9 février 2009





Benoît XVI et le négationniste
9 février 2009 - radio-canada.ca
Qu'est-ce qui a bien pu se passer au Vatican ces dernières semaines? Ils sont nombreux à se poser la question. Et pour cause.

Le 21 janvier dernier, Benoît XVI a posé un geste qui ne pouvait passer inaperçu. Il a levé l'excommunication qui pesait sur quatre membres de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, un groupe de catholiques intégristes qui n'a jamais accepté les conclusions du concile Vatican II. En 1988, Jean-Paul II a excommunié le chef du groupe, Mgr Lefebvre, ainsi que plusieurs nouveaux évêques de la Fraternité. Un schisme. Comme une plaie ouverte pour la famille chrétienne, disait-on.

Vingt ans plus tard, Benoît XVI lève donc l'excommunication. Un geste de réconciliation? Une main tendue? Remarquez, Benoît XVI ne s'en est jamais caché: la réunification de la famille chrétienne est une priorité pour lui. Mais en levant l'excommunication, Benoît XVI en a choqué plus d'un. Certains y ont vu la confirmation d'un virage à droite de l'Église catholique, amorcé avec l'élection du pape actuel. Premier choc.

En passant... le geste est-il surprenant? Oui et non. Benoît XVI connaît bien le dossier des « lefebvristes », comme on les surnomme. Il a négocié avec eux avant que ne tombe la sentence en 1988. Qui plus est, le 29 août 2005, quelques mois seulement après avoir été élu, à sa demande, il rencontrait Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité, à Castel Gandolfo, la résidence d'été du pape. Les premiers pas d'une réconciliation étaient donc prévisibles. Mais comme je le disais, ça, ce n'est que le premier choc qui concerne surtout, dirons-nous, la communauté catholique.

L'autre choc

Une autre onde de choc attendait ceux qui s'intéressent aux choses du Vatican. Une secousse sismique qui, cette fois-ci, dépasse largement les frontières de la vie catholique. Et ce séisme porte un nom: Mgr Richard Williamson.

Parmi les religieux intégristes visés par la levée de l'excommunication, à qui Benoît XVI a donc tendu la main, il y a un certain Mgr Richard Williamson. Un négationniste qui, depuis un bon moment, ne cache pas ses opinions. « Je crois que les chambres à gaz n'ont pas existé », a-t-il déclaré dans une entrevue diffusée à la télé suédoise... au moment même où Benoît XVI s'apprêtait à divulguer la levée des excommunications. Quel choc!

Les spécialistes du concile Vatican II n'ont pas manqué de souligner qu'en 1988, ces religieux ont été excommuniés notamment parce qu'ils refusaient les conclusions du concile et l'idée que l'Église devait abandonner la notion de « peuple déicide » attribuée aux Juifs.

L'incompréhension

Cette affaire a de quoi méduser! Depuis Vatican II, l'Église catholique a beaucoup investi pour se rapprocher de la communauté juive. Jean-Paul II, par exemple, parlait souvent de ses frères aînés. Et on ne compte plus le nombre de fois où Benoît XVI a réaffirmé l'amitié et le respect qu'il éprouve pour ses frères juifs. Lui, un pape allemand, ne s'est-il pas rendu à la synagogue de Cologne en 2005?

Mais alors..., comment interpréter l'affaire Williamson?

Un mur de réactions

Les réactions sont venues de partout. De la communauté juive, évidemment, mais aussi de la chancelière allemande Angela Merkel, et même d'une partie du clergé (notamment en Europe). Sans parler d'une pétition qui circule sur Internet, initiative de l'écrivain Jean-Claude Guillebaud.

Mais enfin, mercredi au Vatican, on faisait savoir que les déclarations de Mgr Williamson étaient parfaitement inacceptables et qu'il devra revenir publiquement et sans équivoque sur ses positions. Affaire terminée?

Ça fait déjà deux semaines que dure la tempête. Certains n'ont pas fini de s'interroger: à quoi Benoît XVI pensait-il en tendant la main aux intégristes catholiques? La réconciliation de la famille chrétienne doit-elle primer? Le geste de Benoît XVI a-t-il pour effet de banaliser le drame inoubliable qu'a traversé la communauté juive? Ou serait-ce une erreur « diplomatique »?

Certains parlent d'une tragique ambiguïté. D'autres, d'insensibilité. Peut-on imaginer, comme le soutient le Vatican, que Benoît XVI ignorait tout des propos de Mgr Williamson? Certains s'interrogent sur le sérieux du service diplomatique de l'Église. Ou du professionnalisme de certains membres de la curie et des conseillers du pape?

Malgré les excuses et les explications, le malaise demeure entier. Et maintenant, que doit faire Benoît XVI?