SOURCE - Paix Liturgique, lettre 275 - 24 mars 2011
Des sources proches de la Conférence des Évêques de France font connaître les résultats d’une enquête interne bouclée au 15 novembre 2010. Elle a été réalisée par la Commission pour les ministres ordonnés et laïcs en mission ecclésiale, présidée par Mgr Giraud, évêque de Soissons. Ces chiffres étaient très attendus par la CEF et dans les évêchés de France, où le pessimisme est de plus en plus noir (voir notre lettre n°238 du 9 juillet 2010 : « 2010 en France : jamais aussi peu de séminaristes et d’ordinations. Les chiffres donnés pour 2010-2011, après enquête auprès de tous les séminaires de France, ne sont pas propres à relever le moral. Ils sont encore plus mauvais que ceux de 2009-2010 : officiellement, le nombre des séminaristes diocésains (dans les séminaires, les Groupes de Formation Universitaire, les Séminaires universitaires, et avec les séminaristes en stage, inclus les séminaristes des DOM, de la Mission de France et du diocèse aux Armées) est passé de 756 séminaristes diocésains au 15 novembre 2009, à 732 au 15 novembre 2010, soit une nouvelle baisse de 3%.
Officiellement, car nous allons voir plus bas quels correctifs il convient d’adopter. En toute hypothèse, et au-delà des discussions toujours possibles sur tel ou tel chiffre, les tendances lourdes mises en évidence sont incontestables. Car, à condition de ne considérer que des chiffres arrondis, on parvient à des mesures de croissance ou de décroissance, de même qu’à des proportions et à des prospections relativement exactes.
Un effritement continu du nombre des séminaristes diocésains
Les évêques français sont dans la même disette que tous les évêques d’Europe occidentale, ce qui n’est pas une consolation, bien au contraire. Ceux de Belgique, d’Allemagne, de Suisse, sont encore plus pauvres. On apprend que la baisse en Espagne est impressionnante : 1.227 grands séminaristes cette année, pour 1.337 l’an passé, soit une chute de 9% en une année, que l’épiscopat espagnol camoufle un peu, en ajoutant aux chiffres des grands séminaires ceux des petits séminaires, qui existent encore dans la péninsule ibérique alors qu’ils ont pratiquement disparu en France : du coup, la baisse n’est que de 3,2%. Au total, le volume global des grands et petits séminaristes hispaniques est tombé de 24,3%, près du ¼, en 5 ans (http://www.conferenciaepiscopal.es/index.php/dia-del-seminario.html). Les séminaires italiens ne sont pas mieux lotis, leurs effectifs n’ayant jamais été si faibles : 15, 30, 40 séminaristes dans les plus grands diocèses, 139 pour l’énorme diocèse de Milan (voir l’enquête d’Il Foglio, commentée par le blog Messa in Latino : http://blog.messainlatino.it/2011/03/seminari-italiani-sempre-piu-vuoti.html).
Les chiffres donnés par la Conférence des Évêques de France à ses membres cherchent à cacher un peu la misère. Par exemple, en juin 2010, la CEF annonçait 83 ordinations diocésaines pour 2009/2010 (AFP, 23 juin 2010). Mais en novembre 2010, elle diffuse un nombre d’ordinations de 96, en précisant qu’il englobe « 11 hors cursus », ce qui du coup permet de noter un heureux « frémissement » (il y avait 89 ordinations diocésaines en 2009 ; 98 en 2008, 101 en 2007). Comment a été calculé ce chiffre plus rassurant ? Une (pure) hypothèse : nous avions nous-mêmes procédé à un ajustement, dans notre lettre n° 238, du 9 juillet 2010, en estimant que l’on pouvait rajouter aux 83 ordinations diocésaines décomptées, les 3 ordinations de la Communauté Saint-Martin et les 2 ordinations de la Communauté Saint-Thomas-Becket (institut bi-formaliste), qui ont l’une et l’autre des apostolats diocésains. Cela donnait 88 ordinations, auxquelles la CEF a peut-être ajouté aussi les 8 ordinations des communautés Ecclesia Dei non religieuses, ce qui est somme toute normal dans la mesure où ces prêtres français sont normalement appelés à exercer leur ministère en France.
Par ailleurs, les chiffres officiels des séminaires diocésains comptabilisent à juste titre les étudiants de communautés nouvelles (nous y reviendrons) qui vont être utilisés, après leur ordination, dans les rangs des prêtres diocésains. Mais ils comprennent aussi des religieux, des séminaristes étrangers envoyés par leurs diocèses d’origine pour une formation en France, et aussi, dans le cas du Séminaire français de Rome, des prêtres déjà ordonnés. De sorte que, l’an passé, en ajoutant séminaire par séminaire le nombre exact des candidats destinés effectivement aux diocèses de France, on arrivait à moins de 700. On peut penser que, vérification faite, il faudrait aussi réviser à la baisse le chiffre de 732 donné pour cette année (96 séminaristes sont, par exemple, de nationalité étrangère, soit 13%, et il n’est pas évident que tous visent une incardination en France).
De même, pour l’année de discernement, l’année de propédeutique, qui précède la première année en premier cycle, la Commission épiscopale annonce une hausse tout à fait étonnante : il y aurait 120 étudiants en 2010/2011, pour 80 seulement en 2009/2010. En réalité, à la rentrée 2009, le nombre des étudiants en propédeutique était d’au moins 140, et il est tombé en cours de cette année de discernement, ce qui est normal, à 80. 120 est en fait, cette année, le chiffre de départ.
Ceci précisé, on peut aussi apporter des correctifs en sens inverse :
· Concernant les chiffres de propédeutiques : en 1ère année de 1er cycle, un certain nombre de candidats entrent comme séminaristes, alors qu’ils n’ont pas été soumis à l’année de propédeutique (ils étaient 120, au 15 novembre 2010, en 1ère année de 1er cycle dans les séminaires diocésains).
· Concernant le nombre des séminaristes : on pourrait parfaitement rajouter au nombre des séminaristes diocésains français, la cinquantaine de séminaristes de la Communauté Saint-Martin, les religieux en formation de la Communauté Saint-Jean destinés à un apostolat dans les diocèses de France, les séminaristes du Chemin néo-catéchuménal formés dans des séminaires propres, dans la mesure où ils se destinent à un apostolat en France, et d’autres encore, membres de communautés comme la Communauté Saint-Thomas-Becket, déjà nommée. De sorte que l’on peut tenir pour globalement exact, à titre indicatif, le nombre donné par la CEF de jeunes gens qui se préparent en 2011 à être prêtres dans les diocèses de France, voire même à l’arrondir à 740.
Une croissance des séminaristes traditionnels
A/ Stabilité dans les chiffres, croissance dans les proportions :
Le décompte des séminaristes français « extraordinaires » est théoriquement beaucoup plus facile, à l’unité près. Il faut cependant apporter ici aussi des correctifs en deux sens : les séminaristes français des communautés Ecclesia Dei sont parfois envoyés dans des ministères étrangers ; mais inversement, certains séminaristes diocésains sont désormais expressément destinés à pratiquer la forme extraordinaire du rite romain (ceux de la Société missionnaire de la Divine miséricorde, dans le diocèse de Toulon, ou d’autres séminaristes diocésains individuels). On s’en tiendra donc ici aussi à des évaluations globales (mais basses) : 140 séminaristes « extraordinaires » français, dont 50 pour la FSSPX ; 40 étudiants en année de spiritualité (l’équivalent de la propédeutique, dont 17 pour la FSSPX).
La proportion de séminaristes à strictement parler « extraordinaires » (se destinant à la célébration habituelle de la forme extraordinaire) est donc de 16% (près de 20%, si on ajoute les séminaristes diocésains « extraordinaires », et qu’on les retranche des séminaristes diocésains « ordinaires »). Le chiffre en fait est stable – ce qui est déjà considérable –, mais la proportion est en croissance (à cause de la décroissance des « ordinaires »). De même, le chiffre des entrées « extraordinaires » en année de spiritualité reste stable (42, pour 41 l’an passé) mais, comme nous l’avions déjà noté (Lettre n°199 du 12 octobre 2009), la proportion est, quant à elle, en franche progression : avec tous correctifs à la baisse, ces étudiants sont (plus de) 33% des étudiants en discernement en 2010, pour (plus de) 23% en 2009. Il est donc probable que le chiffre des ordinations « extraordinaires » restera lui aussi stable dans les années à venir, mais que la proportion (15 % aujourd’hui) va continuer à croître.
B/ La croissance « Motu Proprio » :
Mais si nous parlons de croissance du nombre des séminaristes traditionnels (et pas seulement de leur proportion), c’est qu’elle se manifeste désormais hors des instituts traditionnels spécialisés.
Il convient tout d’abord de faire, au vu des chiffres donnés en interne par la CEF, une rectification notable concernant les communautés nouvelles. Une opinion répandue, que nous avons nous-mêmes partagée sans vérification, voulait que les foyers de vocations les plus importants en France étaient à égalité les traditionalistes et les communautés nouvelles (dites encore charismatiques). Or, sur 732 séminaristes officiellement recensés par la CEF, 68 seulement sont issus de communautés nouvelles (dont 27 de l’Emmanuel et 23 du Chemin néo-catéchuménal, ce dernier de recrutement largement étranger, plus une poussière de communautés avec chacune 1 à 3 séminaristes). Autrement dit, sur 880 séminaristes français (740 ordinaires et 140 extraordinaires), l’apport des traditionalistes est le double de celui des communautés nouvelles : environ 16% de séminaristes traditionalistes pour 8% de séminaristes des communautés nouvelles (si on ajoutait les séminaristes des Communautés Saint-Martin et autres, qui ne sont « communautés nouvelles » qu’au sens large de communautés récentes, on arriverait à 11%). En fait, les séminaristes français de la FSSPX sont aussi nombreux que ceux de l’Emmanuel et du Chemin néo-catéchuménal réunis (et dans l’hypothèse d’une régularisation canonique, ils vont logiquement s’accroître).
Il faut surtout noter que les responsables diocésains et les cadres des séminaires constatent qu’une proportion notable des séminaristes « ordinaires » (20%, parfois plus, avec l’exception notable, pour l’instant, des maisons parisiennes) se déclarent désormais ouvertement de tendance traditionalisante, sous la forme d’une revendication bi-formaliste.
Il n’est d’ailleurs pas impossible que, toutes choses égales, on reste ici aussi à un niveau stable – ce qui est, de nos jours, énorme –, mais que la croissance soit également dans la proportion entre eux et les autres séminaristes (globalement classiques, il faut le dire). Le monde ecclésiastique « esprit du Concile », même en sa version modérée, s’étiole toujours plus. Inversement, la tendance conservatrice de l’institution ecclésiale reste ce qu’elle est, et même s’affirme bien plus facilement. Compte tenu la raréfaction du clergé français (un peu plus de 8.000 prêtres en activité, dont l’âge moyen dépasse 65 ans, 800 disparaissant chaque année, certains diocèses se préparant à avoir ou ayant déjà seulement une grosse dizaine de prêtres en activité), on peut prévoir que plus de la moitié des prêtres français seront bientôt traditionalisants, c'est-à-dire d’esprit Motu Proprio), sans pouvoir préciser dans combien de temps (10 ans ?), et constater que la moitié des séminaristes ne va pas tarder à l’être.
Mais ceci au sein d’une réduction des forces catholiques qui sera toujours plus impressionnante. S’agissant ici de vocations, il faut aussi prendre en compte le fait que la pression de la sécularisation use beaucoup la persévérance dans le sacerdoce et la vie religieuse : pour le dire clairement, le nombre des « départs », après quelques années de sacerdoce ou de vie religieuse, mais aussi après 10 ans, 15 ans, est extrêmement élevé, toutes tendances et toutes sensibilités confondues.
NOS REMARQUES
1/ Il semble que le vivier des vocations traditionnelles, sans être indéfiniment extensible, peut être encore augmenté. A supposer, dans la meilleure hypothèse, que des diocèses s’organisent de manière décidée pour les accueillir comme telles (comme commencent à le faire les diocèses de Lyon et de Toulon), on peut imaginer :
· Qu’un certain nombre de vocations qui se dirigent aujourd’hui vers les communautés Ecclesia Dei (auxquelles on peut adjoindre la future structure officielle de la FSSPX), se présenteraient plus volontiers dans les diocèses. Ce qui d’ailleurs n’enlèverait pas aux communautés en question, et pour longtemps encore, leur intérêt supplétif ni leur rôle d’aiguillon.
· Que des vocations aujourd’hui perdues, car elles ne veulent pas s’agréger à des communautés Ecclesia Dei ou à la FSSPX et ne peuvent pas, compte tenu de leur spécificité, rejoindre des diocèses, pourraient être accueillies.
· Enfin, que l’accroissement d’un « milieu vital » traditionnel ou traditionalisant ferait grandir le nombre des candidats dans les séminaires et les maisons religieuses.
2/ Car, outre leur accueil par les diocèses, la croissance de ce type de ces vocations qui restent est liée :
· à une mutation liturgique (développement de la liturgie traditionnelle ; rectification traditionalisante de la liturgie ordinaire en un certain nombre de lieux, notamment dans les cathédrales) ;
· à une rectification catéchétique (outre l’enseignement donnée dans les centres traditionnels, on peut imaginer des paroisses pilotes de ce point de vue) ;
· et à un redressement déjà commencé en certains endroits, mais qui pourrait devenir une politique déterminée, de l’enseignement catholique (développement de l’enseignement catholique hors contrat, y compris sous initiative diocésaine ; instauration d’un ou plusieurs établissements catholiques modèles sous contrat par diocèse), en lien avec des familles motivées et « militantes » ;
· sans oublier l’utilisation des mouvements de jeunesse pour un encadrement liturgique, catéchétique et spirituel traditionnels.
3/ Cependant, on est aujourd’hui dans une période indécise : les conditions pour un certain retournement de situation dans un sens traditionnel commencent à être remplies ; mais ce retournement n’est encore mis en œuvre que de manière très timide, sans pratiquement aucune visibilité institutionnelle. Que peut-il alors arriver ? Plusieurs points sont à considérer :
· Le monde traditionaliste qui, avec ses défauts, aurait vocation à être le « noyau dur » de cette restauration, reste encore maintenu aux marges du monde catholique officiel. Il est vrai que c’est aussi sa force : il est constitué d’un ensemble d’œuvres, mouvements, écoles, associations de laïcs beaucoup plus libres vis-à-vis d’une hiérarchie qui reste très « esprit du concile » que les groupes équivalents, de tendance traditionalisante, intégrés au monde catholique officiel français.
· Car le poids de l’idéologie « esprit du Concile » reste très lourd au sein des diocèses, ce qui restreint énormément la marge de manœuvre des « traditionnels » internes au monde ecclésiastique établi. D’ailleurs, certains d’entre eux, selon une loi qui se vérifie toujours dans les affrontements idéologiques sévères et persistants, intègrent en eux-mêmes la pression externe : ils s’autocensurent volontiers et amoindrissent par précaution préalable chacune de leurs positions restauratrices.
· En réalité, un vrai retournement ne peut être que le fait que de responsables ecclésiastiques, spécialement – mais pas seulement – d’évêques. Ils pourraient être nommés dans cette perspective, mais il n’existe manifestement pas de politique romaine vraiment résolue à cet égard : la dernière édition du Trombinoscope de Golias note à juste titre, dans son introduction, que la nonciature et le Saint-Siège procèdent en France par saupoudrage de quelques prélats à tendance traditionnelle, destinés à piquer d’émulation par une « contagion progressive » plus modérés qu’eux.
· Cependant, le glissement vers des positions plus traditionnelles des responsables existants ou récemment nommés, pour sembler faible, n’en est pas moins réel. L’aboutissement du retournement en cours est inévitable, même si les voies qu’il peut emprunter restent cachés dans les mystères insondables de la Providence et seront les fruits d’un Esprit dont le souffle déjoue tout calcul humain. Il faut beaucoup prier et implorer pour que ce souffle soit puissant, dévastateur, car on ne voit pas comment ce renversement religieux pourrait intervenir indépendamment d’une visée de reconstruction sociale à matrice catholique. Mais ceci est une autre histoire, ou plutôt cela relève du sens de l’Histoire, celle dont le Christ est Seigneur.
Officiellement, car nous allons voir plus bas quels correctifs il convient d’adopter. En toute hypothèse, et au-delà des discussions toujours possibles sur tel ou tel chiffre, les tendances lourdes mises en évidence sont incontestables. Car, à condition de ne considérer que des chiffres arrondis, on parvient à des mesures de croissance ou de décroissance, de même qu’à des proportions et à des prospections relativement exactes.
Un effritement continu du nombre des séminaristes diocésains
Les évêques français sont dans la même disette que tous les évêques d’Europe occidentale, ce qui n’est pas une consolation, bien au contraire. Ceux de Belgique, d’Allemagne, de Suisse, sont encore plus pauvres. On apprend que la baisse en Espagne est impressionnante : 1.227 grands séminaristes cette année, pour 1.337 l’an passé, soit une chute de 9% en une année, que l’épiscopat espagnol camoufle un peu, en ajoutant aux chiffres des grands séminaires ceux des petits séminaires, qui existent encore dans la péninsule ibérique alors qu’ils ont pratiquement disparu en France : du coup, la baisse n’est que de 3,2%. Au total, le volume global des grands et petits séminaristes hispaniques est tombé de 24,3%, près du ¼, en 5 ans (http://www.conferenciaepiscopal.es/index.php/dia-del-seminario.html). Les séminaires italiens ne sont pas mieux lotis, leurs effectifs n’ayant jamais été si faibles : 15, 30, 40 séminaristes dans les plus grands diocèses, 139 pour l’énorme diocèse de Milan (voir l’enquête d’Il Foglio, commentée par le blog Messa in Latino : http://blog.messainlatino.it/2011/03/seminari-italiani-sempre-piu-vuoti.html).
Les chiffres donnés par la Conférence des Évêques de France à ses membres cherchent à cacher un peu la misère. Par exemple, en juin 2010, la CEF annonçait 83 ordinations diocésaines pour 2009/2010 (AFP, 23 juin 2010). Mais en novembre 2010, elle diffuse un nombre d’ordinations de 96, en précisant qu’il englobe « 11 hors cursus », ce qui du coup permet de noter un heureux « frémissement » (il y avait 89 ordinations diocésaines en 2009 ; 98 en 2008, 101 en 2007). Comment a été calculé ce chiffre plus rassurant ? Une (pure) hypothèse : nous avions nous-mêmes procédé à un ajustement, dans notre lettre n° 238, du 9 juillet 2010, en estimant que l’on pouvait rajouter aux 83 ordinations diocésaines décomptées, les 3 ordinations de la Communauté Saint-Martin et les 2 ordinations de la Communauté Saint-Thomas-Becket (institut bi-formaliste), qui ont l’une et l’autre des apostolats diocésains. Cela donnait 88 ordinations, auxquelles la CEF a peut-être ajouté aussi les 8 ordinations des communautés Ecclesia Dei non religieuses, ce qui est somme toute normal dans la mesure où ces prêtres français sont normalement appelés à exercer leur ministère en France.
Par ailleurs, les chiffres officiels des séminaires diocésains comptabilisent à juste titre les étudiants de communautés nouvelles (nous y reviendrons) qui vont être utilisés, après leur ordination, dans les rangs des prêtres diocésains. Mais ils comprennent aussi des religieux, des séminaristes étrangers envoyés par leurs diocèses d’origine pour une formation en France, et aussi, dans le cas du Séminaire français de Rome, des prêtres déjà ordonnés. De sorte que, l’an passé, en ajoutant séminaire par séminaire le nombre exact des candidats destinés effectivement aux diocèses de France, on arrivait à moins de 700. On peut penser que, vérification faite, il faudrait aussi réviser à la baisse le chiffre de 732 donné pour cette année (96 séminaristes sont, par exemple, de nationalité étrangère, soit 13%, et il n’est pas évident que tous visent une incardination en France).
De même, pour l’année de discernement, l’année de propédeutique, qui précède la première année en premier cycle, la Commission épiscopale annonce une hausse tout à fait étonnante : il y aurait 120 étudiants en 2010/2011, pour 80 seulement en 2009/2010. En réalité, à la rentrée 2009, le nombre des étudiants en propédeutique était d’au moins 140, et il est tombé en cours de cette année de discernement, ce qui est normal, à 80. 120 est en fait, cette année, le chiffre de départ.
Ceci précisé, on peut aussi apporter des correctifs en sens inverse :
· Concernant les chiffres de propédeutiques : en 1ère année de 1er cycle, un certain nombre de candidats entrent comme séminaristes, alors qu’ils n’ont pas été soumis à l’année de propédeutique (ils étaient 120, au 15 novembre 2010, en 1ère année de 1er cycle dans les séminaires diocésains).
· Concernant le nombre des séminaristes : on pourrait parfaitement rajouter au nombre des séminaristes diocésains français, la cinquantaine de séminaristes de la Communauté Saint-Martin, les religieux en formation de la Communauté Saint-Jean destinés à un apostolat dans les diocèses de France, les séminaristes du Chemin néo-catéchuménal formés dans des séminaires propres, dans la mesure où ils se destinent à un apostolat en France, et d’autres encore, membres de communautés comme la Communauté Saint-Thomas-Becket, déjà nommée. De sorte que l’on peut tenir pour globalement exact, à titre indicatif, le nombre donné par la CEF de jeunes gens qui se préparent en 2011 à être prêtres dans les diocèses de France, voire même à l’arrondir à 740.
Une croissance des séminaristes traditionnels
A/ Stabilité dans les chiffres, croissance dans les proportions :
Le décompte des séminaristes français « extraordinaires » est théoriquement beaucoup plus facile, à l’unité près. Il faut cependant apporter ici aussi des correctifs en deux sens : les séminaristes français des communautés Ecclesia Dei sont parfois envoyés dans des ministères étrangers ; mais inversement, certains séminaristes diocésains sont désormais expressément destinés à pratiquer la forme extraordinaire du rite romain (ceux de la Société missionnaire de la Divine miséricorde, dans le diocèse de Toulon, ou d’autres séminaristes diocésains individuels). On s’en tiendra donc ici aussi à des évaluations globales (mais basses) : 140 séminaristes « extraordinaires » français, dont 50 pour la FSSPX ; 40 étudiants en année de spiritualité (l’équivalent de la propédeutique, dont 17 pour la FSSPX).
La proportion de séminaristes à strictement parler « extraordinaires » (se destinant à la célébration habituelle de la forme extraordinaire) est donc de 16% (près de 20%, si on ajoute les séminaristes diocésains « extraordinaires », et qu’on les retranche des séminaristes diocésains « ordinaires »). Le chiffre en fait est stable – ce qui est déjà considérable –, mais la proportion est en croissance (à cause de la décroissance des « ordinaires »). De même, le chiffre des entrées « extraordinaires » en année de spiritualité reste stable (42, pour 41 l’an passé) mais, comme nous l’avions déjà noté (Lettre n°199 du 12 octobre 2009), la proportion est, quant à elle, en franche progression : avec tous correctifs à la baisse, ces étudiants sont (plus de) 33% des étudiants en discernement en 2010, pour (plus de) 23% en 2009. Il est donc probable que le chiffre des ordinations « extraordinaires » restera lui aussi stable dans les années à venir, mais que la proportion (15 % aujourd’hui) va continuer à croître.
B/ La croissance « Motu Proprio » :
Mais si nous parlons de croissance du nombre des séminaristes traditionnels (et pas seulement de leur proportion), c’est qu’elle se manifeste désormais hors des instituts traditionnels spécialisés.
Il convient tout d’abord de faire, au vu des chiffres donnés en interne par la CEF, une rectification notable concernant les communautés nouvelles. Une opinion répandue, que nous avons nous-mêmes partagée sans vérification, voulait que les foyers de vocations les plus importants en France étaient à égalité les traditionalistes et les communautés nouvelles (dites encore charismatiques). Or, sur 732 séminaristes officiellement recensés par la CEF, 68 seulement sont issus de communautés nouvelles (dont 27 de l’Emmanuel et 23 du Chemin néo-catéchuménal, ce dernier de recrutement largement étranger, plus une poussière de communautés avec chacune 1 à 3 séminaristes). Autrement dit, sur 880 séminaristes français (740 ordinaires et 140 extraordinaires), l’apport des traditionalistes est le double de celui des communautés nouvelles : environ 16% de séminaristes traditionalistes pour 8% de séminaristes des communautés nouvelles (si on ajoutait les séminaristes des Communautés Saint-Martin et autres, qui ne sont « communautés nouvelles » qu’au sens large de communautés récentes, on arriverait à 11%). En fait, les séminaristes français de la FSSPX sont aussi nombreux que ceux de l’Emmanuel et du Chemin néo-catéchuménal réunis (et dans l’hypothèse d’une régularisation canonique, ils vont logiquement s’accroître).
Il faut surtout noter que les responsables diocésains et les cadres des séminaires constatent qu’une proportion notable des séminaristes « ordinaires » (20%, parfois plus, avec l’exception notable, pour l’instant, des maisons parisiennes) se déclarent désormais ouvertement de tendance traditionalisante, sous la forme d’une revendication bi-formaliste.
Il n’est d’ailleurs pas impossible que, toutes choses égales, on reste ici aussi à un niveau stable – ce qui est, de nos jours, énorme –, mais que la croissance soit également dans la proportion entre eux et les autres séminaristes (globalement classiques, il faut le dire). Le monde ecclésiastique « esprit du Concile », même en sa version modérée, s’étiole toujours plus. Inversement, la tendance conservatrice de l’institution ecclésiale reste ce qu’elle est, et même s’affirme bien plus facilement. Compte tenu la raréfaction du clergé français (un peu plus de 8.000 prêtres en activité, dont l’âge moyen dépasse 65 ans, 800 disparaissant chaque année, certains diocèses se préparant à avoir ou ayant déjà seulement une grosse dizaine de prêtres en activité), on peut prévoir que plus de la moitié des prêtres français seront bientôt traditionalisants, c'est-à-dire d’esprit Motu Proprio), sans pouvoir préciser dans combien de temps (10 ans ?), et constater que la moitié des séminaristes ne va pas tarder à l’être.
Mais ceci au sein d’une réduction des forces catholiques qui sera toujours plus impressionnante. S’agissant ici de vocations, il faut aussi prendre en compte le fait que la pression de la sécularisation use beaucoup la persévérance dans le sacerdoce et la vie religieuse : pour le dire clairement, le nombre des « départs », après quelques années de sacerdoce ou de vie religieuse, mais aussi après 10 ans, 15 ans, est extrêmement élevé, toutes tendances et toutes sensibilités confondues.
NOS REMARQUES
1/ Il semble que le vivier des vocations traditionnelles, sans être indéfiniment extensible, peut être encore augmenté. A supposer, dans la meilleure hypothèse, que des diocèses s’organisent de manière décidée pour les accueillir comme telles (comme commencent à le faire les diocèses de Lyon et de Toulon), on peut imaginer :
· Qu’un certain nombre de vocations qui se dirigent aujourd’hui vers les communautés Ecclesia Dei (auxquelles on peut adjoindre la future structure officielle de la FSSPX), se présenteraient plus volontiers dans les diocèses. Ce qui d’ailleurs n’enlèverait pas aux communautés en question, et pour longtemps encore, leur intérêt supplétif ni leur rôle d’aiguillon.
· Que des vocations aujourd’hui perdues, car elles ne veulent pas s’agréger à des communautés Ecclesia Dei ou à la FSSPX et ne peuvent pas, compte tenu de leur spécificité, rejoindre des diocèses, pourraient être accueillies.
· Enfin, que l’accroissement d’un « milieu vital » traditionnel ou traditionalisant ferait grandir le nombre des candidats dans les séminaires et les maisons religieuses.
2/ Car, outre leur accueil par les diocèses, la croissance de ce type de ces vocations qui restent est liée :
· à une mutation liturgique (développement de la liturgie traditionnelle ; rectification traditionalisante de la liturgie ordinaire en un certain nombre de lieux, notamment dans les cathédrales) ;
· à une rectification catéchétique (outre l’enseignement donnée dans les centres traditionnels, on peut imaginer des paroisses pilotes de ce point de vue) ;
· et à un redressement déjà commencé en certains endroits, mais qui pourrait devenir une politique déterminée, de l’enseignement catholique (développement de l’enseignement catholique hors contrat, y compris sous initiative diocésaine ; instauration d’un ou plusieurs établissements catholiques modèles sous contrat par diocèse), en lien avec des familles motivées et « militantes » ;
· sans oublier l’utilisation des mouvements de jeunesse pour un encadrement liturgique, catéchétique et spirituel traditionnels.
3/ Cependant, on est aujourd’hui dans une période indécise : les conditions pour un certain retournement de situation dans un sens traditionnel commencent à être remplies ; mais ce retournement n’est encore mis en œuvre que de manière très timide, sans pratiquement aucune visibilité institutionnelle. Que peut-il alors arriver ? Plusieurs points sont à considérer :
· Le monde traditionaliste qui, avec ses défauts, aurait vocation à être le « noyau dur » de cette restauration, reste encore maintenu aux marges du monde catholique officiel. Il est vrai que c’est aussi sa force : il est constitué d’un ensemble d’œuvres, mouvements, écoles, associations de laïcs beaucoup plus libres vis-à-vis d’une hiérarchie qui reste très « esprit du concile » que les groupes équivalents, de tendance traditionalisante, intégrés au monde catholique officiel français.
· Car le poids de l’idéologie « esprit du Concile » reste très lourd au sein des diocèses, ce qui restreint énormément la marge de manœuvre des « traditionnels » internes au monde ecclésiastique établi. D’ailleurs, certains d’entre eux, selon une loi qui se vérifie toujours dans les affrontements idéologiques sévères et persistants, intègrent en eux-mêmes la pression externe : ils s’autocensurent volontiers et amoindrissent par précaution préalable chacune de leurs positions restauratrices.
· En réalité, un vrai retournement ne peut être que le fait que de responsables ecclésiastiques, spécialement – mais pas seulement – d’évêques. Ils pourraient être nommés dans cette perspective, mais il n’existe manifestement pas de politique romaine vraiment résolue à cet égard : la dernière édition du Trombinoscope de Golias note à juste titre, dans son introduction, que la nonciature et le Saint-Siège procèdent en France par saupoudrage de quelques prélats à tendance traditionnelle, destinés à piquer d’émulation par une « contagion progressive » plus modérés qu’eux.
· Cependant, le glissement vers des positions plus traditionnelles des responsables existants ou récemment nommés, pour sembler faible, n’en est pas moins réel. L’aboutissement du retournement en cours est inévitable, même si les voies qu’il peut emprunter restent cachés dans les mystères insondables de la Providence et seront les fruits d’un Esprit dont le souffle déjoue tout calcul humain. Il faut beaucoup prier et implorer pour que ce souffle soit puissant, dévastateur, car on ne voit pas comment ce renversement religieux pourrait intervenir indépendamment d’une visée de reconstruction sociale à matrice catholique. Mais ceci est une autre histoire, ou plutôt cela relève du sens de l’Histoire, celle dont le Christ est Seigneur.