6 février 2009





« Le concile Vatican II n'est pas négociable ! »
6 février 2009 - Jean-François Laville - lest-eclair.fr
« Le concile Vatican II n'est pas négociable ! » Mgr Stenger : « Cette levée d'excommunication ne règle en aucune manière le problème de fond »
Le levée de l'excommunication des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988 suscite des réactions très contrastées dans l'Aube...

Mgr Stenger, l'annonce de la levée de l'excommunication de quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X par le pape Benoît XVI est-elle, selon vous, une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
« Cette annonce ne peut que poser des questions en France. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? C'est une nouvelle. Il faut avant tout essayer d'expliquer cette démarche.
Du point de vue symbolique, la levée de l'excommunication par le pape est intervenue durant la Semaine de la prière pour l'unité des chrétiens. C'est donc, à l'évidence, un geste fort en faveur de l'unité des catholiques. »
Mais cette levée de l'excommunication s'est réalisée sans contrepartie ?
Cette levée d'excommunication, qui ne concerne que quatre évêques, s'est faite sans contrepartie et ne règle en aucune manière le problème de fond. Et ce problème, c'est l'acceptation du concile Vatican II. Notamment sur des questions essentielles, comme le dialogue interreligieux ou la croyance en une liberté religieuse. En réalité, je pense qu'on se trouve, aujourd'hui, seulement au début d'une démarche. »
La décision du pape Benoît XVI ne règle pas tous les problèmes pour ces quatre évêques…
« Bien entendu, s'agissant de ces quatre évêques, ils ne peuvent toujours pas célébrer l'eucharistie au sein de l'Église catholique. En fait, il restent toujours en marge de l'Église catholique. Dans une déclaration officielle, le Conseil permanent des évêques de France précise, d'ailleurs, que la levée de l'excommunication n'est pas une réhabilitation, mais le point de départ d'un long chemin, qui supposera un dialogue précis. »
Cette mesure concerne quatre évêques. Mais qu'en est-il des fidèles de la Fraternité Saint-Pie X ?
« Cette nouvelle situation demandera un engagement clair de la part des membres de la Fraternité. Nous devons les considérer avec charité. »
Comment avez-vous réagi en entendant les propos tenus par Mgr Williamson, l'un des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X, qui nie le drame de l'extermination des juifs ?
« Ce sont des propos à condamner, strictement et sans appel. Un chrétien qui se prétend chrétien ne peut s'exprimer ainsi. Un homme digne de ce nom n'a pas le droit de tenir ce genre de propos. Le négationisme est un mensonge qui atteint gravement les personnes dans leur chair, dans leur condition d'être spirituel. J'ai d'ailleurs envoyé un message au président de la communauté juive auboise (Charles Aïdan, ndlr) pour lui dire combien je me sens blessé avec eux. L'ensemble des évêques de France condamne fermement les paroles inacceptables et scandaleuses de Mg r Williamson. »
Quel message souhaitez-vous passer aux membres de la Fraternité ?
« Je voudrais leur dire que je respecte tout le monde. Nous ne disons pas, dans l'Église catholique, que les autres sont dans l'erreur. Mais je rappelle encore une fois que pour être au sein de l'Église catholique, il existe une condition absolue : reconnaître le concile Vatican II. Il faut évidemment éviter tout amalgame, et nous resterons à leur égard plein de charité, mais aussi de fermeté. Vatican II n'est pas négociable. »

Le point de vue du fidèle
Avant tout, une question de doctrine
Monsieur André est l'un des fidèles de la Fraternité Saint-Pie X dans l'Aube. Il est même vice-président de l'association « Saint Bernard, histoire, traditions, culture, Aube ». Il est formel : la question de la tradition, des rapports entre la Fraternité et le Vatican, c'est avant tout une question de doctrine. Bien au-delà du problème de la messe en latin ou en français. « C'est une question fondamentale. L'objet du problème est purement religieux. Pour ma part, je crois en Dieu, au ciel et au paradis. Je vis pour ça. La foi catholique, c'est la seule façon d'obtenir la grâce et d'aller au ciel », commente monsieur André.
Et le problème de foi est intimement lié à la question de la reconnaissance du concile Vatican II. Lorsque les évêques de France indiquent que ce concile n'est pas négociable, les membres de la Fraternité disent de même, mais pour signifier que, pour eux, il n'est pas question de l'accepter. « Il existe, dans le concile Vatican II, des schémas qui ne sont pas catholiques. Quant à l'œcuménisme et au dialogue interreligieux, ils mènent à une négation de la vérité », estime monsieur André.
« Il a gâché la fête »
Pour autant, il ne cache pas son plaisir. « La levée de l'excommunication des quatre évêques a été ressentie comme une bonne nouvelle. Les membres de la Fraternité sont satisfaits. Nous avons même été étonnés par la rapidité de cette décision du pape », poursuit le Troyen, qui ne parvient d'ailleurs pas vraiment à l'expliquer. Et qui ajoute quand même que, si la décision du souverain pontife « a levé une marque infamante », l'excommunication ne l'avait, jusqu'à présent, « jamais empêché de vivre, ni de dormir ».
En revanche, il condamne sans réserve les propos de l'évêque Williamson sur les chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale. « C'est absolument scandaleux. Il a gâché la fête », confie ce fidèle de la Fraternité. Et de préciser, si le doute subsistait, « qu'à la Fraternité, on parle très peu politique ».

Abbé Ludovic Girod, fraternité sacerdotale Saint-Pie X  
« C'était une condition de survie de la tradition »  
Le père Ludovic Girod quitte la Marne, chaque dimanche, pour venir à Troyes célébrer une messe selon le rite de Saint-Pie V, autrement dit la messe tridentine. Les fidèles, entre trente et quarante, se réunissent dans ce qu'ils considèrent comme leur chapelle, située place Saint-Nizier, à Troyes. Dans quelques semaines, sans doute d'ici à Pâques, cette communauté va déménager pour se rendre dans le quartier du Grand-Véon, rue des Prés-l'Évêque, dans un ancien commerce.
Au nom de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, le père Ludovic Girod exprime sa satisfaction après la décision de Benoît XVI, « la joie de voir que quatre évêques sont ainsi lavés de toute tache par Rome. La sanction d'excommunication est levée. Et ce n'est évidemment pas une décision mineure, car le décret d'excommunication les excluait de l'Église », confie-t-il.
Pour autant, ce prêtre ne renie pas le positionnement de la Fraternité St-Pie X, ni ses choix antérieurs. « Il ne s'agissait pas d'un acte schismatique. C'était simplement une condition de survie de la tradition. Rome a cru bon de nous sanctionner, mais on ne voulait pas être schismatique. On voulait, en revanche, maintenir la messe et la tradition catholiques. »
« Le rite de Saint-Pie V était toujours valable »
Le père Girod rappelle que, dès 2007, Benoît XVI avait indiqué que la messe selon le rite de Saint-Pie V n'avait jamais été abrogée. « Cette messe, que nous célébrons, était toujours valable. Le reconnaître était un premier pas », lance-t-il.
Un premier pas suivi par quoi ? Le décret de levée de l'excommunication prévoit des discussions théologiques entre le Vatican et la Fraternité Saint-Pie X. Mais, d'emblée, le père Girod affirme son opposition à trois points majeurs : la notion de gouvernance de l'Église et de collégialité ; l'œcuménisme « et le fait que personne ne détient finalement la vérité » ; enfin, la question de la liberté religieuse. Car, pour lui, il existe une seule vérité, « c'est la religion catholique ».
Comment ce prêtre traditionaliste explique-t-il la décision du pape ? « Il a dû prendre conscience qu'il existe une crise dans l'Église. On gère actuellement cette crise et c'est un peu partout pareil, y compris dans l'Aube. Le pape doit se poser des questions sur l'origine de cette crise et sur la perte du sens du sacré », analyse-t-il.
Et que pense-t-il, enfin, des propos négationnistes tenus par l'évêque Williamson, l'un des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X ? « Quand on est prêtre, on ne doit pas tenir ce genre de propos historiques ou politiques. Il a, bien entendu, causé du tort à la Fraternité. Mais, depuis, Mgr Fellay, le supérieur général de la Fraternité, lui a interdit de prendre la parole », précise le père Girod.
Mgr Fellay qui, dans un courrier à Benoît XVI, a demandé pardon pour les propos antisémites tenus par cet évêque britannique.

Contre-réforme catholique 
« Quelle unité en dehors de la vérité ?
Le père Ludovic Girod, prêtre au sein de la Fraternité Saint-Pie X, ne laisse place à aucune ambiguïté : « Il n'existe aucun lien entre nous et la communauté de l'abbé Georges de Nantes ».
Georges de Nantes ? Sa communauté, installée à la maison Saint-Joseph à Saint-Parres-lès-Vaudes depuis de longues années, fait partie des plus traditionalistes. Elle est connue sous le nom de Contre-réforme catholique. Frappé d'une « suspens a divinis », ne pouvant plus célébrer, ayant toujours refusé le concile Vatican II, l'abbé Georges de Nantes est, aujourd'hui, âgé et malade, mais toujours entouré d'hommes et de femmes particulièrement dévoués.
Le frère Bruno de Jésus, l'un des responsables de cette communauté, note que le décret annulant la censure d'excommunication veut être « un signe de promotion de l'unité de l'Église universelle dans la charité ». D'où sa question : « Comment atteindre l'unité dans la charité en dehors de la vérité ? ».
La seule question - poursuit-il - qui mérite d'être posée est celle « du culte de l'homme proclamé par le pape Paul VI ». « C'est la seule question qui importe à l'unité de l'Église, depuis lors déchirée entre deux religions qui se battent en son sein : la millénaire et la conciliaire, la divine révélée et l'humaine inventée », confie-t-il en substance.
Un appel au jugement infaillible du pape
Depuis près de quarante ans, la Contre-réforme catholique réclame de ses vœux un véritable procès « qui permettrait d'approfondir les conflits théologiques l'opposant au Vatican ». Mais sans obtenir satisfaction.
Pour la CRC, « l'unique issue à ce qui se présente déjà comme un dialogue de sourds […], c'est l'appel au jugement infaillible du pape. Il ne s'agit pas de discuter, il ne s'agit pas des droits de la tradition à coexister malgré l'hégémonie de l'erreur, il s'agit de savoir si les enseignements conciliaires sont conformes au dépôt de la foi, ce qu'en conscience l'abbé Georges de Nantes nie depuis plus de quarante ans ».


Auteur : Propos recueillis par Jean-François LAVILLE
Article paru le : 6 février 2009