3 février 2009






La France, ex « fille aînée de l’Eglise » s’est elle mutée en « fille haineuse de l’Eglise » ?
3 février 2009 - Claude Timmerman - francecourtoise.info
Lettre ouverte aux évêques de l’Eglise qui est en France La France, ex « fille aînée de l’Eglise » s’est elle mutée en « fille haineuse de l’Eglise » ?
par Claude Timmerman
Eminences, Excellences, Messeigneurs,
Et unam, sanctam, catholicam, et apostolicam ecclesiam...
Jamais peut être ce verset du credo n’a prit dans l’Eglise autant de relief...
Depuis Vatican II, les dérives cumulées aux outrances ont amené l’Eglise à toucher le fond : désaffection des fidèles, désertion du clergé, déchirements doctrinaux entre factions, innovations liturgiques douteuses voire carrément sacrilèges, la liste est longue et douloureuse pour en arriver aujourd’hui à une réelle disparition de la foi... Des catholiques se convertissent à l’Orthodoxie, à l’Islam, voire au bouddhisme ! Jeune cérémoniaire pontifical, j’ai vu avec effarement, à l’heure des débats conciliaires, les responsables de l’Eglise de France mener vers le naufrage le navire dont ils avaient la charge.
J’ai ainsi entendu un père provincial jésuite énoncer doctement « Il faut désacraliser l’Eglise ! » (sic !)
Et "ils" y sont parvenu à Rome : le concile a supprimé le sens du mystère, le sens du sacré, l’universalité ecclésiale par la disparition du rituel et du latin, la banalisation par la disparition du formalisme éclaté dans une florescence d’initiatives dites novatrices. Il a permit des fractures en autorisant la multiplication des traductions hasardeuses, et surtout, il a introduit le doute légitime en admettant la "liberté religieuse" qui s’oppose par nature au prosélytisme et l’apostolat missionnaire !
Divisée dans ses rites et dans ses langues, l’Eglise n’est plus "une". Qu’elle force avait-elle lorsque tout chrétien, de New York à Pékin, pouvait assister à la messe avec son missel habituel et en partager le mystère avec une assistance inconnue dont il ne partageait pas même la langue ! Là l’idée de communion avait tout son sens : le partage du sacrifice de tous, entre tous, réunis ensemble par et pour l’Evangile, par delà les différences linguistiques, géographiques et civilisationnelles, unis dans une même foi...
Travaillant en Afrique Noire dans les années 80, j’ai noté là avec surprise l’importante proportion des traditionalistes africains. Un de mes amis, alors ministre, m’en expliqua un jour la raison - ce qui aurait laissé rêveur n’importe quel prélat du concile :
« Ils sont fous à Rome ! Les gens ici ne comprennent plus rien : avant on avait une langue pour la prière, une langue sacrée qui ne servait pas pour tous les jours, une langue faite pour ne s’adresser qu’à Dieu, et c’était la même langue pour nous tous. Ils ne savent pas, à Rome, que dans ce pays nous comptons quarante ethnies ? Alors quand tu te déplaces de quarante kilomètres un dimanche dans un village voisin, tu ne comprends plus rien à la messe ! Et on ne peut plus prier avec un prêtre de la tribu d’a côté.
C’est les fétichistes qui rigolent bien : eux ils gardent la langue des fétiches ! » (sic !)
Mais nos pères conciliaires se sont obstiné : il fallait en revenir « aux fondations » de l’Eglise !
L’ennui c’est que lorsqu’on fait table rase, il faut reconstruire dessus : c’est précisément le rôle des fondations que de prévoir d’y asseoir quelque chose ! Un certain Jésus, dont nos "refondateurs" se réclament trop constamment pour qu’ils s’y réfèrent vraiment, l’avait pourtant énoncé à Pierre : Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo ecclesiam meam (Math. XVI,13). C’est pourquoi l’Eglise est vivante, parce qu’elle est en perpétuelle construction et qu’elle a toujours su évoluer dans le monde - quoi qu’en pensent certains. Mais elle a su évoluer avec modération, sous la conduite de l’Esprit Saint, pour durer et assumer à travers les âges et les vicissitudes politiques la transmission du message évangélique avec cette foi qui transportait les montagnes et pour laquelle beaucoup offrirent leur vie au hasard de leur ministère et de leur activité missionnaire. Il est curieux que les conciliaires avancés - qui connaissent évidemment l’Evangile mieux que tout le monde - n’aient jamais pris la peine de se pénétrer de cette phrase et d’en tirer les conséquences : le Seigneur a bien dit aedificabo : Je construirai [Moi, le Seigneur] ! Alors comment certains osent-ils détruirent ce qui est déjà construit depuis des siècles ? Quel manque d’humilité chrétienne ! Quel orgueil démesuré !
Face à l’ampleur du drame qui se jouait dans une Eglise qui était déjà fragilisée et en crise dès avant le concile, certains hommes de foi ont essayé à la mesure de leurs moyens de poursuivre leur ministère et de transmettre ce qui leur avait été enseigné, selon le voeu de saint Paul rappelé le jour de leur ordination...
Son Excellence Marcel Lefebvre fut de ceux là...
Or, aussi dirigiste et révolutionnaire que l’on soit, il était tout de même difficile depuis Rome de condamner un homme d’Eglise éminent pour déviance quand il se contentait de prôner et de diffuser ce qu’on lui avait enseigné et qui faisait vivre l’Eglise depuis des siècles... L’interdiction postconciliaire du rite (nous devrions même dire de tout le rituel) classique fut une monstruosité : à quel titre du jour au lendemain les pratiques centenaires de l’Eglise devraient-elles être prohibées ? Et que dire de ces religieux cloîtrés dont la vie toute dévolue à la prière fut bouleversée, sans aucun ménagement, du jour au lendemain. Quel père conciliaire a manqué de charité au point d’ignorer le désarroi des carmélites, des clarisses, des carmes, des trappistes, ou des chartreux, pour ne citer que ceux là, dont la règle fut transformée ou abolie du jour au lendemain ?
Et les années passèrent, et les églises achevèrent de se vider et les séminaires se désertifièrent...
L’église n’était plus ni "une", ni "sainte", ni surtout "apostolique", encore moins "romaine"...
Et en France les persécutions commencèrent, diligentées par des prélats nouvellement mitrés, contre ces catholiques qui osaient affirmer vouloir le rester, et elles ne sont pas encore terminées ! Ces fidèles de sensibilité traditionnelle auront plus de mal à tout oublier : prêtre arraché à son autel en pleine messe sur ordre de l’évêque comme à Versailles (on n’avait vu cela, ni durant la révolution ni durant la grande hystérie des années 1905 !), expulsion d’église sur ordre de l’évêque comme à Bordeaux, refus de messes traditionnelles pour les enterrements, les mariages, refus de l’application du motu proprio, etc. Les offices traditionnels sont célébrés devant des lieux de cultes vides, fermés à la demande de la hiérarchie. Les prêtres de sensibilité traditionnelle sont mis "au rencard" dans leur diocèse, etc. La tradition, réprouvée, a connu et connaît encore en France son époque des catacombe et les offices dans les granges et les salles de spectacles, comme l’avait fait, bien avant Mgr Lefebvre, Mgr Ducaud-Bourget voici quarante ans...
Oui, il faudra beaucoup de charité chrétienne, beaucoup d’efforts de compréhension pour retrouver l’unité de l’Eglise ! Mais on progresse à petits pas : il suffira juste que les progressistes fassent un tout petit peu preuve d’ouverture avec cet esprit évangélique dont ils nous rebattent les oreilles et qu’ils sont bien entendu - en toute humilité chrétienne cela va de soi - les seuls détenteurs et les seuls à pratiquer !
A se demander, à les écouter, comment l’Eglise a pu exister avant Vatican II et surtout avant eux-mêmes !
Car il y a loin des textes conciliaires à l’interprétation dite libérale pour ne pas dire laxiste que certains évêques français en firent.
Quant à la clémence du pape, objet de tant de remous, il ne s’agit pas d’une "reconnaissance" de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X mais bien de la levée d’une excommunication administrative, et non pas doctrinale, qui avait d’ailleurs en son temps - malgré la plus grande joie des extrémistes conciliaires avancés - suscité plus que des réserves à Rome, chez la plupart des dirigeants de l’Eglise... Je sais bien que dès que l’on parle de "dirigeants" auprès de certains cadres de l’Eglise "qui-est-en-France" - comme lorsqu’on s’exprime sur le forum de Golias qui n’est pas l’objet de la réprobation absolue et de la dénonciation affirmée que l’on pourrait attendre de la hiérarchie épiscopale - on prononce un gros mot ou on provoque des éruptions cutanées. Mais il se trouve que l’Eglise - malgré tous les efforts des ténors progressistes depuis trente ans - n’est pas encore, même en France, une foire d’empoigne démagogique.
Cette excommunication relevait en effet de la sanction pontificale au sacre d’évêques effectué sans le consentement du Vatican, conformément au canon 1382, qui frappe de facto tout ecclésiastique concerné tant les évêques consécrateurs que les prêtres nouvellement sacrés. D’où la formule latae sententiae qui l’accompagne par opposition à l’excommunication liée à une décision judiciaire suite à enquête dite ferendae sententiae. Elle n’avait pas, de ce fait, la valeur canonique qui lui est dévolue en cas de faute reconnue doctrinale ou autre. SS Jean-Paul II, d’ailleurs, voulut très vite revenir dans un souci d’apaisement sur le formalisme de cette sanction :
- une première fois, dès avant la mort de Mgr Lefebvre, à la condition que les évêques rentrent dans le rang : autrement dit qu’ils soient réduits à l’état de prêtrise... ce dont il ne pouvait évidemment pas être question à Econe, en l’état des choses. Faute d’être parvenu à un accord, le pape Jean-Paul II eut la charité d’envoyer Son Eminence le cardinal Thiandoum à Econe lever l’excommunication, post mortem, sur le lit de mort de Monseigneur Lefebvre fin mars 1991 ;
- une seconde fois, Jean-Paul II tentera à nouveau un rapprochement, sans y mettre les conditions précédentes, mais là un certain nombre de prélats progressistes de la curie, prévenus à temps, "forts soucieux" de l’unité de l’Eglise (?) s’y opposèrent violemment en toute charité ecclésiale... alors que le décret était déjà prêt à être signé !
Tous cela devra donc être pardonné et oublié aujourd’hui...
Pour ce qui est de la "frange" (sic !) des "intégristes" souvent évoquée, je rappellerai trois choses qui en étonneront encore certains :
- la mouvance traditionaliste représente la population de plusieurs diocèses, vous le savez fort bien !
- le clergé y afférent (y compris le clergé sympathisant plus ou moins marginalisé par sa hiérarchie au nom de la "charité chrétienne" bien comprise) représente plus d’un millier de prêtres... qui font cruellement défaut à la "pastorale" comme on dit aujourd’hui, de cette église "officielle" en pleine désorganisation cléricale ;
- les traditionalistes, entre autres traditions fâcheuses, conservent l’habitude de contribuer généreusement au denier du culte - pour les ministres du culte auquel ils assistent évidemment - ce qui constituera une manne inespérée pour la trésorerie des instances officielles encore majoritairement progressistes dont les fidèles (il y en a tout de même quelques uns !) semblent moins généreux, les autres ayant carrément fermé le robinet...
A tout cela s’ajoute la part non moins négligeable des catholiques qui n’ont pas voulu "sauter le pas" et sont restés, contraints et forcés, dans l’orbite conciliaire par peur de l’excommunication ou par simple commodité, car chacun ne peut pas faire 100 km aller et retour pour assister à la messe. A cela s’ajoute aussi tous ceux, les plus nombreux, qui ont carrément quitté l’Eglise pendant et après le concile et qui souhaitent revenir à la pratique religieuse avec l’annonce du motu proprio.
Ce qui est frappant dans la mouvance de la tradition, c’est la rupture de continuité des classes d’âge : osez aller à une messe dite tridentine, messeigneurs, on y trouve des anciens bien sûr, mais majoritairement une importante population jeune des 20/30 ans, et leurs enfants !
Ce qui manque dans ces assemblées, c’est la génération sacrifiée du concile, la mienne, celle des 50/70 ans. Curieux non ?
Un peu de tolérance chez les progressistes militants de l’Eglise "qui-est-en-France", est-ce donc vraiment trop demander par le Vatican pour vos frères dans le Christ ?
Un peu de cette charité chrétienne, vertu théologale de notre religion, si largement prodiguée par vos soins aux protestants, aux juifs, aux musulmans, aux agnostiques, aux étrangers (de préférence sans papiers), sans compter à tous ceux auxquels je ne pense pas pour peu qu’il ne s’agisse surtout pas de catholiques, ne peut donc vraiment pas leur être offerte en France ?
Car il ne faut tout de même pas perdre de vue que les « avancées conciliaires » selon la formule consacrée - on croirait un rapport syndical - ne sont revendiquées avec cette violence qu’en France, en Allemagne, et dans quelques pays dont les théologiens sont les plus controversés.
Or l’Eglise de Rome est dite catholique parce qu’universelle, aussi loin du microcosme centre-américain de la "théologie de la libération", que des vitupérations de Golias dignes de syndicalistes égarés. Il est heureux de voir que le relativisme prôné par le jésuite Roger Haight vient de conduire son auteur à l’Index ! Les fidèles du Tiers-Monde sont encore beaucoup plus attachés qu’en Europe à la tradition catholique... Ils sont aussi les plus nombreux. Mais il est vrai que pour les adeptes conciliaires de la "liberté religieuse" cela doit sonner comme une totale absurdité, voire une obscénité ! Alors avant de prier pour l’unité des chrétiens, commençons donc par prier pour que règnent la vraie tolérance et l’unité chez les catholiques !
Jube, Reverendissimi Patres, gaudare !
Je laisse cette formule en latin : cela permettra à certains d’entre vous de laisser croire qu’ils ne peuvent comprendre et ainsi de s’abstenir de manifester la joie légitime que tout chrétien est en droit d’attendre de ses pasteurs à cette annonce de miséricorde et du retour de la brebis du Bon Pasteur de la parabole !
Il suffit de voir l’enthousiasme des communiqués de vos "instances représentatives" et de tous ceux d’entre vous qui ne savent plus aujourd’hui comment manifester leur fureur - ou au moins leur réprobation - à l’annonce du retour de certains catholiques de la tradition au sein de l’Eglise.
Cachez donc votre joie, Messeigneurs !
Vous apparaissez ainsi hélas aujourd’hui non comme les pasteurs de la « fille aînée de l’Eglise » mais bien comme ceux de son avatar bien hideux : la « fille haineuse de l’Eglise »...
Mais heureusement, dans l’Eglise de France, vous n’êtes pas unanimes dans cette attitude ! Il y a donc un réel espoir. Faisons confiance à l’Esprit Saint, au discernement et au courage de Sa Sainteté Benoît XVI...
Te lucis ante terminum...
Selon la formule consacrée :
Avec l’expression de mes respects filiaux,
votre fils dans le Seigneur, Claude Timmerman,
ancien cérémoniaire pontifical du Cardinal Veuillot.