12 mai 2012

[Côme de Prévigny - Fecit] FSSPX : Le fondateur veille

SOURCE - Côme de Prévigny - Fecit - texte initialement publié en anglais sur Rorate Caeli - 12 mai 2012

« Les quatre évêques lefebvristes se déchirent » titre le Figaro. Et, il faut admettre, jamais la division n’est apparue aussi manifeste depuis qu’ils ont été sacrés par Mgr Marcel Lefebvre le 30 juin 1988. De manière manifeste seulement, car, parfois, les différends internes, configurant d’une autre manière les oppositions, ont été prononcés, mais ils n’ont jamais été connus de tous. Aussi, celui qui a pris la décision d’étaler sur la place publique la correspondance des 7 et 14 avril, a-t-il pris une décision fort grave par ses conséquences dans la mesure où l’acte risquait de faire vaciller ce qu’un cardinal avait jadis appelé « un aiguillon pour toute l’Église » : la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Mais risquer ou vaciller n’est pas sombrer. Le fondateur veille.
1. Le piège d’une guerre fratricide
Le danger est grand de vouloir couper la Fraternité en deux parties distinctes, en agglomérant derrière deux camps des forces antagonistes qui ont pourtant été constituées par le même moule au cours de quarante années d’énergie, d’efforts et de prières, de résistance commune au néo-modernisme ambiant, et ceci malgré les abandons des uns et les outrances des autres. Ceux qui se frottent à présent les mains en se fondant sur une hypothétique division montrent déjà leurs dents.

Ce sont d’une part les carnassiers issus des mini-chapelles sédévacantistes, qui ont pour principal signe de charité, qu’elles se détestent les unes les autres, et qui redoublent d’efforts pour recueillir les cadavres d’une guerre fratricide. Mgr Lefebvre a été catégorique avec ces semeurs de désespérance et d’émiettement. Ceux qui sont aujourd’hui leurs évêques et leaders américains sont ces mêmes fils ingrats qui, en 1983, ont déféré le vieil archevêque devant les tribunaux afin de recueillir, en vain, le « butin »patrimonial de la Fraternité. Ils répondent notamment aux noms de Clarence Kelly, Donald Sanborn, Daniel Dolan (aujourd'hui prélats sédévacantistes).

D’autre part, ce sont tous les adversaires de laTradition de l’Église qui s’agitent pour dépouiller la principale force d’opposition au libéralisme destructeur de nos sociétés. Tous leurs relais journalistiques ont repris à l’unisson l’objet de la correspondance déconnectée de son cadre privé, espérant faire des divergences entre évêques des oppositions publiques. Et à Paris, les milieux anticléricaux guettent déjà avec envie l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, ce bastion de la restauration catholique, qui apparaît comme une proie à arracher à la faveur de querelles essentiellement humaines.
2. Qui paiera la note ?
A vrai dire, les évêques de la FSSPX eux-mêmes ne sont pas dans un schéma de division. Une chose est de conseiller, même fermement, à son supérieur de méditer sur les conséquences de ses actes. Une autre est de dire publiquement ce que l’on pense. Encore une autre est de faire scission alors que son supérieur n’a pas transigé sur la foi, ce qui ne justifie donc pas la désobéissance. Prenons l’exemple de Mgr Tissier de Mallerais. En 1988, alors qu’il avait, le 30 mai, déconseillé à Mgr Lefebvre les sacres, il a pourtant suivi le fondateur et reçu l’épiscopat de ses mains. Ces derniers jours, après même la réception de la réponse de son supérieur, il invitait en plusieurs endroits les fidèles à l’unité.

Mais cela n’empêche pourtant pas les fauteurs de division de s’activer. Car, au fond, imaginons la Fraternité régularisée, ses prêtres continueront à publier les mêmes annonces de semaine et à faire les mêmes sermons. Et ses responsables continueront à pourfendre Assise et la nouvelle messe. En revanche, une division pour des raisons passionnelles aura pour conséquence de réduire le nombre de prêtres, les scissionnistes iront s’installer dans les grandes villes, là où le plus grand nombre de fidèles se trouvent. En revanche, dans les campagnes les plus reculées, les fidèles ne bénéficieront plus des sacrements. Et des écoles devront fermer. Tel sera le fruit de la division insufflée par l’ennemi de Dieu et par les ennemis historiques de la Fraternité.
3. Un aiguillon pour l’Église
La Fraternité Saint-Pie X a un rôle prophétique dans l’Église d’aujourd’hui. Si elle n’était qu’une œuvre de 550 prêtres avec ses dizaines ou centaines de milliers de fidèles, nul – le pape le premier – ne s’occuperait d’elle. La Fraternité est un aiguillon pour l’Église comme la Compagnie de Jésus le fut en son temps, sans cesse condamnée et régularisée pour son indéfectible témoignage de la foi. Les âmes les plus fortes sont celles qui n’abandonnent pas tout sous le coup de l’émotion, aux portes de la régularisation ou de la condamnation, bref, du fait d’un changement de situation. Elles sont celles qui parviennent à traverser les époques et à supporter les contingences avec le même témoignage de la foi. « Qu’il en tombe mille à ta gauche et dix mille à ta droite, toi pourtant tu ne seras pas touché » dit le psaume 90.

Cette œuvre providentielle vit essentiellement de deux forces. D’abord des grâces que Dieu met en elle ; ensuite du charisme de son fondateur qui reste, quoi que disent ceux qui contestent à la Fraternité son héritage d’un côté ou de l’autre, le principal opposant des nouvelles doctrines du Concile. Ce n’est pas le sermon de l’abbé X ou de l’abbé Y qui changera cela. Ce n’est pas non plus l’admonestation d’un prélat Z qui le modifiera. La Fraternité est porteuse d’un patrimoine, celui de l’Église, qu’elle transmet et transmettra, non pas seulement à ses quelques fidèles, mais au plus grand nombre, en particulier aux prêtres que Mgr Lefebvre avait choisis pour cibles favorites dans une œuvre qui se voulait avant tout sacerdotale, apostolique en direction des prêtres.

Certes, cette œuvre de la Fraternité n’a pas les promesses de la vie éternelle. Mais son fondateur a bien rappelé que Dieu n’avait pas non plus le cynisme d’emmener des âmes dans des combats pour finalement les abandonner agonisant sur les champs de bataille : « Je ne pense pas, disait-il, que le Bon Dieu ait pu dire jusqu'à maintenant : « Marche, marche » et que tout à coup Il dise : « Arrête ! Lorsque les œuvres sont bonnes, Il veut qu'elles continuent »[1] Pour l’unité de son œuvre, Mgr Lefebvre a consenti des sacrifices énormes. Il veillera, encore une fois, pour qu’elle s’affranchisse de l’esprit de compromis et de celui de la désespérance, pour qu’elle continue à avancer sur cette ligne de crête l’éloignant de part et d’autre de l’hérésie néo-moderniste et du schisme sédévacantiste.