4 février 2009





"Benoit XVI a tourné le dos à 95% de la communauté catholique"
04/02/2009 - Emilie Cailleau - express.fr
"Benoit XVI a tourné le dos à 95% de la communauté catholique" La décision de Benoît XVI de lever l'excommunication de quatre évêques intégristes suscite de nombreux remous dans l'opinion publique, mais également au sein même de l'Eglise. Christian Terras, rédacteur en chef de la revue Golias, qualifie cette réintégration de "grave erreur".
Comment considérez-vous la décision de Benoît XVI?
La réintégration des quatre évêques intégristes dans l'Eglise est un acte gravissime car elle cautionne la conception des intégristes selon laquelle l'Eglise a le pouvoir total sur la société. Mais cette réintégration ne me surprend pas. Elle s'inscrit dans un mouvement de restauration sectaire, traditionnel et intransigeant engagé par Rome depuis plus de dix ans. Ce geste en faveur des intégristes peut être vu comme l'aboutissement d'une longue série de négociations et de mains tendues envers la Fraternité Saint Pie X, engagées bien avant le Jubilé de l'an 2000. Depuis 1988, date de l'excommunication prononcée contre les quatre évêques ordonnés illicitement par Mgr Lefebvre, Joseph Ratzinger (qui prendra le nom de Benoit XVI en tant que pape), alors Préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, était en charge de ces négociations avec les intégristes.
Cette réintégration est-elle le résultat d'une montée en puissance du courant conservateur à Rome?
Benoît XVI est un pape conservateur et intransigeant qui a un problème de gouvernance. En tant que gardien du temple catholique, il ne peut certes se risquer à aller jusqu'au bout de la volonté des intégristes, mais  il cherche à conjurer le schisme de 1988 avec la Fraternité Saint Pie X.
De cette volonté ont découlé un ensemble d'éléments qui attestent de la montée du conservatisme: la fin du dialogue interreligieux, engagé avec le concile Vatican II - à travers le licenciement de Mgr Fitzgerald, responsable du dialogue interreligieux et spécialiste de l'islam, mais aussi la suppression du  conseil pontifical pour le dialogue interreligieux - et le gel du dialogue oecuménique (avec l'eglise orthodoxe et protestante NDLR).
Pourquoi vouloir à tout prix résorber le schisme de 1988 avec les intégristes?
En voulant conjurer le schisme de 1988 avec la Fraternité Saint Pie X, le pape veut reconstituer l'unité de l'Eglise catholique dans un front commun face aux défis du monde moderne. Tous ces gestes font partie d'une sorte de croisade contre la modernité qu'il a engagée avec l'Eglise. Car selon lui, cette modernité fourvoie l'Eglise. Il organise donc un front intransigeant, un catholicisme identitaire. La posture du pape s'apparente à un repli sur soi.
Mais en faisant de la surenchère avec les intégristes, Benoit XVI se fait instrumentaliser et se trouve pris au piège de cette croisade qu'il mène contre la modernité. Son attitude risque de conduire l'Eglise dans le mur et, pire, au suicide.
Le risque est donc de provoquer une fracture au sein de la communauté catholique?
Absolument. En voulant résorber ce schisme minime avec les intégristes, il va en créer un plus large au sein même des catholiques "lambda". En réintégrant les quatre évêques intégristes, Benoit XVI a tourné le dos à 95% de la communauté catholique. Il commet une grave erreur. On va vers un schisme rampant, qui va se traduire par l'éloignement de tous les catholiques. Les gens vont s'éloigner des paroisses, ne plus aller à la messe...
Par ailleurs, Benoît XVI a froissé une partie de l'Eglise. Il a agi seul. Il a outrepassé les règles inhérentes au fonctionnement de l'Eglise pour réintégrer une faction dissidente qui n'a rien renié de ses positions doctrinales. Sur le site Golias, des prêtres ont affirmé qu'ils ne prononceraient plus le nom du souverain pontife lors des messes. L'un d'eux m'a même dit: "J'ai excommunié Benoît XVI"!