SOURCE - Abbé Raphaël d'Abbadie, fsspx - Le Petit Eudiste - juin 2017
«Pas d'accord pratique sans accord doctrinal préalable» avait-on affirmé dans la Fraternité en 2006, avant d'abandonner cette exigence quelques années plus tard au profit d'une reconnaissance de la Tradition telle qu'elle est de la part des autorités conciliaires. Mais Rome, à sa manière, nous impose un retour à la question de fond puisque Mgr Guido Pozzo vient de déclarer que la réconciliation se fera lorsque Mgr Bernard Fellay adhérera formellement à «la déclaration doctrinale» que lui a présentée le Saint-Siège. Rome veut donc une entente doctrinale avant de procéder à une régularisation canonique. Mais l'expression «entente doctrinale» recèle une ambiguïté. Elle peut s'entendre en effet en deux sens. Dans un premier sens, le but poursuivi est que la Tradition retrouve tous ses droits à Rome, et que le SaintSiège corrige les erreurs de fond qui sont à la source de la crise dans l’Église. Ce but n'est autre que le bien commun de toute l’Église. Aussi Rome doit-elle s'entendre non pas avec la Fraternité saint Pie X, mais avec la doctrine de toujours. Voilà ce que nous entendions en 2006 par un accord doctrinal préalable à un accord pratique. Dans un second sens, le but poursuivi serait la reconnaissance de la Fraternité, tout simplement, son bien particulier apparent, par l'accord préalable sur une formulation doctrinale commune, acceptable par les deux parties, exempte d'erreurs - nous pouvons le supposer - mais laissant dans l'ombre celles qui ravagent l’Église depuis cinquante ans. Rome entend l'accord doctrinal dans ce sens de pur moyen, et envisage une communion fondée sur le plus petit dénominateur commun. Les sectes protestantes traitent entre elles de cette manière depuis bientôt cinq siècles. Le Vatican traite de cette manière avec les sectes protestantes depuis le Concile, témoin l'Accord luthéro-catholique sur la justification, en 1999. «Jusqu'ici - nous dit M. l'abbé Gleize - les héritiers de Mgr Lefebvre, se sont fait au contraire un devoir d'envisager les choses du premier point de vue.»
«Pas d'accord pratique sans accord doctrinal préalable» avait-on affirmé dans la Fraternité en 2006, avant d'abandonner cette exigence quelques années plus tard au profit d'une reconnaissance de la Tradition telle qu'elle est de la part des autorités conciliaires. Mais Rome, à sa manière, nous impose un retour à la question de fond puisque Mgr Guido Pozzo vient de déclarer que la réconciliation se fera lorsque Mgr Bernard Fellay adhérera formellement à «la déclaration doctrinale» que lui a présentée le Saint-Siège. Rome veut donc une entente doctrinale avant de procéder à une régularisation canonique. Mais l'expression «entente doctrinale» recèle une ambiguïté. Elle peut s'entendre en effet en deux sens. Dans un premier sens, le but poursuivi est que la Tradition retrouve tous ses droits à Rome, et que le SaintSiège corrige les erreurs de fond qui sont à la source de la crise dans l’Église. Ce but n'est autre que le bien commun de toute l’Église. Aussi Rome doit-elle s'entendre non pas avec la Fraternité saint Pie X, mais avec la doctrine de toujours. Voilà ce que nous entendions en 2006 par un accord doctrinal préalable à un accord pratique. Dans un second sens, le but poursuivi serait la reconnaissance de la Fraternité, tout simplement, son bien particulier apparent, par l'accord préalable sur une formulation doctrinale commune, acceptable par les deux parties, exempte d'erreurs - nous pouvons le supposer - mais laissant dans l'ombre celles qui ravagent l’Église depuis cinquante ans. Rome entend l'accord doctrinal dans ce sens de pur moyen, et envisage une communion fondée sur le plus petit dénominateur commun. Les sectes protestantes traitent entre elles de cette manière depuis bientôt cinq siècles. Le Vatican traite de cette manière avec les sectes protestantes depuis le Concile, témoin l'Accord luthéro-catholique sur la justification, en 1999. «Jusqu'ici - nous dit M. l'abbé Gleize - les héritiers de Mgr Lefebvre, se sont fait au contraire un devoir d'envisager les choses du premier point de vue.»
Parmi les erreurs graves qui vicient toutes les vérités partielles qui peuvent se rencontrer dans le magistère
conciliaire et post-conciliaire, les plus
connues ont été mises dès l'origine en vis-à-vis de la
triade révolutionnaire de liberté, égalité et fraternité.
Vous aurez reconnu ici la querelle sur la liberté religieuse,
la collégialité et l’œcuménisme.
Qu'entend la déclaration conciliaire Dignitatis
Humanae par liberté religieuse? Non pas la liberté
de l’Église catholique, mais le fait pour quiconque de
ne pas être empêché, par quelque pouvoir que ce soit,
de professer l'erreur. Ce serait un droit naturel que le
législateur civil devrait reconnaître. Voilà qui contredit
l'enseignement de l’Église jusqu'à Pie XII compris,
et favorise aujourd'hui la submersion de nos
pays par l'islam. Certes, il ne s'agit pas d'exercer la
contrainte physique pour obliger les personnes
adultes à embrasser le christianisme contre leur gré,
mais l’État chrétien doit exercer son autorité en faveur
de la vraie religion, d'une part en empêchant ou
en dissuadant la profession de l'erreur, d'autre part,
en facilitant la profession de la vérité. Notons qu'aujourd'hui
le pape François déroule les conséquences
de cette nouvelle doctrine dans le domaine familial
avec l'exhortation apostolique Amoris Laetitia. Il serait
en effet illogique de cantonner l'immunité de
contrainte à la profession d'une foi religieuse et de
ne pas l'étendre petit à petit à tout l'ordre moral.
La collégialité quant à elle, s'attaque au primat
du successeur de Pierre sur le siège de Rome. Ce
débat ne relève pas d'une querelle byzantine puisque
c'est l’Église telle que Notre-Seigneur Jésus-Christ
l'a instituée, autrement dit sa constitution divine qui
est en cause. Or, Lumen gentium affirme 1° que le
collège épiscopal est un sujet ordinaire et permanent
du pouvoir sur toute l’Église, 2° que ce même collège
incluant le pape constitue, en plus du pape
considéré seul, un deuxième sujet permanent
du pouvoir sur toute l’Église,
3° que le collège épiscopal tient son
pouvoir directement non du pape
mais du Christ et que le consentement
du pape est seulement requis
pour son exercice. L’Église se doit
donc d'être synodale, affirme le pape
François! A l'inverse, que dit la Tradition? Le corps épiscopal rassemblé
lors d'un concile œcuménique n'est le
sujet que temporaire et extraordinaire
de ce pouvoir ; le corps épiscopal n'est
pas un deuxième sujet de ce pouvoir,
mais, réuni en Concile, il est un second
mode d’exercice pour le pape
d'exercer son pouvoir, et c'est l'autorité
même du pape qui est communiquée au concile.
Nous devons donc aujourd'hui défendre la papauté
contre le pape lui-même! L’Église est une monarchie
et non une dyarchie.
L'œcuménisme tel qu'il est présenté par les
textes du concile, Unitatis Redintegratio et Lumen
Gentium, s'attaque à l'unicité du salut dans l’Église
catholique. Qu'affirment ces derniers?
1° La réalité d'une communion réelle, bien
qu’imparfaite et partielle entre la structure visible de
l’Église catholique et la structure visible des communautés
non catholiques séparées.
2° La réalité d'une présence et d'une action de
l'Église du Christ, que l'on distingue de l’Église catholique,
dans ces mêmes communautés.
3° La présence d'éléments de sanctification dans
ces communautés de sorte qu'elles sont des moyens
de salut.
À l'inverse que dit la Tradition?
1° Ce ne sont pas ces communautés hérétiques
ou schismatiques en tant que telles mais seulement
certains de leurs membres qui peuvent être non pas
exactement en communion avec l’Église mais ordonnés
à l’Église.
2° L'action du Saint-Esprit en dehors de l’Église
catholique a lieu dans certaines âmes mais non pas
dans les communautés prisonnières de l'erreur à laquelle
elles appartiennent.
3° Ce qui reste d'éléments de l’Église dans les
communautés séparées – le dogme de la Sainte-Trinité
ou le sacrement du baptême, par exemple - n'a
pas de soi valeur de salut, parce que la valeur salutaire
des dogmes et des sacrements leur vient de ce
qu'ils sont dispensés selon l'ordre voulu par le Christ,
c'est-à-dire dans la dépendance du chef de l’Église.
Au fil des ans, à l'occasion de la mise en œuvre
du Concile, est apparue une nouvelle conception du
Magistère. Elle est falsifiée en pratique puisque ses
titulaires en usent à contre-sens en imposant les erreurs
contraires aux vérités qui doivent en faire l'objet.
Elle est faussée en théorie puisqu'elle prétend
que le Magistère suprême de l’Église est l'interprète
authentique des textes précédents du magistère.
C'est l'erreur radicale du néo-modernisme dont les
adeptes sont imbus de la mentalité évolutionniste.
Nous la retrouvons dans le discours du pape Benoît
XVI du 22 décembre 2005, avec l'herméneutique
de « la réforme dans la continuité ». Cette
erreur est à l'origine de la prétendue « Tradition vivante
». C'est sur le fondement d'une prétendue Tradition
vivante que Mgr Lefebvre a été condamné en
1988 par le motu proprio « Ecclesia Dei adflicta ». Et
remarquons que c'est la dénommée commission Ecclesia
Dei qui est chargée de traiter avec la Fraternité! En réalité, le Magistère est l'organe et l'interprète
de la Révélation. Le Magistère présent doit
interpréter non le magistère passé mais la Révélation
contenue dans ses sources: l’Écriture et la Tradition.
Il doit se soumettre au magistère passé et interpréter
les points de la Révélation non encore interprétés
par les actes du magistère antérieur. Il doit s'y soumettre et l'assumer. Tout ce que les papes du temps
passé ont enseigné en matière nécessaire demeure
d'actualité. Si c'était la parole d'aujourd'hui qui faisait
la vérité en interprétant sans cesse la parole
d'hier, c'est le pape d'aujourd'hui qui ferait la vérité à
sa guise, et la notion même de Tradition catholique
n'existerait plus. Rappelons que la sainte Eglise catholique
est le Corps mystique du Christ et non pas
du pape régnant!
Le Nouveau Code de Droit canon véhicule les erreurs
que nous venons de dénoncer et bien d'autres,
sur le mariage, par exemple, dont il sera traité plus
loin. Ce code, de l'aveu même de Jean-Paul II, pré-
sente un nouveau visage de l’Église. Il met sous
forme de canons ou d'articles la nouvelle ecclésiologie,
entre autres choses. Il pèche donc contre la finalité
même de la loi. Il s'éloigne dans l'ensemble
comme dans le détail de la protection due à la foi et
aux mœurs. Sa promulgation reste douteuse. Il n'a
pas de valeur en soi. Voilà pourquoi sa réception pose
un réel problème de conscience aux catholiques.
Dans cette situation inédite, la nouvelle législation
doit être ramenée à la précédente, celle de 1917, et si
possible conciliée avec elle. Telle est la position
adoptée par la Fraternité depuis 1983.
Notre but est donc que la Tradition retrouve ses
droits à Rome. Mais pour cela faut-il dans les
conditions présentes accepter un accord? Comment
peut raisonner ici un moraliste? L'acceptation d'une
reconnaissance canonique est un acte moralement
indifférent à double effet. L'effet bon est de retrouver
la normalité juridique, 'des papiers en règle', et de
s'ouvrir peut-être de nouveaux champs d'apostolat. Il
en aurait été ainsi au Liban il y a vingt ans. Peut-être
en serait-il encore ainsi dans certains pays d'Afrique
ou d'Asie.
L'effet mauvais est lui-même double:
- Il consiste dans le risque de relativiser la Tradition
qui risquerait fort d'apparaître alors comme une
option parmi d'autres. Nous accepterions une coexistence
de droit et même une cohabitation de fait avec
les modernistes.
- Il consiste également dans le risque de trahir la
Tradition et de rallier la vision conciliaire. Je retrouve
le numéro 67 de la Cloche d'Ecône. Nous sommes en
1994 ; le Catéchisme dit de l’Église Catholique venait
de paraître deux ans auparavant. Les nôtres le
pourfendait tandis que les moines du Barroux prenaient
sa défense: « Il y a cinq ans, nous ne pouvions
même pas imaginer que nous serions capables de le
faire. Maintenant que nous sommes réconciliés, nous
faisons l'expérience de renaître dans le sens de la catholicité
et donc de la compréhension de l'enseignement
de l’Église d’aujourd’hui ». Et le directeur du
séminaire de commenter: «Est-ce assez clair? Et
cette fois ce n'est pas moi qui l'ai dit! Eux-mêmes
sont étonnés d'être capables de défendre le Nouveau
Catéchisme! En termes clairs, qu'est-ce que cela signifie,
sinon qu'après le ralliement canonique, le ralliement
doctrinal est consommé? Vive le Concile,
son Droit canon et son Catéchisme.» M. l'abbé
Schaeffer, peu de tant avant son décès, avait écrit
dans le Chardonnet un articulet intitulé: «Du génocide au mémoricide» en reprenant le titre d'un
livre de M. Reynald Secher. Il comparait le sort qui
pourrait être fait à l'épopée de notre défense et illustration
de la Tradition au sort fait à l'épopée vendéenne.
Ceux qui abandonnent la Tradition en
arrivent à oublier ou à vouloir faire oublier ce qu'il
ont été. Ils se retournent même contre elle. Il n'est
que de regarder du côté des disciples longtemps si
valeureux de Mgr Antonio de Castro Mayer, dans le
diocèse brésilien de Campos! Au moment de leur
ralliement, en 2001, certains progressistes avaient
poussé de hauts cris. Le cardinal Cottier les avaient
rassurés: « ne vous inquiétez pas, ils se sont engagés
dans une dynamique!» Et de fait, il n'a guère fallu
attendre pour constater de stupéfiants reniements en
doctrine et en liturgie.
La solution dépend d'une part de la proportion à
établir entre l'effet bon et l'effet mauvais, et d'autre
part de l'évaluation des circonstances. Il est clair qu'il
est plus important d'éviter le double effet mauvais
(la relativisation et la trahison de la Tradition) que
d'obtenir le double effet bon (le retour à la stricte lé-
galité et les nouveaux champs d'apostolat). Mais les
circonstances sont-elles telles que l'on puisse espérer
éviter le double effet mauvais, le double risque?
Mgr Marcel Lefebvre écrivait: « On ne rentre pas
dans un cadre, et sous des supérieurs, en disant que
l'on va tout bousculer lorsqu’on sera dedans, alors
qu'ils ont tout en mains pour nous juguler! Ils ont
toute l'autorité. » Et nous, nous savons comment ont
été traités tout récemment encore ceux qui étaient
dans le cadre, et qui s’efforçaient de faire retour à la
Tradition. La mésaventure des Franciscains de l'Immaculée
pourrait nous enseigner!