4 février 2009





Vive la pensée !
04.02.09 - Jean-Pierre Denis - lavie.fr
Franchement, c’est sans précédent. Alors que nous bouclons ce numéro, notre site www.lavie.fr continue à enregistrer comme un sismographe les répliques qui secouent la terre catholique, après le tremblement de terre de l’affaire Williamson. Ce qui se dit là peut déranger ou choquer les brebis habituées à trop de moutonnerie. Mais je crois que cela doit surtout conforter et réconforter quant aux valeurs que les catholiques veulent partager. Regardons au-delà de la colère et de la palpable indignation. À l’instar des intellectuels qui ont signé l’appel publié par La Vie la semaine dernière, les « croyants de base » (ceux qui catéchisent, ceux qui font vivre les paroisses, ceux qui agissent dans les mouvements et milieux associatifs) ne se sont pas retirés du monde. Bien vivants, ils ne veulent pas renoncer à l’expression de leur foi et de leurs convictions. L’Évangile brûle leurs veines. C’est le message qu’ils ont fait passer dans notre société. Message largement reçu, me semble-t-il.
Penser, c’est risquer. La liberté de conscience est catholique. Elle est un témoignage de foi. Sans elle, l’Église deviendrait une secte et, après avoir levé l’excommunication des lefebvristes, on finirait par excommunier le peuple de Dieu. Je plaisante… C’est que je veux enfin pouvoir me réjouir. Me réjouir du mouvement qui s’est exprimé partout dans l’Église et dont notre site a été le témoin privilégié. Me réjouir du courage des évêques qui ont redit que Vatican II n’est pas négociable. Et, pourquoi pas, me réjouir enfin d’une évolution possible des lefebvristes. Alors que nous bouclons ce numéro, j’apprends que, dans une interview à la télévision allemande, Bernard Fellay, le supérieur de la Fraternité Saint-Pie-X, a enfin réfléchi et qu’il s’est décidé à faire un pas important. « Je suis vraiment désolé », dit-il. « Il y a des blessures, nous devons aller sur le chemin de la guérison. Je demande tout particulièrement pardon au peuple juif. » Or, c’est la demande sincère de pardon qui conditionne à nos yeux le retour de l’enfant prodigue. C’est ce que dit la Bible.
Je reviens à l’appel des intellectuels. On voit bien qu’un catholicisme adulte ne se construira ni en révolte bébête, ni en dévotion bêlante. Ne désertons donc ni le terrain des idées, ni celui de la pensée fidèle. Il faut se mobiliser pour l’essentiel, et l’essentiel demeure l’annonce de l’Évangile dans un contexte de déchristianisation. Et là, je défie ceux qui affirment avoir réponse à tout. La crise catholique (crise à laquelle répondent aussi de merveilleux renouveaux) s’est certes manifestée dès les années 1970. Mais elle s’explique aussi et surtout par des causes plus anciennes et, pour certaines, exogènes. La sécularisation de la pensée, en route dès l’époque de l’humanisme. Le déclin de l’idée même de salut, d’espérance, de résurrection. L’éclatement des valeurs jusque-là communes. Le retard mis par l’Église au cours des deux derniers siècles à accepter des changements politiques, sociaux et culturels inéluc­tables. La Shoah, et ce qui est apparu à la conscience humaine trau­matisée comme le silence de Dieu. Bref, cette crise apparaît moins comme celle de l’Église en parti­culier que comme celle de la modernité dans son ensemble. C’est une crise de civilisation. Comment répondre à tout cela ? Nous n’avons pas cette prétention, mais une intention, oui. Votre hebdomadaire inaugure dès à présent un grand débat sur le catholicisme, débat que l’on retrouvera dans nos pages et sur notre site. Un débat largement ouvert, dans la tradition de ce journal.