L'arrivée de Benoît XVI à la papauté constitue une rupture avec certains papes de la deuxième moitié du siècle dernier. C'est notamment le cas de Jean XXIII (1958-63) et Paul VI (1963-78), le premier ayant amorcé de grandes réformes qui seront conclues par le second. Benoit XVI, lui, est considéré comme plus conservateur (1). À cet égard, il est plutôt dans la continuité de Jean-Paul II (1978-2005), un des papes les plus populaires qui a connu un des plus longs règnes de l'histoire de l'Église.
Les critiques les plus fortes à l'endroit du souverain pontife proviennent entre autres des communautés homosexuelles, à la suite d'un énoncé retirant le droit aux homosexuels de devenir prêtre. Benoît XVI n'avait jamais caché son opinion envers ces derniers, les accusant de posséder un « mal moral inhérent » (2). Autre signe de son conservatisme, Benoît XVI a permis à des évêques de certaines communautés de célébrer leurs messes en latin, ce qui avait été aboli officiellement en 1970. Cette décision a évidemment plu aux intégristes (3).
Controverse autour de l'annulation des excommunications
Plus récemment, Benoît XVI a mis en colère beaucoup gens en prenant la décision, le 24 janvier 2009, d'annuler l'excommunication de quatre évêques considérés comme étant des intégristes (4). Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galaretta sont tous membres de la Fraternité sacerdotale de Saint-Pie-X (FSSPX). Comptant plus de 150 000 adeptes dans le monde, cette organisation se qualifie elle-même de conservatrice, les membres affirmant vouloir vivre une vie de prêtre selon « les normes et les coutumes de l'Église des anciens jours » (5). Fondée en 1970, la fraternité avait perdu sa reconnaissance de l'Église catholique en 1975 (6), après son opposition aux réformes du Concile oecuménique Vatican II. Ce concile a été au centre de la réforme de l'Église catholique dans les années 60. Il avait entre autres pour but la modernisation des approches face aux autres religions et à la société en général.
La controverse se poursuit en 1988 lorsque le fondateur du groupe, Mgr Marcel Lefebvre, décide de faire prêtre les quatre évêques nommés précédemment sans l'accord du pape Jean-Paul. Ils seront par la suite promptement excommuniés. La FSSPX juge invalide l'excommunication, se fondant sur le fait que la foi de la population était profondément troublée par les réformes mises en place deux décennies plus tôt (7). Cela a donc créé un gouffre entre les catholiques radicaux, même ceux qui n'étaient pas affiliés à la FSSPX, et les modérés.
Le cas Williamson
La controverse autour de cette affaire tourne essentiellement autour de Richard Williamson. L'évêque anglais tient toujours un discours négationniste face à l'holocauste (8). Pour empirer sa cause, il n'a pas respecté la demande du Pape lui demandant de retirer ses propos et de « prendre sans équivoque et publiquement ses distances » (9). Pour le moment, il n'est donc pas encore officiellement réintégré à l'Église catholique, malgré la levée de l'excommunication.
Le révisionnisme est la remise en question de faits historiques selon une approche sérieuse et scientifique. Une connotation péjorative est associée au terme, mais elle n'est pas méritée (10). Il s'agit donc ici de la remise en question du nombre de juifs tués durant la Deuxième Guerre mondiale. Le négationnisme est une étape qui va plus loin que le révisionnisme. En effet, Williamson va jusqu'à nier l'existence des chambres à gaz utilisées par les Allemands lors de l'holocauste. Affirmant dans une entrevue avec un hebdomadaire allemand avoir des preuves, il se dit surpris de la controverse entourant l'affaire et rejette la faute sur les « évêques libéraux » (11).
Réactions négatives au décret papal
Les premières réactions à la levée de l'excommunication sont venues de la communauté juive. En Allemagne d'abord, le Conseil juif du pays a décidé de couper les contacts avec le Vatican, jugeant inacceptable la décision de l'Église catholique (12). Israël a aussi réagi. Le principal chef religieux du pays a annulé une rencontre prévue entre le Vatican et cinq représentants du rabbinat (13).
Le rédacteur en chef de la revue catholique Golias a affirmé dans une entrevue que Benoît XVI a « tourné le dos à 95% de la communauté catholique » (14). Dans la même entrevue, il insiste en disant que la décision de lever l'excommunication sur Richard Williamson ne fait que créer un autre schisme avec les catholiques modérés. Même si ce 95% semble arbitraire, la réaction des communautés catholiques à travers le monde a été quasi unanime. Le président de la Conférence des évêques des États-Unis, le cardinal Francis George de Chicago, a qualifié Williamson d'antisémite et de bigot. Par contre, il ne critique pas directement la décision du pape. Il précise que si les quatre évêques sont réintégrés à l'Église, ils devront en suivre les préceptes (15). Des réactions similaires sont formulées dans le reste du monde. En Allemagne, un théologien a même recommandé au pape de démissionner, considérant qu'il n'avait plus la confiance du peuple (16).
Enfin, plusieurs gouvernements ont réagi de façon similaire, notamment celui de la chancelière Angela Merkel en Allemagne. Elle souligne que cette controverse s'étend au-delà des communautés chrétiennes et juives d'Allemagne, et que personne ne peut nier l'holocauste (17).
Un pape en difficulté
Même si le geste se voulait au départ un geste de rapprochement avec une minorité chrétienne, le pape Benoît XVI s'est mis dans une situation difficile en prononçant le décret annulant l'excommunication de ces quatre évêques. L'Église catholique s'est toujours battue pour conserver le plus grand nombre possible de communautés chrétiennes dans son giron, mais c'est un travail difficile, comme nous le constatons maintenant.
Une autre conséquence de ce geste est la rupture avec la communauté juive qui se crée. Déjà en 2006, Benoît XVI avait créé tout un émoi dans la communauté musulmane en qualifiant de façon négative des écrits médiévaux sur Mahomet (19). Dans le cas actuel et celui de 2006, les clarifications apportées par le Pape n'auront pas suffi à calmer le jeu (20). Références:
(1) CBC, « Pope Benedict XVI: Conservative ideas, new way forward », CBC News, 14 avril 2008, [En ligne] http://www.cbc.ca/news/background/pope/ consulté le 6 février 2009
(2) Popham, Peter, « Pope restates ban on gay priests and says homosexuality is ?disordered' », The Independant, 30 novembre 2005, [En ligne] http://www.independent.co.uk/news/world/europe/pop... , page consultée le 6 février 2009
(3) Nouvel Observateur, « Le Pape Benoît XVI a rétabli la messe en latin », 23 juin 2008, [En ligne] http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/internat... , consulté le 5 février 2009
(4) L'Express.fr, « Benoît XVI annule l'excommunion des évêques intégristes », 24 janvier 2009, [En ligne] http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/... , consulté le 5 février 2009
(5) Society of St. Pius X, « Question 1 What is the Society of St. Pius X », [En ligne] http://www.sspx.org/SSPX_FAQs/q1_sspx.htm , consulté le 6 février 2009
(6) Lettre de Mgr Mamie à Mgr Lefebvre, 6 mai 1975, [En ligne] http://qien.free.fr/1960+/19750506_mamie.htm, consulté le 6 février 2009
(7) Society of St. Pius X, « The 1988 consecrations : a canonical study », novembre 1999, [En ligne] http://www.sspx.org/1988%20Consecration%20articles... consulté le 6 février 2009
(8) AFP, « L'évêque négationniste Williamson persiste et signe » , 7 février 2009, [En ligne] http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/02/07/l-... consulté le 8 février 2009
(9) de Larquier, Ségolène, « Refusant de s'excuser, l'évêque négationniste Williamson défie le pape », Le Point, 7 février 2009, [En ligne] http://www.lepoint.fr/actualites-societe/refusant-... , consulté le 8 février 2009
(10) http://fr.wikipedia.org/wiki/... (8)
(12) Reuters, « Jewish council in Germany breaks ties with Vatican », 29 janvier 2009, [En ligne] http://www.iht.com/articles/2009/01/29/europe/pope... consulté le 5 février 2009
(13) AFP, « Jewish backlash against Vatican gathers peace », 29 janvier 2009, [En ligne] http://www.france24.com/en/20090129-jewish-backlas... consulté le 5 février 2009
(14) Paulson, Michael, « US bishops slam holocaust denial », 3 février 2009, [En ligne] http://www.boston.com/news/local/articles_of_faith... consulté le 6 février 2009
(15) Cailleu, Émilie, « Benoît XVI a tourné le dos à 95% de la communauté catholique », L'Express, 2 février 2009, [En ligne] http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/... , consulté le 5 février 2009
(16) AFP, « Évêque négationniste : l'Allemagne réclame une clarification du Vatican », 3 février 2009, [En ligne] http://www.la-croix.bayardweb.com/afp.static/pages... consulté le 6 février 2009
(17) Ibid
(18) Lyman, Eric J., « Pope's clarification fails to appease some Muslims », USA Today, 17 septembre 2006, [En ligne], http://www.usatoday.com/news/religion/2006-09-16-p... consulté 8 février 2009
(19) Donadio, Rachel, « Pope, expressing solidarity with Jews, reacts t uproar over a holocaust denial », New York Times, 28 janvier 2009, [En ligne] http://www.nytimes.com/2009/01/29/world/europe/29p... consulté le 6 février 2009
Dernière modification: 2009-02-13 08:25:21.0
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