9 février 2009





Pour ses disciples argentins, l'évêque n'est pas un monstre
09.02.09 - Christine Legrand - lemonde.fr
LA REJA, PROVINCE DE BUENOS AIRES, ENVOYÉE SPÉCIALE "C'est une torpille lancée contre le pape Benoît XVI et contre nous, pour empêcher que les lefebvristes soient réintégrés au sein de l'Eglise catholique." Vêtu d'une soutane noire qui balaie le sol, le prêtre ne peut cacher sa nervosité. A la sortie de la messe, dimanche 8 février, sur le parvis de l'église de La Reja, à 50 kilomètres à l'ouest de Buenos Aires, plongée dans la torpeur de l'été austral, ce Français qui a rejoint Mgr Marcel Lefebvre peu après la fondation, en 1970, de la communauté intégriste de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, préfère ne pas donner son nom. Il prêche la discrétion après le tollé provoqué par les propos négationnistes tenus par Mgr Richard Williamson, qui dirige, depuis 2003, le séminaire de La Reja. "Le Vatican a toujours été divisé entre conservateurs et un courant ultralibéral qui nous voient comme des ennemis", ajoute le prêtre.
"Les affirmations de Mgr Williamson ne représentent pas la Fraternité Saint-Pie X et étaient connues depuis longtemps", insiste-t-il. Selon lui, "ce n'est pas un hasard si la télévision suédoise diffuse maintenant ces propos (négationnistes)". A ses côtés, un fidèle, sexagénaire élégant, approuve, ajoutant que "le principal est la vie spirituelle et (que) cette affaire est politique et strictement européenne".
Le scandale a toutefois altéré le calme bucolique du séminaire : une solide bâtisse, de style néocolonial, plantée en plein champ, cachée des regards. Il abrite une vingtaine de séminaristes. Ce dimanche matin, une soixantaine de fidèles assistent à la messe en latin. Les femmes portent jupes longues et mantilles sur la tête. Le silence se fait embarrassant quand on évoque les affirmations de Mgr Williamson, selon lesquelles "aucun juif n'est mort dans une chambre à gaz".
"RIEN À CACHER"
"Je ne peux pas opiner sur un sujet que je ne connais pas vraiment", murmure, rougissant, un jeune aspirant à la prêtrise. Il a 24 ans, lui aussi est français et lui aussi refuse de donner son nom. "C'est une tempête médiatique, Mgr Williamson n'est pas un monstre comme le présente la presse", renchérit Marcelo, professeur de littérature anglaise. Il vient, depuis vingt ans, tous les dimanches "parce qu'il aime la messe en latin".
"On critique toujours les intégristes, mais nous n'avons rien à cacher, nous sommes seulement des catholiques respectueux de la tradition", avance une femme vêtue de noir qui égraine son chapelet. Elle avoue avoir été surprise par les déclarations de Mgr Williamson, mais elle est convaincue que "les intégristes ne pensent pas tous la même chose".
Mgr Williamson a d'ailleurs été relevé de ses fonctions de directeur du séminaire de La Reja, dans la nuit du dimanche, selon un communiqué du responsable de la communauté intégriste en Amérique du Sud, le père Christian Bouchacourt.
Christine Legrand