SOURCE - Patrice de Plunkett - 10 mai 2012
Deux lettres circulent. L'une est adressée à Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité St Pie X lefebvriste, par les trois leaders de l'ultra-lefebvrisme : Williamson, Tissier de Mallerais et Gallareta. L'autre lettre est la réponse que leur fait Mgr Fellay...
La lettre Tissier-Gallareta-Williamson récuse d'avance tout accord avec Rome. Elle n'a rien d'original : c'est la rhétorique du schisme avec ses cris de guerre et ses fantasmes... Aberrant, mais sans aucune ambiguïté.
La lettre Fellay est bien plus manoeuvrière. Citons son paragraphe 8, qui prône un mouvement dialectique au sein de l'Eglise contre un concile de l'Eglise :
« Ce mouvement nouveau, né il y a au moins une dizaine d'années, va se renforçant. Il touche bon nombre (encore une minorité) de jeunes prêtres, de séminaristes et même déjà un petit nombre de jeunes évêques qui se distinguent nettement de leurs prédécesseurs, qui nous disent leur sympathie et leur soutien, mais qui sont encore passablement étouffés par la ligne dominante de la hiérarchie en faveur de Vatican II. Cette hiérarchie est en perte de vitesse. Cela est objectif et montre qu'il n'est plus illusoire de considérer un ''combat intra muros'', dont nous sommes bien conscients de la dureté et difficulté... »
Donc, si les mots ont un sens :
- Mgr Fellay rejette toujours en bloc le concile Vatican II (auquel Benoît XVI est profondément attaché dans une herméneutique de la continuité) ;
- Mgr Fellay prétend jouir (en tant que ténor du rejet de Vatican II) du « soutien » d'une fraction du clergé officiel, dont « de jeunes évêques » ;
- Mgr Fellay veut dresser cette fraction du clergé contre « la ligne dominante dans la hiérarchie en faveur de Vatican II » ;
- par ces motifs, Mgr Fellay envisage désormais de porter « intra muros » (sic) le combat lefebvriste, contre Vatican II en gros et en détail.
Si tel était réellement l'effet de l'accord Ecône-Vatican dont les tradis ne cessent d'annoncer l'imminence, il faudrait constater que :
- le schisme ne serait pas résorbé, puisque la principale composante du lefebvrisme (sa province de France régie par Tissier de Mallerais) annonce d'avance qu'elle rejettera l'accord ;
- les divisions dans l'Eglise ne seraient pas transcendées, puisque Mgr Fellay apporte un conflit dialectique qui viendrait s'ajouter à tous les problèmes ecclésiaux ;
- les fidèles ne seraient pas confirmés dans la foi, puisque Mgr Fellay incarne - jusqu'à présent - le rejet d'un concile auquel le pape est profondément et légitimement attaché. Ainsi deux attitudes incompatibles coexisteraient sur un plan canonique : absurdité normale dans l'anglicanisme, mais inédite dans le catholicisme.
On ne peut imaginer qu'un tel brouillard puisse s'instaurer sous Benoît XVI, le pape des idées claires et des situations nettes. Si quelque chose finit par se passer, ce sera forcément différent du scénario qu'on vient d'évoquer.