SOURCE - Austin Ruse, thecatholicthing.org - version française par France Catholique - 11 mars 2011
J’ai eu envie de commencer cet article en déclarant que les cœurs traditionalistes commençaient à battre un peu plus fort quand un dialogue officiel commença à Rome l’automne dernier, dialogue susceptible d’amorcer un rapprochement entre la Fraternité Saint-Pie X et l’Église Catholique. Mais je ne suis pas persuadé que leurs cœurs se mettent à battre plus fort à l’idée d’une communion avec Rome. Ils sont dans leurs retranchements et ne reviendront vraisemblablement jamais, sauf si Vatican 2 est totalement abrogé et leur guide, Bernard Fellay est élu Pape Marcel Ier.
Les discussions ont échoué, c’était prévisible de l’avis de tous.
La Fraternité fit ses débuts dans la colère et la suspicion, et reconnaissons qu’il y avait quelques motifs. Elle est née au début des années 1970 quand tout semblait marcher sur la tête, y-compris l’Église.
Vatican 2 était survenu, et presque aussitôt piraté et perverti par les progressistes. La liturgie a été déracinée et parfois même dénaturée. Certains prêtres et nonnes commencèrent à négliger leurs vœux et même à se "cajoler". Quelques séminaristes Français à Rome allèrent trouver l’Archevêque Marcel Lefebvre, lui demandant que faire.
Il les orienta vers un séminaire suisse acceptable, puis fonda le sien, ainsi que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X pour les séminaristes qui étudiaient avec lui. Tout cela fit l’objet d’une approbation officielle. Qui ne dura guère. Au bout de quelques années l’approbation fut retirée, et en même temps Mgr Lefebvre fut démis de ses pouvoirs : il ne pourrait plus célébrer les sacrements, y-compris les ordinations. Il n’en eut cure.
En 1988, à l’âge de 81 ans, et sans l’approbation du Vatican, il ordonna quatre évêques afin de perpétuer son œuvre après sa mort. Ce qui entraîna son excommunication, et celle des quatre évêques. Jean-Paul II déclara que ces actes étaient constitutifs de schisme. Trois ans plus tard, Mgr Levebvre mourait sans s’être réconcilié avec l’Église.
On pourrait dire qu’obstination et arrogance étaient à la racine de la Fraternité. Ou bien que ce sont les deux jumelles engendrées par la Fraternité.
La base de leur plainte : les modernistes se sont emparés de l’Église qui est ainsi devenue un peu plus que du protestantisme. Ce n’est pas rien. Les documents issus de Vatican 2 sont pour beaucoup la cause de leur affliction. Ils rejettent la plupart, si ce n’est la totalité, du Concile. Ils rejettent indubitablement l’enseignement relatif à l’œcuménisme, ainsi que sur la liberté de conscience. Mgr Lefebvre lui-même avait travaillé sur le document traitant de la liberté de conscience, et faisait partie de la petite pincée parmi plus de 2000 évêques à voter contre.
Le Vatican a maintenu les contacts avec la Fraternité, jusqu’au niveau du Saint-Père. Paul VI a reçu Mgr Lefebvre, Jean-Paul II en fit autant. Et Benoît XVI a reçu son successeur, Fellay, en 2005. Peu après le Vatican a levé l’excommunication des quatre évêques, y-compris Fellay, en vue de préparer le terrain à des négociations pour les ramener au sein de l’Église.
Ces conversations officielles débutèrent l’automne dernier. Les commentaires de Fellay montrent que la discussion était faussée dès le début. Fellay déclarait voici quelques semaines sur le site internet de la Fraternité : « Nous souhaitons dire à Rome ce que l’Église a toujours enseigné, et par là montrer les contradictions entre l’enseignement séculaire et ce qui a été commis dans l’Église depuis le Concile. Voilà quel était notre but. » Et il poursuit, « il s’agit de faire comprendre à Rome ce qu’est la foi Catholique et, pourquoi pas, d’essayer de le faire comprendre encore mieux à toute l’Église. »
Fellay croyait-il vraiment qu’il mettrait l’Église au pas à propos de ce qu’Elle enseigne vraiment ? Et qu’enfin le redoutable Vatican 2 serait renégocié, ou, mieux, aboli ? Ou que les évêques de la Fraternité schismatique seraient enfin considérés par l’Église tels qu’ils se voient, c’est-à-dire les seuls authentiques enseignants magistraux de la foi catholique ?
En 1996 Mgr Fabian Bruskewitz, évêque de Lincoln (Nebraska) excommunia quiconque dans son diocèse appartenait à certains groupes qu’il qualifiait de "totalement incompatibles avec la foi Catholique." De même que le Planning familial, les Franc-Maçons et les Catholiques "pro-choix" (NDT : favorables à l’avortement), Mgr Bruskewitz pointait du doigt la Fraternité Saint Pie X. J’ai interrogé à New York un traditionaliste sage et grisonnant à ce sujet, et il répondit, indigné, en s’emballant, « parce qu’ils sont protestants ! » En fait il y a des milliers de catholiques traditionalistes qui évitent et même s’éloignent de la Fraternité Saint Pie X.
Les cœurs traditionalistes ont-ils battu plus fort à l’idée d’un dialogue officiel avec Rome ? Non, certes non. Les dirigeants — et sans doute la plupart des fidèles — de la Fraternité Saint Pie X restent dans leurs retranchements, et en sont heureux. Ils exultent dans leurs chapelles rebelles et se contentent de leurs sacrements illicites. Plus que tout leur désobéissance leur plait, et, même, les fait frétiller. Leurs cœurs n’ont pas battu plus fort à l’idée d’être en communion avec Rome car, à l’instar des dissidents se révélant après le Concile, ils sont persuadés que c’est Rome qui n’est pas en communion avec eux. Ces gens-là ne sont pas près de revenir un prochain jour. Jamais ?
Austin Ruse est président de Catholic Family & Human Rights Institute (C-FAM) [Institut de la famille catholique et des droits de l’homme], dont le siège est à New York et Washington. Cet institut se consacre exclusivement à la politique sociale internationale.