », « société » est comme une matière, et « surnaturelle » comme une forme. L’Église nous sauve non parce qu’elle est une société, même si cela y participe, mais parce qu’elle est surnaturelle.
Visibilité formelle et visibilité matérielle de l'EgliseNous comprenons maintenant ces mots techniques appliqués à la visibilité de l’Église. Ce qui distingue l’Église des autres sociétés, est sa surnaturalité. Sa surnaturalité est donc le formel de l’Église-société, et ses notes qui rendent visible cette surnaturalité sont la visibilité formelle de l’Église-société. Les notes étant la manifestation de la surnaturalité de l’Église, partout où les notes sont visibles, là est l’Église catholique. On peut toujours dire et en toute rigueur : « L’Église visible par ses notes, la Tradition, est l’Église catholique ».
Tandis que la hiérarchie de l’Église, l’Église officielle, n’est que la visibilité matérielle de l’Église, rendant visible uniquement l’aspect matériel, le fait qu’elle soit une société comme les autres. Les membres de l’Église officielle, s’ils sont toujours visibles matériellement, n’exercent pas nécessairement leur autorité selon les quatre notes. Dans la mesure où ils abandonnent la Tradition, ils ne rendent pas visible l’Église catholique, et ils ne sont pas l’Église visible au sens formel et vrai. Il est alors nécessaire de se détacher d’eux, de quitter la visibilité matérielle, pour rester attaché aux notes et à la Tradition, pour rester membre de l’Église visible au sens formel.
Normalement les deux visibilités sont réunies. À notre époque, et c’est un mystère, l’Église officielle, en promouvant le concile Vatican II, se détache par là- même des quatre notes. Que choisir? Mgr Lefebvre nous répond : « Je vous demande où sont les véritables marques de l’Église? Sont-elles davantage dans l’Église officielle ou chez nous, en ce que nous représentons, ce que nous sommes ? Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui a disparu de l’Église officielle. »
Passion de l'Eglise et passion du ChristCes précises considérations de M. l’abbé Gleize peuvent être mises en parallèle avec une expressionclé du combat de la foi, transmise par Mgr Lefebvre : la crise actuelle est « la passion de l’Église ». Il est juste que le corps mystique du Christ, la sainte Église, partage les mêmes tribulations que celles de son Chef.
Par sa mort sur la croix, l’âme du Seigneur Jésus s’est séparée de son corps, alors que son corps comme son âme restaient divins par l’union à la personne du Verbe.
Quel mystère douloureux pour Marie et pour les apôtres ! Comment le Seigneur Jésus, maître du ciel et de la terre, pouvait-il subir la mort ? Comment croire que cette âme et ce corps si piteusement maltraités et vaincus en apparence, puissent être l’âme et le corps de Dieu ? Devant ce scandale les apôtres ont chancelé, ils ont fui, ils ont douté dans leur foi. Marie, seule, resta fidèlement debout au pied de la Croix. Quel mystère pour nous, fidèles du XXe siècle, que la séparation de la hiérarchie et de la Tradition ! Le corps (principe matériel) de la visibilité de l’Église se séparant de l’âme (principe formel) de cette visibilité ! Comment la hiérarchie peut-elle encore être l’Église catholique et divine alors qu’elle s’est arrachée du principe vital qu’est la Tradition ? Ou comment des catholiques peuvent-ils prétendre être fidèles à Dieu en s’accrochant à une Tradition qui condamne la hiérarchie ? Comme Marie, nous devons garder la foi et tenir que les deux sont l’Église. Mais garder la foi nous oblige à un choix, le choix crucifiant de s’éloigner de la hiérarchie, de la visibilité corporelle de l’Église, afin de rester attachés au principe vital de la foi, la Tradition.