Un prêtre de la FSSPX - mai 2012
Depuis le mois de septembre 2011, des tractations sont en cours entre d’une part les autorités romaines, et en particulier le cardinal Levada, et d’autre part le Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. Le contenu des documents échangés reste en grande partie secret : en tant que membre de base de la Fraternité, je ne connais par oral que le texte du Préambule doctrinal et de la première réponse de Mgr Fellay.
De graves dissensions existent à ce jour dans la Fraternité à ce sujet. Elles ont été rendues manifestes par la publication d’une correspondance entre Mgr Fellay et les trois autres évêques. Ces derniers mettent en garde Mgr Fellay contre le danger d’un accord purement pratique alors que les autorités romaines s’obstinent à promouvoir les erreurs du Concile Vatican II.
Plusieurs prêtres de la Fraternité ont pris la parole publiquement pour défendre l’opportunité et même la nécessité d’un tel accord pratique dans les circonstances actuelles. Je me permets d’écrire ce petit texte pour exprimer ma perplexité devant cette éventualité. Je le fais de manière anonyme car autant ceux qui sont favorables à un accord peuvent s’exprimer librement, autant ceux qui ne partagent pas cette optique n’ont pas la liberté d’exprimer librement leur pensée. Une sorte d’omerta règne en ce moment dans la Fraternité à ce sujet.
Il ne s’agit pas de s’opposer de manière subversive à l’autorité légitime, que je respecte et honore, mais de répondre aux arguments des confrères favorables à un accord pratique, car ces arguments ne me semblent pas devoir emporter l’adhésion. Notons qu’aucun accord n’a été pour l’instant signé à ma connaissance, nous sommes donc encore dans la phase du conseil et de la délibération.
Je me pencherai en particulier sur un texte reçu par courriel et qui a été rédigé par mon confrère l’Abbé Michel Simoulin, en poste en France à l’Ecole Saint-Joseph-des-Carmes. Je procèderai par citations que je commenterai.
Depuis le mois de septembre 2011, des tractations sont en cours entre d’une part les autorités romaines, et en particulier le cardinal Levada, et d’autre part le Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. Le contenu des documents échangés reste en grande partie secret : en tant que membre de base de la Fraternité, je ne connais par oral que le texte du Préambule doctrinal et de la première réponse de Mgr Fellay.
De graves dissensions existent à ce jour dans la Fraternité à ce sujet. Elles ont été rendues manifestes par la publication d’une correspondance entre Mgr Fellay et les trois autres évêques. Ces derniers mettent en garde Mgr Fellay contre le danger d’un accord purement pratique alors que les autorités romaines s’obstinent à promouvoir les erreurs du Concile Vatican II.
Plusieurs prêtres de la Fraternité ont pris la parole publiquement pour défendre l’opportunité et même la nécessité d’un tel accord pratique dans les circonstances actuelles. Je me permets d’écrire ce petit texte pour exprimer ma perplexité devant cette éventualité. Je le fais de manière anonyme car autant ceux qui sont favorables à un accord peuvent s’exprimer librement, autant ceux qui ne partagent pas cette optique n’ont pas la liberté d’exprimer librement leur pensée. Une sorte d’omerta règne en ce moment dans la Fraternité à ce sujet.
Il ne s’agit pas de s’opposer de manière subversive à l’autorité légitime, que je respecte et honore, mais de répondre aux arguments des confrères favorables à un accord pratique, car ces arguments ne me semblent pas devoir emporter l’adhésion. Notons qu’aucun accord n’a été pour l’instant signé à ma connaissance, nous sommes donc encore dans la phase du conseil et de la délibération.
Je me pencherai en particulier sur un texte reçu par courriel et qui a été rédigé par mon confrère l’Abbé Michel Simoulin, en poste en France à l’Ecole Saint-Joseph-des-Carmes. Je procèderai par citations que je commenterai.
Ainsi donc, pour l’Abbé Simoulin, Mgr Lefebvre ne pouvait imaginer que Rome revienne sur les erreurs du Concile Vatican II. Et pourtant, aucun retour à la foi ne pourra se faire sans une condamnation de la liberté religieuse, de l’œcuménisme et de la collégialité. Il ne s’agit même pas ici de l’opportunité d’un accord pratique avant ou après une clarification doctrinale des autorités romaines, mais d’une reddition complète de notre part. Il faut nous résigner à voir l’erreur triompher définitivement à Rome. Je me demande qui manque de foi dans la divinité de l’Eglise !Citation 1 : « Il [Mgr Lefebvre] savait trop bien ce qu’est l’Eglise pour prétendre "convertir" Rome. Il savait qu’il est illusoire d’imaginer que Rome puisse désavouer Vatican II ».
Il est par contre évident que, lorsque la tête de l’Eglise affirmera de nouveau la foi catholique et prêchera la Royauté sociale de Notre Seigneur, le renouveau de l’Eglise ne se fera pas en un printemps, qu’il faudra au contraire des décennies pour évacuer un lourd passif de modernisme et de libéralisme, en attendant la prochaine crise. Quand l’aspirateur sera en marche, nous n’attendrons pas la disparition du dernier grain de poussière pour aider au ménage. Mais pour l’instant, ce sont toujours les erreurs mortifères du Concile qui sont à l’œuvre : les discussions doctrinales l’ont bien prouvé.
Citation 2 : « Alors elles analysent avec soin tous les propos du Pape, elles raisonnent et font de savants syllogismes ».
L’Abbé Simoulin oppose ici les dons de science et d’intelligence
et le don de sagesse. Seule la sagesse peut donner une vue d’ensemble du
problème et proposer une solution : un accord pratique tout de suite. On
ne peut opposer ainsi les dons entre eux. La sagesse ne saurait se passer de la
science et de l’intelligence, même si elle les dépasse. L’Eglise a toujours eu
besoin de théologiens pour défendre la foi et explorer plus avant le contenu de
la Révélation. Nous avons ici le choix entre une étude serrée des textes du
Concile qui met en lumière leur opposition au Magistère de toujours de
l’Eglise, et une attitude plus superficielle qui affirme que le Concile n’est
pas en contradiction avec la Tradition ou que ses erreurs ne sont pas si
dramatiques que cela. Mgr Lefebvre écrivait pourtant en 1992 : « Plus
on analyse les documents de Vatican II et l’interprétation qu’en ont donnée les
autorités de l’Eglise, plus on s’aperçoit qu’il s’agit non seulement de
quelques erreurs, l’œcuménisme, la liberté religieuse, la collégialité, un
certain libéralisme, mais encore d’une perversion de l’esprit » (Fideliter
N°87, pages 5 et 6). L’anti-intellectualisme ne peut être un principe d’action
en l’occurrence, même si la prudence examine aussi les circonstances concrètes.
Citation 3 : « On me dit encore : mais regardez ce qui est arrivé à la Fraternité Saint-Pierre ou à l’Institut du Bon Pasteur ! Ils ont signé un accord et Rome les pousse peu à peu vers l’acceptation du Concile ! […] Je refuse absolument la comparaison car elle est gravement offensante pour la Fraternité ! Considérez, je vous prie, les circonstances qui ont vu naître ces instituts ! C’est l’infidélité à la promesse de leur ordination… ».
Pour l’Abbé Simoulin, les instituts dits Ecclesia Dei ne
peuvent que glisser dans l’acceptation du Concile et des réformes qui l’ont
suivi en raison d’un vice originel : ils se sont fondés sur l’infidélité à
la Fraternité Saint Pie X. Ce vice originel ne peut pas par définition arriver
à la Fraternité, donc le danger de glissement doctrinal n’existe pas. Certes,
les fondateurs de ces instituts sont souvent des transfuges de la Fraternité,
mais la cause de ce glissement et des pressions romaines qui s’exercent sur eux
vient de leur situation elle-même. C’est leur statut même dans l’Eglise qui les
expose, et non les circonstances de leur fondation. Ils ont pour eux la messe
traditionnelle, la théologie traditionnelle, mais acceptent le Concile et ses
conséquences, ou en tout cas gardent le silence sur les désordres doctrinaux
dans l’Eglise. Cette position est évidemment intenable. Si la messe de Paul VI
est légitime, pourquoi se singulariser en refusant de la célébrer au moins de
temps en temps. Et voilà que les revues tenues par les prêtres de ces instituts
nous servent du Bienheureux Jean-Paul II pour notre édification spirituelle ou
défendent la dernière réunion d’Assise. Mgr Pozzo demande ainsi à l’IBP
d’inclure dans l’enseignement de son séminaire le magistère actuel de l’Eglise
et de prendre pour base de l’enseignement théologique le Catéchisme de l’Eglise
Catholique, qui grave dans le marbre les nouveautés de Vatican II. Si les
autorités romaines nous donnent un statut canonique mais continuent en même
temps à répandre les erreurs du Concile, même en corrigeant certains abus, nous
finirons nécessairement de la même manière. Nous serons comme la dernière
chèvre de M. Seguin qui ne supporte plus d’être enfermée et qui rêve de liberté
dans les montagnes. Elle se croit plus forte que les précédentes, plus
intelligente, mais si le loup est toujours là, elle ne fera pas le poids de
toute manière. Le loup mettra peut-être un peu plus de temps pour l’épuiser. Ce
sera une question d’années. Non : il faut d’abord supprimer le loup. C’est
ce qui faisait dire à l’Abbé Schmidberger en 1992 : « Il est hors de
question de parler pour l’instant de solution juridique ou canonique, on ne
parlerait que de doctrine » (Fideliter N°86 page 3). C’est pourquoi le
chapitre général de 2006, dans sa déclaration finale, qualifie
d’ « impossible » un accord purement pratique.
Citation 4. « La question fondamentale revient donc toujours à l’amour que nous portons à l’Eglise. Aimons-nous l’Eglise même malade ? Que dirait-on d’un enfant qui refuserait de vivre chez sa mère malade, par crainte de la contagion ? Avons-nous si peu confiance dans notre grâce fondatrice ? Doutons-nous de notre capacité de résistance… ? ».
Il faut ici distinguer la foi et la charité. La charité peut
nous pousser à nous occuper d’un malade sans craindre la contagion, comme saint
Louis de Gonzague ou le Père Damien. Par contre, si nous pouvons exposer notre
vie naturelle, nous ne pouvons pas exposer notre foi, fondement de la vie
surnaturelle. Nous devons effectivement craindre une contagion du modernisme et
du libéralisme, et nous protéger autant que nécessaire. Seuls des théologiens
aguerris peuvent argumenter contre les experts du Concile, ce qui s’est produit
lors des discussions doctrinales. La confiance en Dieu ne va pas jusqu’à la
présomption, la mise en danger de notre foi dans des circonstances dangereuses.
Ce n’est pas parce que nous sommes des fils spirituels de Mgr Lefebvre que nous
sommes revêtus d’une cuirasse à toute épreuve. Encore une fois, l’expérience
amère des instituts Ecclesia Dei devrait nous maintenir dans une grande
circonspection. Non, l’amour de l’Eglise ne suffit hélas pas à prévenir toute
contagion de l’erreur insidieuse et bien installée du libéralisme.
Nous ne pouvons donc que recommander une grande prudence dans cette
question. Si l’accord conclu nous laisse une totale liberté de parole et
d’action, c’est à nos supérieurs de juger s’il est opportun d’en profiter pour
le bien de l’Eglise, tout en conservant l’unité de la Fraternité. Si ce n’est
pas le cas, nous pouvons légitimement craindre une atténuation des critiques
contre les erreurs modernes puis leur mise en sourdine et leur disparition,
ainsi que de graves troubles à l’intérieur de notre Fraternité. Ce n’est pas
casser le thermomètre qui fait disparaître la fièvre, mais ce n’est pas non
plus le ranger définitivement dans la boîte à coton.