SOURCE - Marie d’Armagnac - Monde & Vie - 29 juin 2017
Les silences de François ne sont pas des marques de faiblesse, mais plutôt l’expression d’une stratégie spirituelle, qui consiste avant tout à donner du temps au temps, pour acclimater dans l’Eglise catholique une nouvelle conception de la morale traditionnelleLe 31 décembre dernier, touslesmembres de l’Académie Pontificale pour la Vie étaient congédiés. On apprenait ensuite la réorganisation d’un grand dicastère pour les laïcs, sous l’autorité de Mgr Vincenzo Paglia, qui centralise désormais toutes les questions afférentes à la famille ou au respect de la vie. Dans ce contexte, on attendait avec inquiétude la nomination des nouveaux membres de l’Académie Pour la Vie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’a pas été déçu ! Certes, Madame Lejeune, Jean-Marie Le Méné, les cardinaux Caffarra, Sgreccia, Eijik, Fisher, historiques fervents défenseurs de la vie, ont été reconduits. (Ils représentent, dit Mgr Paglia, « l’histoire précieuse de l’Académie qui ne doit pas être oubliée, y compris à l’ère nouvelle de l’Académie »). Mais beaucoup ont été écartés comme le théologien américain John Finnis, auteur d’une lettre ouverte au pape Françoistrès critique sur Amoris Laetitia, mais aussi le philosophe allemand Robert Spaemann, ou encore l’autrichien Josef Maria Seifert, et tant d’autresscientifiques de renommée mondiale, très engagés dans les mouvements pro-vie. Quant aux nouvelles nominations, elles ont été faites, rapporte Mgr Paglia lors d’un entretien dans Vatican Insider, suivant une indication précise du pape François qui lui a demandé « d’activer un dialogue cordial et actif avec d’autres instituts scientifiques, y compris dans un cadre œcuménique et inter-religieux, qu’ilsoit d’inspiration chrétienne ou issu d’autrestraditions culturelles et religieuses ». Parmi les nouveaux membres de l’Académie, trois ne sont pas chrétiens : un musulman, un juif et un shintoïste.
Mais le problème n’est passeulement dans le choix de ces étrangers à l’Église : après tout, la Vie est une valeur pour tous les hommes. Emblématique de la nouvelle ère, apparaît la nomination de Maurizio Chiodi, professeur de théologie morale, dont les positions hétérodoxes en matière de contraception, de FIV, d’euthanasie, de gender, sont notoires. Autre “cas” : La nomination de Nigel Biggar. Anglican, professeur de Morale et de Théologie pastorale à Oxford, il a affirmé dans un entretien, remontant à 2011 : « je serais favorable à donner une limite à l’avortement à la 18e semaine (5 mois !) après la conception, ce qui correspond plus ou moins au moment où il y a quelque évidence d’activité cérébrale, et donc de conscience ». On vous laisse imaginer la bronca internationale qui a suivi cette nomination, à laquelle Mgr Paglia, embarrassé, a répondu d’une façon insignifiante, voire absurde, expliquant que Nigel Biggar s’engageait à ne jamais intervenir sur ce sujet lors des sessions de l’Académie... Du côté du pape François, c’est le silence total...
Et c’est le même silence que l’on entend à propos de la supplique très claire des quatre cardinaux, Caffara, Burke, Meisner et Brandmüller. Ils ont demandé au pape de réaffirmer clairement la doctrine de l’Église sur la communion donnée ou non en cas de péché public. François n’a même pas daigné accuser réception de cette lettre, qui, après plusieurs mois de silence, vient d’être portée à la connaissance du public. Le ton en est résolument humble et filial, la demande courte et factuelle. Le cardinal Carlo Caffara prend soin d’affirmer, fait inhabituel et surprenant, qu’il n’est pas sédévacantiste. Il rappelle que « plusieurs interprétations de certains passages objectivement ambigus de la récente exhortation post-synodale (Amoris laetitia) ont été données publiquement, non pas divergentes mais contraires au Magistère de l’Église » (...) concernant « non seulement l’accès à la Sainte Eucharistie de ceux qui vivent objectivement et publiquement dans une situation de péché grave et entendent y demeurer, mais également une conception de la conscience morale contraire à la Tradition de l’Église. Et c’est ainsi – oh comme il est douloureux de le constater ! – que ce qui est péché en Pologne est bon en Allemagne, ce qui est interdit dans l’Archidiocèse de Philadelphie est licite à Malte. Et ainsi de suite ». [...] « nous sentons le poids de notre responsabilité et notre conscience nous pousse à demander humblement etrespectueusement audience. »
Fait inouï dans l’histoire de l’Église, aucune réponse n’a été donnée par François qui refuse ainsi de recevoir ceux quisont, par leur munus cardinalice, les conseillers habituels du pape. On se demande dans quel climat de tension se déroulera le prochain consistoire.
Un petit coup d’œil à l’agenda officiel du pape François du 21 juin dernier,sur le site du Vatican, nous apprend qu’il a accordé une audience à... la National Football League!