SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 10 mai 2012
Deux lettres internes témoignent des tensions suscitées par l'accord avec Rome.
Deux lettres internes, confidentielles - dont Le Figaro a vérifié l'authenticité - publiées hier sur le site traditionaliste Riposte catholique révèlent l'ampleur de la fracture entre les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X à propos du rapprochement en cours avec Rome. Ou plutôt entre trois évêques - Mgr Alfonso de Galarreta, Mgr Bernard Tissier de Mallerais, Mgr Richard Williamson - et Mgr Bernard Fellay, supérieur de cette Fraternité sacerdotale fondée par Mgr Marcel Lefebvre. En 1988, et contre l'avis du Saint-Siège, ce dernier avait ordonné au rang épiscopal ces quatre évêques pour assurer la pérennité de son œuvre. Ils sont donc ses successeurs directs.
Cette fuite, probablement facilitée par le fameux Mgr Williamson, auteur de déclarations négationnistes par le passé et opposé aujourd'hui à cet accord, arrive dans un contexte très précis. La Congrégation pour la doctrine de la foi va prochainement examiner le texte final de l'accord entre Rome et Mgr Fellay. L'avis des cardinaux, membres de cette congrégation, sera transmis à Benoît XVI.
L'annonce de cet accord historique pourrait intervenir autour de la Fête de la Pentecôte. Sauf, évidemment, revirement de dernière minute. Il ne viendrait pas en tout cas du Saint-Siège, car Benoît XVI veut conclure. Ni de Mgr Fellay, dont la lettre démontre la détermination. Autant dire, malgré la division interne à laquelle il fait face depuis longtemps, que les choses sont sur le point d'aboutir.
Dans les documents, intégralement disponibles sur le site ci-dessus cité, Mgr Fellay répond le 14 avril à une lettre des trois autres évêques datée du 7 avril 2012. «Nous vous en conjurons» lancent ces derniers, «n'engagez pas la Fraternité dans un accord purement pratique». À leurs yeux «les autorités officielles de l'Église se sont séparées de la vérité catholique» le concile Vatican II étant «une perversion totale de l'esprit (…) fondée sur le subjectivisme». Le pape actuel est lui aussi «également imprégné de subjectivisme».
Ils refusent donc un accord où ils ne seraient que «tolérés» dans l'Église et qui «ferait nécessairement taire progressivement (…) toute critique du concile et de la nouvelle messe». Ne voyant pas comment «concilier un accord et cette résistance publique aux autorités romaines, dont le Pape» - ils posent comme condition d'un dialogue le «changement doctrinal de Rome» - ils prédisent un «enlisement» de leur combat et «une profonde division sans retour» de la Fraternité qui sera soumise «à de puissantes influences destructrices».
«Vision trop humaine et même fataliste»
En réponse, Mgr Fellay leur rétorque que leur «description» de l'état de l'Église «manque de surnaturel» et de «réalisme». Sur le premier point, il pose cette question: «On se demande sérieusement si vous croyez encore que cette Église visible dont le siège est à Rome est bien l'Église de Notre Seigneur Jésus-Christ.» Et si Benoît XVI est «encore pape légitime?» Il ajoute: «Vous nous reprochez d'être naïfs ou d'avoir peur, mais c'est votre vision de l'Église qui est trop humaine et même fataliste.»
Sur le «manque de réalisme» il constate: «dans la Fraternité on est en train de faire des erreurs du concile des super-hérésies, cela devient comme le mal absolu, pire que tout, de la même manière que les libéraux ont dogmatisé ce concile pastoral. Les maux sont déjà suffisamment dramatiques pour qu'on ne les exagère pas davantage.»
Déplorant ce manque de «distinction», Mgr Fellay observe qu'il conduit à «un durcissement absolu» qui lui paraît «très grave parce que cette caricature n'est plus dans la réalité et elle aboutira logiquement dans le futur à un vrai schisme». Ce qui le pousse, confie-t-il «à ne plus tarder à répondre aux instances romaines».
Mgr Fellay refuse ensuite que l'on charge les «autorités présentes de toutes les erreurs et de tous les maux que l'on trouve dans l'Église». Tout comme ce slogan en cours dans certains milieux intégristes «tous modernistes, tous pourris» qui est «manifestement faux».
Le responsable de la Fraternité Saint Pie X termine sa lettre par un commentaire sur le statut à venir de cette structure dans l'Église catholique: «En soi, la solution de la prélature personnelle proposée n'est pas un piège». «Quand nous comparons les arguments que Mgr Lefebvre avait donnés à l'époque, nous concluons qu'il n'aurait pas hésité à accepter ce qui nous est proposé. Ne perdons pas le sens de l'Église qui était si fort chez notre vénéré fondateur.»
Sur le «manque de réalisme» il constate: «dans la Fraternité on est en train de faire des erreurs du concile des super-hérésies, cela devient comme le mal absolu, pire que tout, de la même manière que les libéraux ont dogmatisé ce concile pastoral. Les maux sont déjà suffisamment dramatiques pour qu'on ne les exagère pas davantage.»
Déplorant ce manque de «distinction», Mgr Fellay observe qu'il conduit à «un durcissement absolu» qui lui paraît «très grave parce que cette caricature n'est plus dans la réalité et elle aboutira logiquement dans le futur à un vrai schisme». Ce qui le pousse, confie-t-il «à ne plus tarder à répondre aux instances romaines».
Mgr Fellay refuse ensuite que l'on charge les «autorités présentes de toutes les erreurs et de tous les maux que l'on trouve dans l'Église». Tout comme ce slogan en cours dans certains milieux intégristes «tous modernistes, tous pourris» qui est «manifestement faux».
Le responsable de la Fraternité Saint Pie X termine sa lettre par un commentaire sur le statut à venir de cette structure dans l'Église catholique: «En soi, la solution de la prélature personnelle proposée n'est pas un piège». «Quand nous comparons les arguments que Mgr Lefebvre avait donnés à l'époque, nous concluons qu'il n'aurait pas hésité à accepter ce qui nous est proposé. Ne perdons pas le sens de l'Église qui était si fort chez notre vénéré fondateur.»