La Croix s’est faite l’écho de propos tenus par Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint Pie X à l’hebdomadaire Famille Chrétienne : « Nous sommes spirituellement des sémites. » Il a été rappelé comment le pape Pie XI était l’auteur de cette phrase, prononcée peu de temps avant la seconde guerre mondiale.Je peux témoigner que Mgr Fellay a réellement voulu se mettre dans la continuité de cette solidarité proclamée à l’égard du peuple juif. Car j’étais présent à cet entretien aux côtés de Samuel Pruvot, qui avait voulu m’associer à sa démarche, en tant qu’éditorialiste de France Catholique.
Il s’agissait pour nous de recueillir, de façon directe, l’avis du premier intéressé à la suite de la levée de l’excommunication qui le touchait directement, mais aussi de l’interroger sur la formidable polémique qui en avait suivi.
Nous n’avons pas été déçus. Bernard Fellay ne s’est dérobé en rien. Il a même parfois précédé nos questions, nous faisant comprendre à quel point l’affaire Williamson l’avait touché. Lui, qui attendait du geste de Rome la pacification des esprits s’est brusquement retrouvé au cœur d’un tempête, qui l’a contraint à réfléchir notamment à cette question cruciale de l’antisémitisme. Je n’ai aucune raison de douter de la sincérité d’un homme qui affirme que l’extermination du peuple juif est un crime qui crie contre le ciel.
Nous avons également évoqué la contestation que les disciples de Mgr Lefebvre ont opposé à Vatican II. Dans quel esprit Mgr Fellay entendait-il entrer dans le travail d’élucidation que lui proposait l’autorité romaine ? Nous avons pu constater que le chef de file traditionaliste se voulait en tout positif, délaissant le style souvent agressif de certains de ses fidèles.
S’il faut livrer un sentiment personnel au terme de cette rencontre, je dirais que si Benoît XVI s’est lancé dans une aventure non sans risques, en tendant la main à la Fraternité Saint-Pie-X, Bernard Fellay avait aussi fait preuve d’une certaine audace, prenant résolument l’initiative d’une réconciliation dont quelques-uns, dans ses rangs, refusent le principe.
Rien n’est donc gagné d’avance. L’affaire sera longue à mener à son terme. Mais peut-on refuser à ceux qui ont eu le courage de sortir de leur bastion le coup de main nécessaire, ne serait-ce que par la prière ? La cause de l’unité est bien celle pour laquelle le Christ a prié la veille de sa Passion.
Gérard Leclerc |