9 février 2009





[Interview de l'abbé Bouchacourt] - Affaire Williamson : "Il arrive que des hommes d'Église dérapent"
09/02/2009 - Marc Vignaud - lepoint.fr
La Fraternité Saint Pie X a décidé dimanche de révoquer Mgr Williamson de ses fonctions de directeur de séminaire en Argentine, à la suite de ses propos négationnistes. Les déclarations du prélat, rendues publiques peu après la décision papale de lever l'excommunication des évêques de la Fraternité, ont déclenché une tempête au sein de l'Église catholique. Mgr Williamson n'a pourtant pas hésité à réitérer son point de vue samedi dernier, dans les colonnes de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel . Pour lepoint.fr, l'abbé Christian Bouchacourt, supérieur du District d'Amérique du Sud de la Fraternité Saint Pie X, revient sur les raisons de la sanction.

Lepoint.fr : Pourquoi la Fraternité Saint Pie X a-t-elle décidé de révoquer Mgr Williamson de la direction de son séminaire ?
Abbé Bouchacourt : C'est la conclusion logique de ce qu'avait affirmé Mgr Fellay, notre supérieur général : "La Fraternité Saint Pie X ne partage pas les thèses de Mgr Williamson." Pour quelqu'un qui était en charge de la formation de séminaristes, il ne convenait pas du tout qu'il conserve cette charge.
Lepoint.fr : Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour prendre cette décision ?
Abbé Bouchacourt : Nous n'avons pas attendu longtemps . Il faut essayer de voir ce qui s'est passé, discuter, étudier ses propos et voir s'il ne peut pas revenir sur ce qu'il a dit. Tout cela se fait dans le cadre de la tranquillité. L'Église s'est toujours hâtée doucement .
Lepoint.fr : Mgr Williamson a tenu à nouveau des propos négationnistes. Cela a provoqué la décision de révocation ?
Abbé Bouchacourt : Non, cette décision a été prise avant. Mgr Williamson affirme, jusqu'à preuve du contraire, qu'il maintient sa thèse. Nous, nous disons 'non'. Nous sommes une congrégation catholique. Nous avons autorité sur la foi et sur la morale, pas sur les autres thèmes.
Lepoint.fr : Comment se fait-il qu'il ait réitéré ses propos alors ? Cela peut-il être interprété comme une forme de provocation ?
Abbé Bouchacourt : Très sincèrement, je ne pense pas. Je ne sais pas. Mgr Williamson est évêque. Quand on a cette charge, on ne fait pas de la provocation comme ça, non.
Lepoint.fr : Pensez-vous qu'il ait encore sa place dans la Fraternité après avoir réaffirmé ses déclarations négationnistes ?
Abbé Bouchacourt : C'est une question interne à la congrégation. Nous verrons bien. Tout cela dépend de l'autorité du supérieur général, qui étudie bien la situation. Actuellement, il discute sûrement avec Mgr Williamson pour essayer de voir comment les choses vont évoluer. C'est une histoire entre le supérieur général et Mgr Williamson.
Lepoint.fr : La sanction prise est-elle de nature à satisfaire les conditions posées par le Vatican pour continuer le rapprochement ?
Abbé Bouchacourt : Nous verrons bien. Cette décision n'a pas été prise en rapport avec le Vatican. Cela n'a rien à voir avec la levée des excommunications.
Lepoint.fr : Êtes-vous personnellement confiant sur la normalisation des rapports avec le Vatican ? Le rapprochement va-t-il continuer ?
Abbé Bouchacourt : Nous verrons bien, nous verrons bien. Il y a un pas en avant qui a été fait. Maintenant nous allons parler du fond de la doctrine. Ce qui prendra du temps, dans la discrétion et loin des médias.
"Nous ne sommes pas une secte"
Lepoint.fr : Comment se fait-il qu'un homme d'Église comme Mgr Williamson puisse tenir de tels propos sur la Shoah ?
Abbé Bouchacourt : Comment expliquez-vous que des journalistes puissent dire des bêtises ? Comme il peut arriver à des journalistes d'en dire, il arrive que, malheureusement, des hommes d'Église dérapent. C'est tout.
Lepoint.fr : Pour vous, c'est donc clairement un dérapage...
Abbé Bouchacourt : C'est évident. C'est un dérapage puisque c'est en dehors de notre fonction, ça n'a rien à voir. Nous sommes faits pour enseigner la doctrine catholique. C'est tout.
Lepoint.fr : Existe-t-il, comme on l'entend dire, un conflit entre Mgr Fellay et Mgr Williamson ? Peut-il avoir tenté de torpiller le rapprochement avec le Vatican ?
Abbé Bouchacourt : Non pas du tout. Mgr Williamson a approuvé lui-même les récentes décisions du Pape sur les décrets.
Lepoint.fr : Il n'y a jamais eu de tension entre Mgr Fellay et Mgr Williamson ?
Abbé Bouchacourt : Ça dépend de ce que vous appelez tensions. Nous ne sommes pas une secte. Dans la fraternité Saint Pie X, tout le monde n'est pas au garde-à-vous. Il peut y avoir des nuances sur des points secondaires. Dans ce cas, c'est le supérieur général qui tranche et il n'y a aucun problème. Aucun problème. On ne peut pas parler de tensions.
Lepoint.fr : Selon vous, existe-t-il encore des zones d'ombre dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, en particulier sur la Shoah ?
Abbé Bouchacourt : Ça, ça appartient au domaine de l'Histoire. Il faut aussi parler de tous les morts du communisme... Il y a eu d'autres horreurs terribles (que le génocide des juifs, NDLR).
Lepoint.fr : Sur la Shoah en particulier ?
Abbé Bouchacourt : En tant que prêtre, je n'ai rien à rajouter là-dessus. C'est un débat... un thème pardon, qui appartient aux historiens. Je n'ai pas l'autorité pour parler là-dessus. C'est comme si vous me demandiez, je ne sais pas moi, pour qui vous votez...
Lepoint.fr : Mais les historiens, eux, reconnaissent la Shoah...
Abbé Bouchacourt : Mais bien sûr qu'il y a eu la Shoah ! Bien sûr. Mais il ne faut quand même pas oublier qu'il y a eu des millions de morts avec le communisme. Quatre-vingt millions de morts. Ce sont deux horreurs terrifiantes.