SOURCE - Paix Liturgique, lettre n°363 - 27 novembre 2012
Cette semaine, nous vous proposons deux
documents. Il s'agit de textes signés au cours de l'année 2012 par des
prêtres diocésains pour expliquer à leurs paroissiens les raisons pour
lesquelles la forme extraordinaire de la messe romaine faisait son
apparition dans le calendrier des célébrations liturgiques locales.
Ces
deux textes sont si différents dans leur ton et leur substance qu'ils
témoignent non seulement du long chemin qu’il reste encore à accomplir
pour obtenir la cohabitation pacifique et fructueuse des deux formes de
l'unique rite romain dans nos paroisses, mais aussi et d’abord du fossé
en train de s’établir entre les générations cléricales qui ont « tout
bradé » et celles qui, leur ayant succédé, tentent de gérer tant bien
que mal une effroyable faillite.
Nous vous les proposons en ayant
volontairement gommé les possibilités d'identification de ces messages
afin que ne soient pas jugés les hommes, mais seulement l’expression
concrète de leurs dispositions ecclésiales.
I – LA PRÉSENTATION CHARITABLE ET « OUVERTE »
Une seule messe, deux « formes » : quelques repères
Depuis
saint Pierre, la mission de ses successeurs est d’affermir les
disciples du Christ dans la foi et de servir l’unité de l’Église. En
juillet 2007, pour honorer cette responsabilité en favorisant le
maintien ou le retour dans la communion de l’Église catholique des
fidèles attachés à la liturgie célébrée selon le missel romain qui avait
cours jusqu’en 1969, le pape Benoît XVI promulguait une loi universelle
pour l’Église catholique latine, par le Motu Proprio Summorum Pontificum.
Ce
texte insiste d’abord sur l’existence d’un seul rite liturgique romain,
qui exprime la foi reçue des Apôtres dans la tradition latine de
l’Église. D’autres rites, moins connus, existent en Occident (rite
ambrosien à Milan, rite mozarabe en Espagne par exemple) et surtout en
Orient (rite byzantin, rite maronite, pour ne citer qu’eux). Cet unique
rite romain s’est développé au cours des siècles. Suite au Concile de
Trente au XVIème siècle, le pape saint Pie V en a généralisé la
diffusion, ce qui fait que l’on parle de messe « tridentine » ou « de
Saint Pie V ». Les dernières modifications apportées à ce missel ont été
faites par le bienheureux Jean XXIII en 1962, au seuil du dernier
Concile.
Benoît XVI, dans le texte évoqué, désigne la liturgie célébrée selon le missel promulgué par le Pape Paul VI en 1970, suite au Concile Vatican II, celle de nos messes paroissiales et diocésaines habituelles, comme la « forme ordinaire » de l’unique rite romain, et la liturgie célébrée selon le missel « du bienheureux Jean XXIII », comme sa « forme extraordinaire ».
Toujours selon cette décision pontificale, les curés de paroisse à qui un groupe de fidèles demande de pouvoir vivre la messe « dans la forme extraordinaire » doivent accueillir cette demande avec bienveillance, si cette demande va de pair avec une reconnaissance de la validité et de la légitimité de la « forme ordinaire ». Déjà en 1984 et 1988, le pape Jean-Paul II avait encouragé, à certaines conditions, l’accueil de telles demandes par les évêques. C’est pourquoi en 2002, [l'évêque] avait instauré la célébration dominicale d’une messe « tridentine » à [-]. De même, en 2008, suite à la publication de Summorum Pontificum, [l']administrateur diocésain avait permis la mise en place d’une messe dominicale célébrée dans la forme extraordinaire à l’église Notre-Dame.
Une demande a été faite au printemps dernier pour que cette forme liturgique puisse être proposée chaque dimanche de l’été, puis de l’année [dans notre paroisse]. Dans la discussion, il est apparu que les conditions (reconnaissance de la valeur de la forme ordinaire, sens de l’Église, volonté de communion) étaient réunies pour recevoir cette demande comme légitime, tout en tenant compte du contexte paroissial et notamment de la diminution importante du nombre de prêtres en activité.
C’est pourquoi, à partir du 27 novembre, premier dimanche de l’Avent, avec l’accord de [notre évêque] et sous la responsabilité [du] curé-doyen, une messe sera célébrée dans la forme extraordinaire, le dernier dimanche de chaque mois et aux fêtes principales, dans la chapelle du Sacré-Cœur.
Deux prêtres assureront ce service en alternance [-]. Une évaluation sera faite avec le Conseil de paroisse au mois de mai.
L’esprit de cette messe mensuelle doit être bien clair : il s’agit d’œuvrer comme nous le demande le Pape à la « réconciliation interne de l’Église » en accueillant fraternellement nos frères catholiques attachés à la « forme extraordinaire » de la liturgie. Il ne s’agit pas « d’un retour en arrière » et encore moins d’une remise en cause du Concile Vatican II, dont nous nous apprêtons à célébrer le cinquantenaire avec joie et reconnaissance.
L’expérience de nos frères chrétiens d’Orient montre que l’on peut partager la même foi et célébrer celle-ci avec des formes liturgiques différentes, à plus forte raison lorsqu’il s’agit du même rite : unité n’est pas synonyme d’uniformité.
Confiant dans le désir profond de communion dans la foi et la charité qui anime votre communauté paroissiale, nous pouvons confier à [la Vierge] notre marche vers une unité effective de tous les baptisés, en réponse à la prière du Christ Jésus : « Je te prie Père : qu’ils soient un comme nous sommes un, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,22-23)
Benoît XVI, dans le texte évoqué, désigne la liturgie célébrée selon le missel promulgué par le Pape Paul VI en 1970, suite au Concile Vatican II, celle de nos messes paroissiales et diocésaines habituelles, comme la « forme ordinaire » de l’unique rite romain, et la liturgie célébrée selon le missel « du bienheureux Jean XXIII », comme sa « forme extraordinaire ».
Toujours selon cette décision pontificale, les curés de paroisse à qui un groupe de fidèles demande de pouvoir vivre la messe « dans la forme extraordinaire » doivent accueillir cette demande avec bienveillance, si cette demande va de pair avec une reconnaissance de la validité et de la légitimité de la « forme ordinaire ». Déjà en 1984 et 1988, le pape Jean-Paul II avait encouragé, à certaines conditions, l’accueil de telles demandes par les évêques. C’est pourquoi en 2002, [l'évêque] avait instauré la célébration dominicale d’une messe « tridentine » à [-]. De même, en 2008, suite à la publication de Summorum Pontificum, [l']administrateur diocésain avait permis la mise en place d’une messe dominicale célébrée dans la forme extraordinaire à l’église Notre-Dame.
Une demande a été faite au printemps dernier pour que cette forme liturgique puisse être proposée chaque dimanche de l’été, puis de l’année [dans notre paroisse]. Dans la discussion, il est apparu que les conditions (reconnaissance de la valeur de la forme ordinaire, sens de l’Église, volonté de communion) étaient réunies pour recevoir cette demande comme légitime, tout en tenant compte du contexte paroissial et notamment de la diminution importante du nombre de prêtres en activité.
C’est pourquoi, à partir du 27 novembre, premier dimanche de l’Avent, avec l’accord de [notre évêque] et sous la responsabilité [du] curé-doyen, une messe sera célébrée dans la forme extraordinaire, le dernier dimanche de chaque mois et aux fêtes principales, dans la chapelle du Sacré-Cœur.
Deux prêtres assureront ce service en alternance [-]. Une évaluation sera faite avec le Conseil de paroisse au mois de mai.
L’esprit de cette messe mensuelle doit être bien clair : il s’agit d’œuvrer comme nous le demande le Pape à la « réconciliation interne de l’Église » en accueillant fraternellement nos frères catholiques attachés à la « forme extraordinaire » de la liturgie. Il ne s’agit pas « d’un retour en arrière » et encore moins d’une remise en cause du Concile Vatican II, dont nous nous apprêtons à célébrer le cinquantenaire avec joie et reconnaissance.
L’expérience de nos frères chrétiens d’Orient montre que l’on peut partager la même foi et célébrer celle-ci avec des formes liturgiques différentes, à plus forte raison lorsqu’il s’agit du même rite : unité n’est pas synonyme d’uniformité.
Confiant dans le désir profond de communion dans la foi et la charité qui anime votre communauté paroissiale, nous pouvons confier à [la Vierge] notre marche vers une unité effective de tous les baptisés, en réponse à la prière du Christ Jésus : « Je te prie Père : qu’ils soient un comme nous sommes un, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,22-23)
Signé du vicaire général du diocèse
Une messe telle que célébrée avant 1964…
Rupture
et continuité : ce sont les mots que notre pape Benoît XVI emploie pour
parler de la fidélité de l’amour de Dieu manifestée au cours des
nombreuses étapes de l’histoire de l’humanité et de l’Église. Les
conciles qui jalonnent depuis 2 000 ans l’histoire de l’Église sont le
mûrissement progressif d’une unique compréhension et d’une mise en œuvre
de l’Évangile de Jésus-Christ pour chaque époque. L’Église ne cesse
d’accueillir et de transmettre ce que l’Esprit Saint lui donne de
comprendre du dessein de Dieu pour l’humanité.
Dans la continuité des conciles précédents, le 2ème concile du Vatican (dont on célèbre les 50 ans de son ouverture cet automne 2012) développe pour notre temps certains points de la foi catholique de toujours. Il met en lumière entre autres :
– l’exigence de la liberté religieuse ;
– la nécessaire ouverture à ce monde, aimé et sauvé par Dieu ;
– la passion pour l’unité des chrétiens ;
– la remise au premier plan de l’écoute, de l’étude et de l’accueil de la Parole de Dieu ;
– la redécouverte de l’Église peuple de Dieu en marche.
L’ensemble de ces données est irrévocable. Cela ne marque pas une rupture mais une avancée, dans une profonde continuité du message du Christ transmis par l’Église à travers les âges.
Certains catholiques ont focalisé leur désaccord avec le Concile sur la liturgie, et se sont laissés entraîner dans le schisme de Mgr Lefebvre en marquant une rupture avec Rome. Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont fait les premiers pas à leur rencontre pour tenter de les ramener dans la pleine communion avec l’Église, et tous les catholiques ne peuvent que se joindre à cet élan de réconciliation. Benoît XVI a bien montré qu’il n’y avait pas de rupture entre la réforme liturgique mise en œuvre actuellement et la façon de célébrer la messe jusqu’en 1964. C’est pourquoi il autorise, à certaines conditions précises, la messe en latin sous la forme extraordinaire d’hier, à côté de la forme ordinaire d’aujourd’hui. Le rite et surtout la foi de l’Église sont uniques, même si les modalités visibles sont différentes.
Avant son départ [-], [notre évêque], à la demande d’un « groupe constitué » [-], a autorisé une telle célébration [dans notre paroisse].
Cette possibilité doit favoriser l’unité de la foi et la participation pleine et entière à tous les aspects de la vie de l’Église :
– Il ne saurait donc être question de la constitution d’un groupe particulariste se situant en opposition ou même en marge de la communauté, avec une catéchèse ou d’autres services à part.
– Il ne saurait non plus être question de remise en cause des apports du Concile, même sous l’aspect particulier de la réforme liturgique.
C’est pourquoi cette possibilité de la Messe selon le missel de Jean XXIII (1964) est assortie d’un certain nombre de conditions :
1) Que cela n’ait pas lieu chaque dimanche à la place d’une messe paroissiale déjà existante, mais en plus et seulement quelques dimanches dans l’année (6 à 8 fois par an). Ce sera alors le dimanche soir à 18 h.
2) Puisqu’il s’agit d’une messe paroissiale supplémentaire, [-] que le curé, en soit le célébrant. Même s’il devait être indisponible, qu’il ne soit pas fait appel à un prêtre venant de l’extérieur, invité par relation ou simple convenance.
3) Cette faculté de célébrer selon la forme extraordinaire n’engage pas le successeur du [curé].
4) Que la Parole de Dieu, reçue selon l’ancien lectionnaire, soit proclamée en français.
5) Que ces messes (chants, musique, etc..) soient prises en charge par des fidèles et ne reposent pas sur le seul prêtre.
6) Qu’à la fin de l’année un point soit fait en présence du Conseil Pastoral (qui a été consulté à ce sujet le 6 septembre dernier) pour discerner ce qu’a permis cette célébration pour le bien de l’Église et pour décider de la suite.
D’ici Noël, deux dates sont retenues pour cette messe paroissiale supplémentaire : Dimanche 18 novembre et dimanche 16 décembre à 18 heures à l’église Saint-Nicolas.
Ces dates et celles qui suivront seront, comme les autres messes paroissiales, annoncées sur la dernière page du [bulletin].
Rappelons bien qu’il ne s’agit pas de nostalgie, encore moins de réticence envers le Concile, mais dans la continuité de la vie de l’Église, de puiser dans ses richesses une autre forme pour s’ouvrir à Dieu et au don qu’Il nous fait. On pratique l’œcuménisme en regrettant ce qui, dans le passé nous a fait « frères séparés ». Prions et œuvrons pour que cette initiative soit signe d’ouverture et permette d’éviter de nouvelles séparations qu’on déplorerait plus tard.
Dans la continuité des conciles précédents, le 2ème concile du Vatican (dont on célèbre les 50 ans de son ouverture cet automne 2012) développe pour notre temps certains points de la foi catholique de toujours. Il met en lumière entre autres :
– l’exigence de la liberté religieuse ;
– la nécessaire ouverture à ce monde, aimé et sauvé par Dieu ;
– la passion pour l’unité des chrétiens ;
– la remise au premier plan de l’écoute, de l’étude et de l’accueil de la Parole de Dieu ;
– la redécouverte de l’Église peuple de Dieu en marche.
L’ensemble de ces données est irrévocable. Cela ne marque pas une rupture mais une avancée, dans une profonde continuité du message du Christ transmis par l’Église à travers les âges.
Certains catholiques ont focalisé leur désaccord avec le Concile sur la liturgie, et se sont laissés entraîner dans le schisme de Mgr Lefebvre en marquant une rupture avec Rome. Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont fait les premiers pas à leur rencontre pour tenter de les ramener dans la pleine communion avec l’Église, et tous les catholiques ne peuvent que se joindre à cet élan de réconciliation. Benoît XVI a bien montré qu’il n’y avait pas de rupture entre la réforme liturgique mise en œuvre actuellement et la façon de célébrer la messe jusqu’en 1964. C’est pourquoi il autorise, à certaines conditions précises, la messe en latin sous la forme extraordinaire d’hier, à côté de la forme ordinaire d’aujourd’hui. Le rite et surtout la foi de l’Église sont uniques, même si les modalités visibles sont différentes.
Avant son départ [-], [notre évêque], à la demande d’un « groupe constitué » [-], a autorisé une telle célébration [dans notre paroisse].
Cette possibilité doit favoriser l’unité de la foi et la participation pleine et entière à tous les aspects de la vie de l’Église :
– Il ne saurait donc être question de la constitution d’un groupe particulariste se situant en opposition ou même en marge de la communauté, avec une catéchèse ou d’autres services à part.
– Il ne saurait non plus être question de remise en cause des apports du Concile, même sous l’aspect particulier de la réforme liturgique.
C’est pourquoi cette possibilité de la Messe selon le missel de Jean XXIII (1964) est assortie d’un certain nombre de conditions :
1) Que cela n’ait pas lieu chaque dimanche à la place d’une messe paroissiale déjà existante, mais en plus et seulement quelques dimanches dans l’année (6 à 8 fois par an). Ce sera alors le dimanche soir à 18 h.
2) Puisqu’il s’agit d’une messe paroissiale supplémentaire, [-] que le curé, en soit le célébrant. Même s’il devait être indisponible, qu’il ne soit pas fait appel à un prêtre venant de l’extérieur, invité par relation ou simple convenance.
3) Cette faculté de célébrer selon la forme extraordinaire n’engage pas le successeur du [curé].
4) Que la Parole de Dieu, reçue selon l’ancien lectionnaire, soit proclamée en français.
5) Que ces messes (chants, musique, etc..) soient prises en charge par des fidèles et ne reposent pas sur le seul prêtre.
6) Qu’à la fin de l’année un point soit fait en présence du Conseil Pastoral (qui a été consulté à ce sujet le 6 septembre dernier) pour discerner ce qu’a permis cette célébration pour le bien de l’Église et pour décider de la suite.
D’ici Noël, deux dates sont retenues pour cette messe paroissiale supplémentaire : Dimanche 18 novembre et dimanche 16 décembre à 18 heures à l’église Saint-Nicolas.
Ces dates et celles qui suivront seront, comme les autres messes paroissiales, annoncées sur la dernière page du [bulletin].
Rappelons bien qu’il ne s’agit pas de nostalgie, encore moins de réticence envers le Concile, mais dans la continuité de la vie de l’Église, de puiser dans ses richesses une autre forme pour s’ouvrir à Dieu et au don qu’Il nous fait. On pratique l’œcuménisme en regrettant ce qui, dans le passé nous a fait « frères séparés ». Prions et œuvrons pour que cette initiative soit signe d’ouverture et permette d’éviter de nouvelles séparations qu’on déplorerait plus tard.
Signé du curé
III – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Deux
formes du rite romain : “ Foi ”, “ unité ”, “ loi universelle ”,
“ réconciliation ” – le premier texte rend compte de l'action de
Benoît XVI dans une exemplaire fidélité à l'esprit du Saint Père et avec
un remarquable souci pédagogique. Son auteur esquisse au passage,
simplement donc efficacement, la trajectoire historique de la liturgie
traditionnelle. On sent la volonté affirmée de l'auteur de “ coller ” à
celle du pape comme l'illustre parfaitement la phrase suivante : « les
curés de paroisse à qui un groupe de fidèles demande de pouvoir vivre la
messe “ dans la forme extraordinaire ” doivent accueillir cette demande
avec bienveillance, si cette demande va de pair avec une reconnaissance
de la validité et de la légitimité de la “ forme ordinaire ” ».
La
loi est énoncée clairement, ce qui prouve qu'elle est non seulement
comprise mais adoptée et prête à être appliquée avec toute
l'intelligence et la bienveillance nécessaires.
2) Une
forme et une sous-forme concédée sous conditions : “ Rupture et
continuité ” certes, mais pas du côté du post-concile comme le pape l'a
analysé. Le second texte tranche totalement avec le premier dans ses
prémices. Il ne s'agit plus d'expliquer, de rapporter ni d'illustrer
pour les lecteurs la volonté du pape telle qu'explicitée par le Motu
Proprio Summorum Pontificum, mais de leur donner – de leur infliger,
serions-nous tentés d'écrire – une vraie leçon de " l'esprit "
Vatican II.
La rupture, c'est celle des catholiques qui « ont
focalisé leur désaccord avec le Concile sur la liturgie, et se sont
laissé entraîner dans le schisme de Mgr Lefebvre ». Cette vision
béatement conciliaire de la situation porte tout naturellement l'auteur à
ne voir dans la volonté du pape qu'une autorisation “ assortie d’un
certain nombre de conditions ” et non une “ loi universelle pour
l'Église catholique latine ” comme l'a bien compris en revanche le
signataire du premier texte.
Bref, on est ici aux prises avec un
curé consciemment ou inconsciemment idéologisé, ce qui est dommage pour
tous et d’abord pour lui-même car, pasteur des âmes, il passe à côté de
cet “ élan de réconciliation ” auquel le Saint Père appelle “ tous les
catholiques ”.
A quelques détails près, on pourrait croire que ce
second texte a été écrit dans les années 1980 à l'époque où la
célébration de la liturgie traditionnelle n'était concédée qu'à des
conditions strictes et nombreuses, à l'époque où le Pape n'avait pas
encore rappelé qu'elle n'avait jamais été interdite et qu'elle était
l'une des deux formes de l'unique rite romain. Cette approche
anachronique de la question liturgique est symptomatique d'un clergé qui
ne veut pas de la paix liturgique proposée par le Saint Père et qui
souhaite conserver le régime de l'apartheid liturgique avec son lot de
restrictions et d'humiliations.
3) La
différence de perspective est frappante entre les deux auteurs alors
que leur propos est le même : expliquer l'arrivée (timide car, dans les
deux cas, il ne s'agit que d'une messe au mieux mensuelle) de la forme
extraordinaire dans une paroisse. Tandis que l'un affirme un droit et
expose les modalités d'application qui lui semblent les plus adaptées,
l'autre concède ce qu'il considère comme un privilège et l'assortit donc
des restrictions d'usage.
– Le premier prend a priori les
demandeurs pour des catholiques comme les autres. Il explique que “ les
conditions (reconnaissance de la valeur de la forme ordinaire, sens de
l’Église, volonté de communion) ” étant réunies “ pour recevoir cette
demande comme légitime ”, décision a été prise de célébrer chaque
dernier dimanche du mois, “ avec l’accord de [l'évêque] et sous la
responsabilité [du] curé-doyen ”. Une communication simple et rassurante
puisqu'on comprend que les détails ont été réglés pour le bien de
tous : pour tenir compte “ du contexte paroissial et notamment de la
diminution importante du nombre de prêtres en activité ”, “ deux prêtres
assureront ce service en alternance ”.
– Le second soupçonne a
priori les demandeurs d’être de dangereux « révisionnistes ». Il
commence par expliquer qu'il “ ne saurait être question de la
constitution d’un groupe particulariste se situant en opposition ou même
en marge de la communauté, avec une catéchèse ou d’autres services à
part ” et qu'il “ ne saurait non plus être question de remise en cause
des apports du Concile, même sous l’aspect particulier de la réforme
liturgique ”. Et d’énumérer six points qui semblent plus des conditions
suspensives que des modalités d'application et qui portent tous en eux
une menace sourde : la messe n'aura lieu que “ quelques dimanches dans
l'année ” ; pas de prêtre remplaçant autorisé ; l'éventuel successeur de
l'actuel curé ne sera pas tenu de continuer. Bref, le curé en question
se fait législateur odieux (c’est un terme canonique technique qui vise
les dispositions restrictives pénales), réduisant la portée d’une
législation rien moins que pontificale. On disait jadis en plaisantant
que tout curé est « pape dans sa paroisse » ; poursuivant la
plaisanterie l'on pourrait dire de ce curé qu’il est un " super-pape ",
presque un gourou… Avec en prime une vision manichéenne de la paroisse
avec " les bons fidèles " à qui l'on ne demande aucune profession de foi
ni n'impose de conditions puisqu'ils sont chez eux et les " mauvais
fidèles " – les dhimmis serait on tenté de dire – pour lesquels
on empile les conditions, de qui l'on attend des professions de foi
conciliaire et que l'on traite comme des sous-paroissiens tout juste
tolérés mais dont on semble espérer qu’ils finiront bien par se
décourager de vouloir passer la porte de l’église.
4) Au
sein du peuple de Dieu “ s'expriment légitimement des sensibilités
différentes qui méritent de faire l'objet d'une égale sollicitude
pastorale ” : ces paroles du pape aux évêques de France en visite ad
limina le 21 septembre dernier concernent évidemment aussi les curés
comme nous le confirme, hélas, l'exemple qui nous intéresse aujourd'hui.
Subsistent en effet en 2012, des prêtres pour lesquels le degré de
charité pastorale est semblable au degré de chaleur des radiateurs à
thermostat (réglés à peine au-dessus du “ hors gel ”), et pour lesquels,
si toutes les sensibilités sont égales, certaines, comme on dit, sont
tout de même moins égales que les autres.
Mépris délibéré de tout ce qui est traditionnel ? Déformation (malformation ?) idéologique de type : hors de " l'esprit " Vatican II, point de salut ? Lequel adage est beaucoup plus dictatorial que celui qu’il a rendu périmé : hors de l’Église, point de salut.
Heureusement,
cette déformation est souvent liée à une génération de prêtres : celle
qui est entrée au séminaire pendant ou juste après le Concile. Or, si
elle est aujourd'hui encore majoritaire dans le clergé des diocèses,
elle approche inexorablement de l’âge de la retraite, et il est notoire
que les générations qui la suivent n'ont pas ses œillères. Ces
générations montantes, très réduites en nombre hélas !, sont l'espoir du
peuple Summorum Pontificum resté dans les paroisses ou les ayant
quittées et qui demande simplement que leurs curés de paroisses les
accueillent et les aiment. Un pasteur qui aime ses brebis, est-ce trop
demander ?
Sans en dire plus de l’un et de l’autre, précisons que
le premier texte, fidèle aux directives de Benoît XVI, est d'un prêtre
né après le concile, tandis que le second est d'un prêtre qui approche
de ses 70 ans. Beaucoup estiment qu’il faut encore attendre dix ans pour
que la mentalité des paroisses et des pasteurs de France ait
radicalement changé. Nous pensons, pour notre part, que cinq ans
suffiront.