Yves Chiron - Aletheia n°100 - 25 novembre 2006
La « réforme de la réforme » a commencé - par Yves Chiron
Aux journées d’études « Autour de la question liturgique » organisées, discrètement, à l’Abbaye Notre-Dame de Fontgombault en juillet 2001, il avait été beaucoup question de « La réforme de la réforme », soit le dépassement, par le haut, de la crise liturgique introduite par l’application, désordonnée, du Missel de Paul VI.
Celui qui était alors le cardinal Ratzinger avait conclu ces journées d’études par une conférence où il avait évoqué la coexistence de rites différents dans l’Eglise catholique et la question de la « réforme de la réforme »[1]. Il réservait l’expression au Missel de Paul VI. Mais il n’excluait pas la nécessité d’introduire des éléments nouveaux dans le Missel de 1962 (introduire des « saints nouveaux » et de nouvelles préfaces « qui proviennent du Trésor des Pères de l’Eglise »).
La « réforme de la réforme », l’actuel Souverain Pontife l’envisageait en trois directions :
- « rejeter la fausse créativité qui n’est pas une catégorie de la liturgie », en supprimant les « espaces de créativité » que le nouveau Missel autorise explicitement ;
- le « problème grave » des traductions infidèles, déficientes voire hérétiques (le cardinal n’employait pas le mot mais parlait de traductions qui font « disparaître des choses essentielles ») ;
- « la célébration versus populum ». « La célébration vers l’Orient, vers le Christ qui vient, est une tradition apostolique » disait le cardinal Ratzinger mais « je suis contre la révolution permanente dans les églises ; on a restructuré maintenant tant d’églises, que recommencer de nouveau en ce moment ne me semble pas du tout opportun. Mais s’il y avait toujours sur les autels une croix, une croix bien en vue, comme point de référence, nous aurions notre orient, parce que finalement le Crucifié est l’orient chrétien ».
C’est le problème des traductions auquel commence à s’attaquer, avec détermination, le cardinal Arinze, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin par une lettre en date du 17 octobre 2006, lettre adressée à tous les Présidents des Conférences Episcopales. Dans le canon de la messe, la formule « pro multis », prononcée par le prêtre lors de la consécration du Précieux Sang, a été traduite, de façon théologiquement erronée, par « per tutti » en italien, « for all » en anglais, soit « pour tous » en français.[2] De telles traductions fautives laissent entendre une sorte de salut universel « automatique » (l’expression est du cardinal Arinze). D’où la demande de réviser les traductions fautives. Ci-dessous le texte intégral de la lettre du cardinal Arinze [3].
CONGREGATIO DE CULTU DIVINO ET DISCIPLINA SACRAMENTORUM
Prot. N. 467/05/L
Rome, 17 octobre 2006
Votre Eminence, Votre Excellence,
En juillet 2005 la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, en accord avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avait écrit à tous les présidents des conférences des évêques pour leur demander leur avis sur la traduction dans les diverses langues vernaculaires de l'expression pro multis dans la formule de consécration du Précieux Sang pendant la célébration de la Sainte Messe (réf. Prot. N. 467/05/L du 9 juillet 2005).
Les réponses reçues des conférences épiscopales ont été étudiées par les deux congrégations et un rapport a été rédigé à l'intention du Saint Père. À sa demande, la Congrégation écrit maintenant à Votre Eminence, à Votre Excellence en ces termes :
1. Un texte correspondant aux mots pro multiples , retenu par l'Eglise, constitue la formule qui a été en usage dans le rite romain latin depuis les premiers siècles. Dans les 30 dernières années quelques textes vernaculaires approuvés ont véhiculé la traduction interprétative « pour tous », « per tutti », ou par des mots équivalents.
2. Il n'y a aucun doute quant à la validité des messes célébrées avec l'utilisation d'une formule dûment approuvée contenant une formule équivalente à « pour tous », comme la Congrégation pour la Doctrine de la Foi l'a déjà déclaré (cf. Sacra Congregatio pro Doctrina Fidei, Declaratio de sensu tribuendo adprobationi versionum formularum sacramentalium, 25 Ianuarii 1974, AAS 66 [1974], 661). En effet, la formule « pour tous » correspondrait assurément à une interprétation correcte de l'intention du Seigneur exprimée dans le texte. C'est un dogme de Foi que le Christ est mort sur la croix pour tous les hommes et toutes les femmes (cf. Jean 11:52; 2 Corinthiens 5,14-15; Tite 2,11; 1 Jean 2,2).
3. Il y a, cependant, beaucoup d'arguments en faveur d'une traduction plus précise de la formule traditionnelle pro multis :
a.Les Evangiles synoptiques (Mt 26,28; Mc 14,24) font expressément référence à « beaucoup » [le mot grec traduit est "pollon"] pour qui le Seigneur offre le Sacrifice, et ces mots ont été soulignés par quelques érudits biblistes en relation avec les mots du prophète Isaïe (53, 11-12). Il aurait été entièrement possible dans les textes évangéliques d'avoir dit « pour tous » (par exemple, cf. Luc 12.41) ; au lieu de cela, la formule donnée dans le récit d'établissement est « pour beaucoup », et les mots ont été loyalement traduits ainsi dans la plupart des versions bibliques modernes.
b. Le Rite Romain Latin a toujours dit pro multis et jamais pro omnibus dans la consécration du calice.
c. Les anaphores des divers rites orientaux, que ce soit le Grec, le Syriaque, l'Arménien, les langues slaves, etc., contiennent l'équivalent verbal du pro multis latin dans leurs langues respectives.
d. « Pour beaucoup » est une traduction fidèle de pro multis, tandis que « pour tous » est plutôt une explication propre au langage catéchétique.
e. L'expression « pour beaucoup », tout en incluant chaque personne humaine, induit également le fait que le salut n'est pas attribué de façon mécanique, sans une adhésion ou une participation quelconque; au contraire, le croyant est invité à accepter dans la foi le cadeau qui lui est offert et à recevoir la vie surnaturelle qui est donnée à ceux qui participent à ce mystère, le vivant dans leurs vies pour être comptés parmi les "beaucoup" auquel le texte se réfère.
f. En conformité avec l'instruction Liturgiam authenticam, un effort devra être entrepris pour être plus fidèle aux textes latins dans les éditions typiques.
4. Les Conférénces épiscopales des pays où la formule « pour tous » ou son équivalent est actuellement en service sont priés pour ces raisons d'entreprendre la formation nécessaire des fidèles sur cette question dans l'année ou dans les deux années à venir pour les préparer à la réception d'une traduction vernaculaire précise de la formule pro multis (par exemple, « pour beaucoup », « per molti », etc.) dans la prochaine traduction du Missel romain que les évêques et le Saint-Siège approuveront pour l'usage dans leur pays.
Avec l'expression de ma profonde estime et de mon profond respect, je reste, Votre Eminence, Votre Excellence,
Fidèlement vôtre dans le Christ,
Francis Card. Arinze, Préfet
Vient de paraître
Katharina Tangari, née à Vienne en 1906, morte à Naples en 1989, a traversé le XXe siècle et tous ses bouleversements dramatiques. Elle aura connu les prisons anglaises en Italie, de 1943 à 1946, puis les prisons communistes en Tchécoslovaquie, en 1971 et 1972.
Ces événements extérieurs, qui la relient à la grande Histoire, ne suffisent pas à résumer sa vie. Elle a surtout connu un chemin de conversion qui l’a menée à entrer dans le Tiers-ordre dominicain et à devenir une fille spirituelle de saint Padre Pio qui a été, pendant dix-huit ans, son confesseur et son directeur spirituel.
Âme de prière, très attachée à la dévotion du Saint Enfant Jésus de Prague, une de caractéristiques de sa vie spirituelle a été l’ « immolation de soi-même », qui lui a permis de mener un véritable combat pour la sainteté du mariage, de franchir des dizaines de fois le « Rideau de fer » dans les années 60 et 70 pour venir en aide au clergé et aux fidèles persécutés des pays de l’Est. Puis, elle est venue en aide aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X jusqu’à la fin de sa vie.
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NOTE
[1] Cardinal Joseph Ratzinger, « Bilan et perspectives », in Autour de la question liturgique, Abbaye Notre-Dame, 36220 Fontgombault, 2001, p. 173-183.
[2] Sur ce point, la traduction officielle française de 1969 n’est pas défectueuse puisqu’elle dit : « pour la multitude ».
[3] Je reproduis le texte tel que le publie le site La Porte Latine (FSSPX), non sans diverses corrections typographiques.