9 février 2009





L'affaire Williamson souligne les tensions au sein des intégristes
09.02.09 - Stéphanie Le Bars -lemonde.fr
L'évêque négationniste, Richard Williamson, a été démis de ses fonctions à la tête du séminaire de La Reja, en Argentine, selon un communiqué du supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) pour l'Amérique du Sud, dimanche 8 février. Ce dernier assure que "les affirmations négationnistes (de Williamson)" ne reflètent aucunement "les positions de la Fraternité". Sommé par le pape de revenir sur ses propos niant la Shoah pour être pleinement réintégré dans l'Eglise, l'évêque intégriste avait opposé à Benoît XVI une fin de non-recevoir. Dans un entretien publié samedi par l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, le prélat, dont l'excommunication a été levée le 24 janvier par le pape, avait affirmé avoir "fait des recherches" sur le sujet "dans les années 1980" et avoir été "convaincu de l'exactitude des positions" qu'il défend. "Je dois tout réexaminer une nouvelle fois et voir les preuves."
Ces déclarations ont particulièrement indigné la communauté juive et les responsables politiques et religieux allemands. Le président de l'épiscopat allemand, Mgr Robert Zollitsch, a déclaré, dimanche, qu'il ne voyait "aucune place pour (Williamson) au sein de l'Eglise catholique".
POSITIONS INACCEPTABLES
La chancelière allemande, Angela Merkel, qui avait jugé "insuffisante" la première clarification du Vatican sur le négationnisme, a eu un entretien téléphonique avec le pape, au cours duquel ils ont convenu que la Shoah représente "un avertissement pour l'humanité". Benoît XVI, qui doit rencontrer jeudi des représentants juifs américains, pourrait s'exprimer une nouvelle fois sur le sujet.
Visiblement soucieux de montrer son peu de désir de s'amender, Mgr Williamson dans son entretien au Spiegel s'en est aussi pris à Vatican II alors même que l'acceptation de la doctrine de l'Eglise adoptée en 1965 constitue la deuxième condition posée par le pape pour la réintégration définitive des quatre évêques lefebvristes.
En situation schismatique depuis leur ordination en 1988 par Mgr Marcel Lefebvre, les membres de la FSSPX, attachés à la liturgie traditionnelle (messe en latin), refusent les orientations conciliaires sur la liberté de conscience et le dialogue avec les autres confessions, estimant que Vatican II a causé la crise actuelle de l'Eglise. Des positions inacceptables pour une grande partie du monde catholique, qui peine à comprendre le geste de Benoît XVI.
Le camouflet que Mgr Williamson vient d'infliger au pape devrait rendre encore plus difficile la réconciliation espérée par le Vatican. Il alimente aussi les interrogations sur les garanties prises par le pape et son entourage auprès des responsables intégristes avant la levée des excommunications, un geste qu'ils présentaient comme un "préalable" à l'ouverture des discussions sur Vatican II. Outre le fait que Mgr Williamson avait, dès 1988, nié publiquement la réalité de la Shoah, il est de notoriété publique que la Fraternité Saint-Pie-X est traversée de courants plus ou moins enclins à rallier l'Eglise catholique et à reconnaître l'ensemble de son magistère.
Les faits et déclarations de ces derniers jours confirment ces tensions. Un prêtre italien de la FSSPX, qui, en pleine affaire Williamson, avait aussi tenu des propos négationnistes et qualifié Vatican II d'"hérésie" a, selon l'AFP, été expulsé de la Fraternité, vendredi.
"RATÉ DE COMMUNICATION"
Dans le même temps, l'un des quatre évêques en voie de réintégration, le Français Bernard Tissier de Mallerais déclarait dans le quotidien italien La Stampa : "Nous ne changerons pas nos positions mais nous avons l'intention d'amener le Vatican vers nos positions."
Dans ce contexte, le supérieur général de la Fraternité, Mgr Bernard Fellay, ne semble pas avoir renoncé à ordonner de nouveaux prêtres en juin.
Ce geste pourrait être perçu comme une provocation supplémentaire par nombre de catholiques, troublés par ce qui au-delà du raté de "communication", avancé par le Vatican, s'apparente désormais pour beaucoup à un raté tout court.
Stéphanie Le Bars

Les propos qui ont suscité la polémique 22 janvier
Mgr Richard Williamson déclare à une télévision suédoise : "Je crois qu'il n'y a pas eu de chambres à gaz. (...) Je pense que 200 000 à 300 000 juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz."
30 janvier
Après la levée de son excommunication, dans une lettre adressée au cardinal Dario Castrillon Hoyos, chargé des relations avec les intégristes, Mgr Williamson écrit : "Dans la formidable tempête médiatique suscitée par mes propos imprudents à la télévision suédoise, je vous prie d'accepter (...) mes regrets sincères pour les problèmes et les souffrances inutiles que je vous ai causés, à vous et au Saint Père."
9 février
L'évêque indique à l'hebdomadaire Der Spiegel : "Il s'agit de preuves historiques, pas d'émotions. Et si je trouve des preuves, alors je rectifierai."