SOURCE - Andrea Tornielli - Vatican Insider - 6 mai 2012
La
réponse envoyée au Vatican le 17 Avril par Mgr Bernard Fellay sera
examinée dans les prochains jours par les cardinaux et les évêques lors
de la «Feria quarta» de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (ndt:
"feria quarta" est le nom que les chrétiens, à Rome, donnaient au 4ème
jour de la semaine, le mercredi, et le mercredi est traditionnellement
le jour de réunion de la CDF), puis leur décision sera soumise à Benoît
XVI. Courant mai, il est prévu la fin du parcours qui ramènera la
Fraternité Saint-Pie X , fondée par Mgr Lefebvre, en pleine communion
avec Rome, 24 ans après les consécrations illégitimes qui ont conduit à
la rupture et l'excommunication de l'archevêque traditionaliste
lui-même et des quatre prêtres qu'il a ordonnés évêques sans mandat du
Pape. Lorsque la décision finale sera communiquée, sera également rendu
public le texte du « préambule doctrinal» que le Saint-Siège a soumis à
Fellay et à la Fraternité, et que le Supérieur du groupe traditionaliste a rendu à Rome en proposant quelques modifications mineures.
Ces
derniers jours, on a vu se multiplier les déclarations de certains
membres éminents de la Fraternité Saint-Pie X, en particulier de l'aile
lefebvriste la plus favorable au retour à la pleine communion avec Rome.
D'abord le Père Niklaus Pfluger, premier assistant de Mgr Fellay,
dans une conférence publique à Hattersheim en Allemagne , a dit que le
Supérieur de la Fraternité dans les circonstances actuelles «ne peut
considérer comme possible de rejeter la proposition du pape», précisant
que vouloir ignorer le désir du pape serait «tomber dans le sédévacantisme».
Pfluger
a précisé que des points de désaccord subsistent et que la Fraternité
revendique la liberté de critiquer certains points des documents
conciliaires. Et il a rappelé que, déjà en 1988, Lefebvre avait signé un
accord doctrinal avec le Saint-Siège, qui contenait «bien plus de
concessions (en termes de doctrine, ndlr) de la part de la Fraternité de
celles que Benoît XVI demande aujourd'hui."
Très significatif
est également l'éditorial du Père Franz Schmidberger , ancien supérieur
de la Fraternité Saint-Pie X, qui, dans le numéro de mai du mensuel du
district allemand écrit: «Si Rome nous rappelle aujourd'hui de l'exil où
nous avons été forcés en 1975 avec l'abrogation de l'approbation
canonique de la Fraternité,... et encore plus en 1988 avec le décret
d'excommunication des évêques consacrant et consacrés», alors «il s'agit
d'un acte de justice et sans aucun doute d'un acte de souci pastoral authentique du pape Benoît XVI».
Encore
plus significatif est l'éditorial d'un autre membre clé de la société,
le Père Michele Simoulin, publié dans le numéro de mai du bulletin
«Seignadou» du prieuré de Saint-Joseph-des-Carmes (ndt: voir ici www.fecit-forum.org/):
lui aussi parle à nouveau de l'accord signé par Lefebvre et Ratzinger
en 1988, expliquant qu'à l'époque, la rupture ne s'est pas produite en
raison du préambule doctrinal, mais pour des raisons pratiques. En
effet, Lefebvre ne faisait pas confiance aux assurances du Vatican quant
à la possibilité de consacrer un évêque comme son successeur: «Ce n’est
donc pas sur une question doctrinale, ni sur celle du statut offert à
la Fraternité, mais sur la date de la consécration de l’évêque accordé,
que le processus s’est arrêté.»
Le Père Simoulin, en réponse aux
objections internes de ces lefebvristes qui ne veulent pas l'accord
avec Rome, rappelle que Ratzinger, «devenu pape nous a dit que la messe
tridentine n'a jamais été abrogée (7 Juillet 2007:« Il est donc permis
de célébrer le sacrifice de la Messe suivant l'édition typique du Missel
romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé
»); il a réhabilité nos quatre évêques (21 janvier 2009) ; il a accepté
que nous menions des discussions doctrinales pendant deux années…
toutes choses que Mgr Lefebvre n’exigeait pas en 1988. Il n’est pas
exagéré de dire que Mgr Fellay a obtenu plus que ce que demandait Mgr
Lefebvre, sans en avoir pourtant le prestige ni l’autorité morale.
Alors, devrons-nous être encore plus exigeant que Mgr Lefebvre et que
Mgr Fellay ?».
Simoulin conclut en répétant que la situation
aujourd'hui est différente de celle de 1975 et de 1988, et ceux qui
affirment le contraire le font parce qu'ils rejettent «toute
réconciliation avec Rome», montrant peut-être «un manque de foi en la
sainteté de l'Église». «La Fraternité Saint-Pie X n'est pas l'Eglise et
ne peut respecter l'héritage de son fondateur qu'en en préservant
l'esprit, son amour pour l'Eglise et son désir de la servir comme un
fils aimant».
Relire la partie doctrinale du «protocole
d'accord» signé par Lefebvre le 5 mai 1988 est utile pour comprendre le
contenu du «préambule doctrinal» dont il a été question ces derniers
mois, dont le texte est encore confidentiel en raison de la possibilité,
prévue dès le départ, de modifications et de formulations avec des
expressions différentes. Le fondateur de la Fraternité
promettait fidélité au Pape, déclarait «accepter la doctrine contenue
dans le n°25 de la Constitution Lumen Gentium du Concile Vatican II sur le Magistère de l'Église et l'adhésion qui lui est dûe».
Quant
au désaccord sur certains passages du Concile, il affirmait: «En ce qui
concerne certains points enseignés par le Concile Vatican II ou
concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, qui
nous semblent difficilement concilables avec la tradition, nous nous
engageons à adopter une attitude positive et de communication avec le
Siège apostolique, en évitant toute polémique».
En outre, Lefebvre
avait déclaré «reconnaître la validité du Sacrifice de la messe et des
sacrements célébrés avec l'intention de faire ce que fait l'Église et
selon les rites mentionnés dans les éditions standard du Missel romain
et des rituels des sacrements promulgués par les papes Paul VI et
Jean-Paul II».
Et il promettait enfin de «respecter la discipline commune de l'Église et les lois ecclésiastiques».
Comme
on le voit, en 1988 aussi, dans le document d'accord avec le cardinal
Joseph Ratzinger, il restait noir sur blanc l'existence de «certains
points» considérés par Lefebvre comme «en désaccord» avec la tradition.
Mais ce désaccord n'aurait pas dû empêcher la pleine communion. Il y a
vingt-quatre ans, les événements prirent une autre direction: il y eut
un acte schismatique et les excommunications.
Aujourd'hui, près d'un quart de siècle plus tard, cette plaie pourrait être guérie.