23 février 2014

[Abbé Simoulin, fsspx - Le Seignadou] La FSSPX n’est pas née dans un but de contestation ou d’opposition

Abbé Simoulin, fsspx - Le Seignadou – Mars 2014

Je suis ainsi fait que plus on attaque et critique ce que j’aime, plus je l’aime. Plus on critique ma Fraternité Saint-Pie X (et son Supérieur Général), plus je l’aime, plus je m’en rapproche pour préserver la grâce que j’en ai reçue et l’esprit que je lui dois. C’est peut-être cela que l’on appelle « l’esprit de corps ». Je n’ignore pas que nul être humain et nulle institution n’est parfaite. L’Église elle-même est composée de saints et de pécheurs. Je ne suis donc pas aveugle sur les défauts que je peux observer dans ma famille sacerdotale et dans ses membres, quels qu’ils soient, mais je crois en la Fraternité des Apôtres de Jésus et de Marie, ou (selon le titre public), la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Et j’observe que, chaque fois qu’elle est attaquée, elle se recentre sur ses « fondamentaux », et en sort revigorée ! Et c’est pourquoi, je crois de plus en plus en sa grâce particulière, dont les conditions ont été gravées par l’Église dans ses statuts, entre autres : « le but de la Fraternité est le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne, c’est-à-dire tel que Notre Seigneur Jésus Christ l’a voulu lorsqu’il a dit : faites ceci en mémoire de moi. »

C’est bien cela que Mgr Lefebvre a perçu dans son rêve de Dakar. C’est ce dessein qu’il a recherché et poursuivi depuis l’Afrique, en passant par l’essai échoué de restauration des séminaires chez les Pères du Saint-Esprit. Ajoutez à cela les œuvres de la Fraternité, et vous aurez fait le tour de son âme : « Toutes les œuvres de formation sacerdotale [à savoir] la sanctification des prêtres, les vocations d'auxiliaires, les écoles, le ministère paroissial, l’aide aux prêtres âgés, infirmes et même aux infidèles. » Ceci n’a pas changé et ne peut changer au gré des circonstances. C’est l’âme de la Fraternité, et c’est cela qui assure l’unité entre tous ses membres. Certains peuvent l’abandonner et la combattre après l’avoir abandonnée, mais elle ne changera pas et ne peut pas changer. Cela n’exclut nullement et impose même de combattre les erreurs conciliaires, mais ce n’est pas sa première finalité, et notre « cor unum et anima una » demeure le combat pour la messe et le sacerdoce. La force de notre Fraternité réside dans la fidélité de tous ses membres à notre grâce au service de l’Église.

« [La Fraternité Saint-Pie X] n’est pas née dans un but de contestation ou d’opposition, pas du tout. Elle est née comme peuvent naitre les œuvres d’Eglise, c’est-à- dire d’une nécessité qui s’est présentée de veiller à la bonne formation du sacerdoce. » (Mgr Lefebvre, conférence spirituelle à Ecône, 10-11 octobre 1977)

Quoi qu’on en dise, Mgr Lefebvre n’a jamais varié sur ce point. Son discours a pu avoir des tonalités différentes selon les circonstances, mais son objectif est toujours demeuré le même : le sacerdoce et la messe. Mgr Tissier de Mallerais, qui est peut-être l’un de ceux qui ont le mieux connu Mgr Lefebvre, fait à ce sujet une remarque importante : « Si Mgr Lefebvre fut avant tout un homme de foi et de sagesse, il a possédé une bonne dose de pragmatisme, comme l'a bien discerné l'abbé Aulagnier dans sa Tradition sans peur. Par sagacité naturelle et disposition surnaturelle à suivre les voies de la Providence, Mgr Lefebvre a toujours cherché à profiter des occasions favorables pour renouer avec Rome et obtenir le retour à notre approbation canonique. L'abbé […] n'a pas cerné le pragmatisme de notre fondateur. Ce qu'il aurait pu dire, c'est que ce pragmatisme a toujours échoué face à la Rome conciliaire. » (Lettre du 6 janvier 2014). Il me paraît difficile d’ignorer ou négliger ce témoignage. Mgr Lefebvre n’était pas volontariste, soumis à un impératif catégorique de type kantien, tel que :  « Vite, un accord à tout prix ! » ou encore : « Garde-à-vous ! Pas d’accord pratique sans accord doctrinal ! Fermez le ban ! », mais bel et bien l’homme d’un principe vertueux plus délicat qui est celui de toute autorité : la vertu de prudence, art vital de l’application des vertus théologales aux circonstances et situations concrètes toujours variables.

Il est bien vrai que, face à des actes ou des situations nouvelles et parfois scandaleuses, Mgr Lefebvre a usé de formules très fortes, voire violentes. C’était son cœur d’évêque catholique qui faisait entendre les clameurs de la sainte Église blessée, humiliée, offensée. Souvenons-nous de son sermon de Lille en 1976, ou de ses « petits dessins » d’Assise, ou encore de ses déclarations après les sacres de 1988. L’époque exigeait de marquer les esprits mais le fond de sa pensée est demeuré intact, et nous ne pouvons pas limiter Mgr Lefebvre à ses déclarations les plus fracassantes ou à ses « saintes colères ». Qui oserait réduire le portrait et la pensée de Notre Seigneur à ses condamnations et à ses invectives contre les pharisiens ? Sans les exclure, Son âme ne se révèle-t-elle pas plutôt dans les Béatitudes ?

Dans une conférence spirituelle aux séminaristes le 1er avril 1982, Mgr Lefebvre rendait compte ainsi de ses récents entretiens avec le Cardinal Ratzinger : « Le Cardinal Ratzinger m'a dit : Il faut que vous reconnaissiez que cette réforme [de Paul VI] est conforme à l'esprit de l'Eglise. Je lui ai répondu, bien sûr, que c'était impossible : si elle était bonne, je l'aurais acceptée. Mais pourquoi en parler, ajoutai-je, laissons de côté ce problème de la réforme liturgique, autrement il n'y aura pas d'accord possible entre nous. Le Cardinal : Il faut que nous trouvions une formule ! Je lui ai répondu : la seule solution est de ne pas en parler, mais que vous nous accordiez ce que nous demandons, la liberté des rites anciens. »

« Sur la question canonique, j'ai dit au Cardinal: Si vous nous accordez ce que nous demandons, il n'y a plus de difficulté. Si tous les rites sûrs sont autorisés, il n'y aura plus de problème pour une régularisation canonique. Si le rite précédent est libre, les fidèles pourront choisir le rite traditionnel pour les confirmations et je n'aurai plus de raison de les donner. Les fidèles veulent seulement recevoir des sacrements valides. Or les traductions actuelles sont douteuses et la matière rend aussi la validité douteuse, puisque l'huile d'olive n'est plus exigée ou n'est plus consacrée. J'ai dit au Cardinal : si vous accordez cela, nous sommes prêts à dépendre de la Congrégation des religieux. Vous êtes très exigeant, m'a répondu le Cardinal ! » (Extrait de notes manuscrites prises par un prêtre présent)

En 1988, Mgr Lefebvre n’ajoutera à cela qu’une seule exigence, en raison de son âge : la consécration d’un évêque pour lui succéder. C’est ce qui lui sera refusé, malgré la promesse faite. Ses dernières réflexions sur ce sujet, il nous les a livrées six mois avant sa mort. Je l’entends encore nous dire dans la conférence aux prêtres à l’issue de la retraite sacerdotale au mois de septembre 1990 à Ecône, après avoir rappelé le conflit qui déchire l’Église entre les pro et les anti Syllabus, et réaffirmé fortement ses refus et ses exigences : « Humainement parlant, je ne vois pas de possibilité d’accord actuellement. [Mgr Lefebvre n’était donc pas opposé par principe à la possibilité d’un accord dans un avenir plus favorable]. On me disait hier : Si Rome acceptait vos évêques et que vous soyez complètement exempt de la juridiction des évêques… D’abord ils sont bien loin d’accepter une chose comme celle-là, ensuite il faudrait qu’ils nous en fassent l’offre, et je ne pense pas qu’ils y soient prêts, car le fond de la difficulté, c’est précisément de nous donner un évêque traditionaliste. Eux ils ne voulaient qu’un évêque ayant le profil du Saint-Siège. Le « profil », vous comprenez ce que cela veut dire ! Ils savaient très bien qu’en nous donnant un évêque traditionnel ils constitueraient une citadelle traditionaliste. Ils ne le voulaient pas, et ne l’ont pas plus donné aux autres. Quand les autres disent qu’ils ont signé le même protocole que nous, ce n’est pas vrai. Notre protocole prévoyait un évêque et deux membres à la Commission romaine. Or eux ils n’ont ni l’évêque, ni les membres dans la Commission romaine. Rome a enlevé cela du protocole, car elle n’en voulait à aucun prix. »

[En 2000, Rome à fait à la Fraternité Saint-Pie X de nouvelles offres, renouvelées par Benoit XVI, jusqu’en 2013. Face à ces offres, Mgr Fellay a voulu croire que la main tendue était une main favorable, mais il a dû reconnaître que l’acceptation de ces offres nous aurait conduits à une dissolution dans le magma conciliaire. Depuis, nous demeurons en position d’attente, réfugiés dans la grâce de la bénédiction fondatrice, à la place que l’Église nous a alors assignée.]

« Le premier novembre prochain, achevait Monseigneur, nous fêterons les vingt ans de la Fraternité, et je suis intimement convaincu que c’est elle qui représente ce que le Bon Dieu veut pour garder et maintenir la foi, la vérité de l’Eglise, et ce qui peut encore être sauvé dans l’Eglise. Cela se fera grâce aussi aux évêques qui entourent le Supérieur Général, et remplissent leur rôle indispensable de mainteneurs de la foi, en prêchant, et en donnant les grâces du sacerdoce et de la confirmation. Ce sont des choses irremplaçables, dont on a absolument besoin.

Tout cela est vraiment très consolant, et je pense que nous pouvons remercier le Bon Dieu, et œuvrer dans la persévérance, afin qu’un jour on reconnaisse ce que nous faisons. Bien que la visite du cardinal Gagnon n’ait pas donné beaucoup de résultats, elle a quand même montré que nous étions présents, et que du bien se faisait par la Fraternité. Bien qu’ils n’aient pas voulu le dire explicitement, ils sont bien obligés de reconnaître que la Fraternité représente une force spirituelle irremplaçable pour la foi, dont ils auront, j’espère, la joie et la satisfaction de se servir lorsqu’ils auront retrouvé la foi traditionnelle.

Prions la Sainte Vierge, demandons à Notre-Dame de Fatima, à tous nos pèlerinages respectifs dans tous les pays, de venir en aide à la Fraternité pour qu’elle ait beaucoup de vocations. Nous devrions avoir un peu plus de vocations, nos séminaires ne sont pas remplis. Mais je pense qu’avec la grâce de Dieu, cela viendra. Merci de m’avoir écouté. Je vous demande de prier pour que je fasse une bonne et sainte mort, parce que maintenant je n’ai plus que cela à faire.»