SOURCE - Abbé Xavier Beauvais, fsspx - mis en ligne par La Porte Latine - mars 2011
Si dans la gloire du ciel, le Cœur de Jésus ne cesse de vivifier l’humanité, le cœur immortel de sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire de la France (1) ne cesse de vivifier le cœur des Français. Il nous a dit en saint Luc : « Tout disciple sera parfait, s’il est comme son maître », une parole qui ne peut mieux s’appliquer à celle que nous fêterons publiquement ce 8 mai prochain, elle, la reproduction fidèle de son Maître.
Ce qui fait la sainteté d’une âme, ce ne sont pas les prodiges, ni les actions extraordinaires, ni les révélations, ni les charismes, tout ceci n’en est le plus souvent que la confirmation et le signe. La sainteté, c’est l’héroïsme des vertus. Cet héroïsme - l’Eglise dit « héroïcité » - est la pratique courante, empressée, courageuse, des vertus chrétiennes ramenées aux vertus théologales de foi, espérance, charité et aux vertus morales cardinales de prudence, force, justice et tempérance (2).
Héroïcité de ses vertus
Nous voyons tout cela dans la sainte de la patrie.
Sa foi. Entendez Jeanne dire : « Je crois fermement que je n’ai pas défailli en notre foi chrétienne et n’y voudrais défaillir ».
Son espérance. Elle répète sans cesse à ses juges : « Je m’en attends à Notre-Seigneur ». Et devant le bûcher, elle assure : « Avec la grâce de Dieu, je serai ce soir en paradis ».
Sa piété. Elle prie autant qu’elle agit. Engagée dans le temporel, elle vit avec le ciel.
Son amour de Dieu. « Je serais la plus dolente du monde si je savais n’être pas en la grâce de Dieu ». Sa charité ne s’arrête pas à la fuite du péché grave. Elle se confesse très souvent de ses légères défaillances. « On ne saurait trop, disait-elle, nettoyer sa conscience ». Son amour de Dieu s’élèvera aux plus hautes cimes de l’héroïsme.
Son amour du prochain. Elle aimait tout ce qu’un bon chrétien doit aimer. L’Eglise, la France, pouvait-elle les aimer plus qu’elle ne l’a fait ? Les pauvres, les affligés, les blessés, les ennemis eux-mêmes, leur part était belle en son cœur.
Sa justice. Elle est venue rétablir la justice et le droit en France. Elle les révère dans celui qui les incarne : le roi légitime.
Son humilité. Elle résiste à la griserie des honneurs et des succès.
Sa tempérance. Elle jeûne tous les vendredis et mange à peine, même un jour de combat.
Sa chasteté. Le ciel la nomme « la Pucelle » avec tout ce que ce mot peut renfermer de noblesse : la vierge par excellence, et les hommes l’appelleront l’Angélique. Sa pureté rayonnante en imposait aux plus libertins.
Sa force. Qu’elle affronte les dangers de la guerre ou les politiciens et les juges, sa vie n’est pour ainsi dire qu’un acte continu de courage physique et moral dont ce n’est pas assez dire qu’il fut héroïque ; toute la force divine y est éclatante.
C’est ce courage qu’admirait et imitait sainte Thérèse de Lisieux ; les futures patronnes de France étaient bien faites pour s’entendre. Le Père Clérissac résume bien toutes ces vertus en un admirable passage de ses oeuvres :
« La sainteté de Jeanne n’emprunte-t-elle pas toutes les grâces de la nature ? Sa souplesse sous la touche constante de Dieu ne fait pas fléchir sa vitalité ; elle est toute solidité et toute fraîcheur. Elle est toute robustesse et tout charme, elle est toute réserve et tout élan. Elle est toute simplicité et toute indépendance, toute profondeur et tout jaillissement, toute douceur et toute force. Par la fusion et l’unité des dons les plus disparates, Jeanne n’a sans doute pas d’égale dans l’histoire. Elle a ce bon sens surélevé par la foi et sa foi est une participation à la lumière du Verbe. Son courage naturel est surélevé par la charité théologale et cette charité est participation au feu du Saint-esprit. C’est cette union suréminente à Dieu-Trinité qui inspire chaque étape de sa vie, la vie cachée de Domrémy, la vie publique et glorieuse d’Orléans à Reims, et la vie douloureuse de Compiègne à Rouen ».
Jeanne à travers l’histoire
L’occasion nous sera donnée, à la veille des six cents ans de sa naissance de voir Jeanne d’Arc à travers l’histoire. Le XVIIIe siècle fut un siècle cruel pour la France ; il vit entre autres choses, s’installer la franc-maçonnerie qui, aujourd’hui encore hélas nous gouverne.
Dans le XVIIIe siècle finissant, c’est le déchaînement des passions, les envies, les haines, les meurtres. La révolution gronde et le règne de Satan est là, profanant les autels, profanations de ce genre qui sont d’ailleurs les plus oubliées, celles dont on ne parle jamais. La terre de France, à cette époque, boit le sang de ses meilleurs enfants. Le signe de sainte Jeanne d’Arc disparu, la royauté du Christ rejetée, les institutions chrétiennes démantelées, c’est la chute des ténèbres sur la France, sur les âmes. Voltaire, singe de la révolution, avait précipité ce siècle, néfaste entre tous, dans l’ignominie et ce siècle s’achevait comme Mirabeau l’avait demandé : « Il faut décatholiciser la France pour la démonarchiser et la démocratiser pour la décatholiciser » ; chose à laquelle s’emploiera aussi le « stupide XIXe siècle» (3). Antithèsemême du programme politique apporté du ciel par la vierge de Domrémy, ange de la contrerévolution, exemple éminent de la justice politique chrétienne.
Mais avec le XIXe siècle va naître, malgré tout, une véritable admiration pour la libératrice de la Patrie. Deux courants se dessineront. L’un rationaliste qui cherchera à creuser un fossé entre Jeanne et l’Eglise, faisant de notre héroïne une idole païenne ; l’autre, catholique qui explore, pour mieux s’en inspirer, l’esprit divin de sa mission.
La libre pensée fait de Jeanne d’Arc une héroïne de la liberté, martyrisée par l’Eglise ; elle s’empare de cette victime qu’elle seule affirme comprendre et aimer. Mais l’embarras de la libre-pensée reste grand, quand ébloui par le divin, il bute à chaque pas devant la manifestation permanente de Dieu. Elle ne peut cependant pas nier le fait historique le plus sensationnel de notre histoire. Mais si elle ne peut taire Jeanne, elle va supprimer le caractère sacré de sa mission, affirmant sans aucune gêne intellectuelle que le succès et l’originalité de Jeanne c’est son bon sens et que ses actes sont de la magie ou de la folie, sans intervention surnaturelle. Voilà où en arrive un rationaliste : admirer la déraison, la folie pour persécuter Jeanne, dépouillée de tout surnaturel.
Mais ce qu’il y a encore de plus sain en France, se rassemble sous la bannière de Jeanne. L’abbé Pie, devenu cardinal, donne ce si beau panégyrique.
« Ô Dieu dont les voies sont belles, soyez béni d’avoir fait notre Jeanne si belle, si sainte, si immaculée, par l’esprit et par le cœur. Je ne connais rien de plus français que Jeanne d’Arc, rien de plus mystique et rien de plus naïf ; en elle, la nature et la grâce se sont embrassées comme sœurs, l’inspiration divine a laissé toute sa part au génie national, tout son libre développement au caractère français. Elle est du ciel et de la terre ; c’est une martyre qui pleure, c’est une sainte qui n’a pas d’autel. Modèle à offrir aux conditions les plus diverses, à la fille des pâtres et à la fille des rois, à la femme du siècle et à la vierge du cloître, aux prêtres et aux guerriers, aux heureux de ce monde et à ceux qui souffrent ».
Venir vénérer la Sainte de la Patrie
Tout ce qui reste de chrétien et de patriote dans notre France doit avoir le souci réel de venir le 8 mai vénérer notre sainte pour notre pays. Nous ne voulons pas que sainte Jeanne d’Arc soit déguisée, affublée de l’impossible bonnet phrygien, nous n’acceptons pas de la voir porter l’étendard de la révolte en main. Pour un peu, certains lui feraient porter la rose au poing ou bientôt le croissant. Non, sainte Jeanne d’Arc, c’est l’héroïne des catholiques et de tous ceux qui voient aujourd’hui en elle, le symbole de la force contre les puissances du mal. Elle est, certes, un signe de ralliement pour toutes les âmes qui veulent redonner à Dieu sa place dans la société. Et c’est pour cela que Jeanne a toujours été insupportable à tous ceux qui ne sont que l’écume frappée par la révolution, ainsi le ministre ou le sinistre Gambetta qui avait osé dire, en son temps : « Jeanne a été le fléau de l’humanité ».
La nomenclature des agents de la révolution qui s’acharnent contre l’ascension de la sainte de la patrie, serait effarante. Tous leurs écrits sentent la haine. Et pourtant, à côté de ceux qui ne nous intéressent point, ont vécu de grands panégyristes qui ont su montrer les forces qui animaient notre sainte : ténacité, sens de l’honneur, sens du service de la patrie. Les affirmations publiques ont ainsi poussé en cour de Rome, la cause de Jeanne. Le cœur de Jésus a des délicatesses que nous n’apprécions pas assez : ce fut le cardinal Howard, un anglais, qui fut le premier postulateur de sa canonisation. Et c’est le cardinal Manning, un autre anglais qui écrivait : « l’exemple de sa foi et de son héroïsme peut aujourd’hui sauver la France d’un ennemi pire que les anglais autrefois : la révolution athée qui l’afflige et qui l’opprime ».
Etre pleinement catholique
Nous prierons le 8 mai dans les rues, pour qu’un jour, Jeanne, oui pourquoi pas, Jeanne tire encore son glaive contre d’autres troupes infernales. Mais, pour en arriver là, sainte Jeanne d’Arc nous demande de passer par le sacrifice, de ne pas adultérer les principes de notre foi catholique, de ne pas briser, non plus, la force du caractère français, de ne pas craindre que la cloche funèbre vienne troubler le sommeil des révolutionnaires, de ne pas se faire brebis par lâcheté, de ne pas calculer avec eux, car dans ces agissements, il n’y a ni la franchisse des Français, ni la dignité du caractère chrétien, ni le secret de l’avenir, ni le trésor du passé.
Le jour où nous aurons vraiment compris qu’il faut être pleinement catholique, alors tout sera changé. Pleinement catholiques par notre exemple, dans nos conversations, dans la famille, par notre langage, par notre tenue même, le jour où nous aurons montré que le titre de catholique n’est pas seulement un titre ou une façade, mais une manière d’être un caractère, alors tout changera. Le jour où nous aurons compris qu’être catholique exige une manière de vivre éloignée de toute mondanité, de tout opportunisme, le jour où nous aurons décidé de vivre pleinement en catholique, priant, communiant, nous confessant régulièrement à commencer par les chefs, les chefs de famille, alors tout changera et le monde se refera chrétien.
Les grandes âmes, et soyons-en, les saintes âmes, et soyons-en, communiant dans une même espérance de la régénération de la France dans le Christ-Roi des nations, adresseront ce jour là au ciel des supplications. Notre pays sans aucun doute vit des moments tragiques, étant sous la coupe de tout ce qui peut être sans âme, sans foi, sans loi, sans droit. Il faut ranimer notre flamme, la flamme de notre foi, la flamme de notre pratique religieuse, la flamme de nos convictions, et comment la ranimer, sinon en le demandant le 8 mai à notre sainte Jeanne.
Nous porterons nos yeux sur la sainte de notre patrie. Paysanne de nos marches de l’Est, fidèle à son sol, fidèle à son prince, fidèle à son Dieu, Jeanne a, de son étendard, tracé le plus lumineux sillon de notre histoire. Martyre de l’unité nationale, Jeanne d’Arc, patronne de nos villages et de nos villes, est le symbole de la France. Aimons-la, vénérons-la, présentons-lui les armes de notre fidélité catholique et de notre espérance.
C’est là tout le sens que nous aurons tous à cœur de donner au défilé du 8 mai 2011.
Abbé Xavier BEAUVAIS
(1) béatifiée par saint Pie X ; canonisée par Benoît XV ; désignée patronne secondaire de la France par un bref de Pie XI.
(2) Décret en 1904 de saint Pie X proclamant l’héroïcité des vertus de Jeanne d’Arc ;
(3) Titre d’un ouvrage de Léon Daudet.
(2) Décret en 1904 de saint Pie X proclamant l’héroïcité des vertus de Jeanne d’Arc ;
(3) Titre d’un ouvrage de Léon Daudet.