1 février 2009





Lettre d’un fidèle au R.P. Lecareux, fondateur de la Fraternité de la Transfiguration
1er février 2009 - diffusé par resistance-catholique@hotmail.fr
Mon Révérend Père,
Dans votre homélie de ce dimanche, vous nous avez très justement invités à fouler au pied tout respect humain et toute hypocrisie. Aussi, le pécheur et simple laïc que je suis s’enhardit à vous écrire ces quelques propos inspirés, je le crois, par l’amour de Celui qui est Vérité.
Dans cette même homélie, vous avez également très justement opposé d’une part la foi de l’Église relativement à sa propre constitution divine (unité, sainteté, catholicité et apostolicité) et d’autre part le fléau de l’oecuménisme. Ce dernier consiste en une défiguration de l’Église, réduite à une espèce de communion dont la Vérité ne serait plus l’exclusif fondement. Pour les pères de l’oecuménisme acclimaté en milieu (autrefois) catholique, l’Église de Jésus-Christ subsiste dans l’Église catholique, de telle sorte que les communautés chrétiennes dissidentes participent elles aussi, à des degrés différents, de l’Église du Christ.
C’est ainsi que Josef Ratzinger, avant comme après avoir été qualifié du nom de « Benoît XVI », a pu affirmer à la fois d’une part que la véritable Église du Christ « subsistait pleinement uniquement dans l’Église catholique » et d’autre part que les communautés chrétiennes dissidentes ne pouvaient pas être que « non-Église ». Benoîte contradiction que voilà ? Non point. Le raisonnement est le suivant : l’Église du Christ subsiste pleinement uniquement dans l’Église catholique, parce que dans l’Église catholique seulement se trouvent toute la Vérité, tous les sacrements et la pleine unité hiérarchique ; mais dans la mesure où subsistent cette hiérarchie, ces sacrements et ces vérités, les communautés dissidentes participent - dans cette mesure même (c’est-à-dire imparfaitement) - à l’Église du Christ.
Une telle vision des choses n’est pas catholique. Dans son encyclique Mystici Corporis, Pie XII a nettement défini qu’il y a une adéquation exclusive entre l’Église du Christ et l’Église catholique. Or l’oecuménisme conciliaire prêche une adéquation inclusive.Concernant la prétendue « ecclésialité » des communautés dissidentes, le pape Pie IX a condamné à l’avance les théories de Josef Ratzinger : « Aucune de ces sociétés, ni toutes ensemble ne constituent en aucune façon et ne sont cette Église une et catholique que Notre-Seigneur a fondée et bâtie et qu’il a voulu créer. Et l’on ne peut dire non plus, en aucune façon que ces sociétés soient ni un membre, ni une partie de cette même Église, puisqu’elles sont visiblement séparées de l’unité catholique. » (Pie IX, Lettre apostolique Iam vos omnes, 13 septembre 1868)
Il existe donc, hier comme aujourd’hui, une très réelle « excommunication » entre la foi catholique attestée par les Souverains Pontifes et la nouvelle religion de l’actuel chargé de pouvoir de l’ « Église conciliaire ». Excommunication, au sens où la vérité et l’erreur, et pour tout dire la foi et l’hérésie, s’excommunient nécessairement l’une l’autre. Et précisément, l’hérésie en question consiste à nier que la Vérité porte excommunication de l’erreur.
Compte tenu de cette situation fondamentale, qu’on le veuille ou non, l’excommunication canonique consécutive aux sacres d’Écône revêtait une signification toute particulière. Elle venait, sur un autre plan, signifier également cette excommunication doctrinale entre la vérité catholique et l’hérésie conciliaire. Sauf conversion du conciliaire en chef, il n’y avait plus de réconciliation possible entre ce dernier et la résistance catholique… à moins que deux phénomènes ne se produisent.
Premier phénomène : ledit conciliaire en chef est assez habile pour maintenir en place son hérésie tout en levant l’excommunication canonique frappant les évêques d’Écône. Deuxième phénomène : les « chefs de file » de la résistance catholique en viennent à considérer cette « levée du décret d’excommunication » comme une grâce dont il faudrait se réjouir. À ce compte-là, ce n’est plus seulement l’excommunication canonique qui tombe, mais encore et surtout l’excommunication doctrinale entre foi catholique et oecuménisme qui de facto s’évanouit dans l’esprit des « chefs de file ». Et de ce point de vue, il me semble que la contradiction était elle aussi frontale entre votre homélie et votre commentaire relatif au décret du 21 janvier 2009. Je ne vous cache pas que si j’ai goûté l’homélie, je me trouve en désaccord profond avec votre commentaire.
Dans l’ « Église conciliaire » du théologien Josef Ratzinger, il y a place, dans la même communion, à la fois pour l’apostat Hans Küng et pour Mgr Bernard Fellay (qu’il avait très significativement reçus, l’un puis l’autre, dans la même période, peu de temps après son avènement). La chose est rendue possible parce que dans leur système l’Église n’est plus une communion (hiérarchique) fondée sur une Vérité exclusive. Il y a tout au contraire place pour des lectures contradictoires d’un dogme changeant : de même que la « messe de Luther » et le Saint Sacrifice de la Messe sont (prétendument) les deux formes d’un même rite, de même le « traditionalisme » sera tout au mieux la « High Church » de l’ « Église conciliaire ».
En nous réjouissant, en manifestant en quelque façon notre communion avec le conciliaire en chef, nous nous rallions de facto, quoi que nous pensions encore par ailleurs, à cette nouvelle et folle ecclésiologie. C’est l’étape du désarmement moral. Dans un premier temps, nous ne voyons plus dans la partie adverse un ennemi de notre foi. Au contraire, nous en venons à nous considérer comme ses obligés. Dans un deuxième temps, nous risquons d’acquiescer pas à pas, à la manière des « ralliés », à cette conception oecuméniste et pour tout dire anglicane de l’Église.
Dans l’état actuel des esprits, où manifestement Vatican II demeure à l’ordre du jour, ce que l’on appelle la « troisième étape », à savoir les discussions Rome – Menzingen, ne peut se conclure autrement que par un nouveau constat de rupture (ce que je souhaite) ou par un énième ralliement (tertium non datur). Dans le cas d’un ralliement (c’est comme cela que ça s’appelle, du moins quand on parle des autres), la partie adverse sera arrivée à ses fins, puisqu’elle aura en définitive réduit au silence la force d’opposition à Vatican II la plus visible. Dans le cas d’un nouveau constat de rupture entre Rome et Menzingen, les réjouis du 21 janvier 2009 risquent fort de ne guère apprécier la douche écossaise, mais trouveront bien quelque institut Ecclesia Dei pour les consoler. Ainsi donc, en jouant les généreuses, la partie adverse aura donc réussi une fois de plus à nous diviser.
Mon Révérend Père, le pécheur que je suis a souvent appris à ses dépens qu’avec le diable, on ne se contente pas de souper avec une longue cuillère ; avec le diable en effet, lorsque l’on est chrétien et que l’on entend le demeurer, on ne soupe pas du tout.
Veuillez recevoir, mon Révérend Père, l’expression de ma respectueuse considération et l’assurance de mes prières
In Christo Rege